C’est une première en France et c’est dans les Pays de la Loire que ça se passe, en attendant une possible extension à l’ensemble du littoral français. Jeudi dernier, à Nantes, le Crédit Maritime Atlantique et ses partenaires ont annoncé la création de Litto Invest, un fonds d’investissement spécialement conçu pour soutenir le développement de l’activité économique sur le littoral. « C’est un fonds unique, il n’y en a pas d’autre en France dédié à l’économie du littoral. Il vise les activités industrielles, comme la construction navale, la pêche, les cultures marines, le nautisme, le secteur de l’énergie mais aussi, dans les grandes zones d’élevage du littoral, certains projets tels que les usines de méthanisation. Le fonds sera également très présent dans l’immobilier d’exploitation et l’immobilier touristique. Le spectre est donc très large, car notre objectif est d’accompagner l’ensemble des acteurs économiques présents sur le littoral », explique Yvan Parrot, initiateur de Litto Invest.
Compléter les fonds propres des porteurs de projets
Le nouveau dispositif interviendra par le biais de prises de participations minoritaires dans les entreprises. Il cible plutôt les petites structures, pour aider par exemple de jeunes entrepreneurs à se lancer. « En plus des emprunts classiques à moyen terme proposés par les banques, les porteurs de projets ont souvent besoin de compléter leurs fonds propres. Car ils n’ont pas toujours les moyens financiers nécessaires au lancement d’une entreprise ». Il peut par exemple s’agir d’une aide au financement du premier bateau d’un patron pêcheur, d’une unité de transformation de produits de la mer, de projets liés au tourisme, comme l’hôtellerie de plein-air, de champs éoliens ou solaires implantés sur la côte, de mécanisation de certaines activités… Le champ d’action est extrêmement vaste et a le mérite de prendre le littoral dans toutes ses dimensions et pas seulement, comme c’est très souvent le cas, par le seul prisme de ses facettes maritimes.
La baie de La Baule (© VILLE DE LA BAULE)
« Un outil performant et facile d’accès »
Pour le Crédit Maritime Atlantique, ce nouveau fonds d’investissement a pour but de favoriser la création d’activités et d’emplois sur le littoral. Selon la banque, historiquement spécialisée dans le secteur maritime et qui a ensuite évolué vers le tourisme avant de développer de compétences dans le domaine des énergies marines, Litto Invest répond à un véritable besoin : « Profondément et historiquement attaché au territoire régional, le Crédit Maritime Atlantique connait bien les questions relatives à l’économie littorale et les problématiques d’investissement qui se posent à ses acteurs. Avec Litto Invest, nous souhaitons leur proposer un outil performant et facile d’accès, pour les aider à mener à bien leurs projets et soutenir le développement des filières phares du littoral », explique Bruno Pain, directeur général du Crédit Maritime Atlantique, qui a succédé l’an dernier à Yvan Parrot, à la tête de l’établissement durant huit ans.
Un chalutier de l'ACAV aux Sables d'Olonne (© PIRIOU)
Des acteurs professionnels dans le tour de table
Litto Invest est détenu majoritairement par des acteurs privés. En plus des partenaires financiers, avec le Crédit Maritime Atlantique mais aussi la Banque Populaire Bretagne Atlantique (dont Yvan Parrot est aujourd’hui le directeur général adjoint), on y trouve des professionnels de différents métiers, comme la pêche, avec la participation de l’Organisation de Producteurs pour les produits de la mer de Vendée et de l’Armement Coopératif Artisanal Vendéen. Pour ce dernier, dont l’objectif est de lancer de jeunes patrons en les accompagnant financièrement et en leur permettant de racheter progressivement les parts de copropriété dans leur bateau, le nouveau fonds d’investissement devrait servir d’accélérateur : « Il viendra faciliter leur accès à la propriété », estime Emmanuel Hubé, président de l’ACAV, aujourd’hui copropriétaire d’une flottille de 10 bateaux de pêche âgés en moyenne de 9 ans. Du côté de l’OP85, José Jouneau, son président, pense que Litto Invest « représente une alternative responsable susceptible de pallier au manque de financement public suite aux restrictions budgétaires induites par la crise ». Dans le tour de table, on trouve aussi EDF Energies Nouvelles, qui est d’ailleurs le principal contributeur privé du fonds avec un engagement annuel de 500.000 euros pendant trois ans (contre 120.000 euros le CMA, 80.000 euros pour la BPBA, 85.000 euros pour l’OP85 et 50.000 euros pour l’ACAV). Pour le grand groupe français, il s’agit d’affirmer son soutien au développement de l’économie en Pays de la Loire : « Depuis plusieurs années, EDF Energies Nouvelles travaille avec le tissu économique régional, notamment en accompagnant le projet de parc éolien en mer au large de Saint-Nazaire. A travers notre participation à Litto Invest, nous espérons pouvoir aider de nouveaux projets en lien avec l’activité économique du littoral afin de renforcer le dynamisme de ce secteur », souligne Gaëtan Duchene, chef de projet éolien en mer chez EDF EN.
La Région veut développer le littoral pour faire face à la vague démographique
Enfin, le nouveau fonds d’investissement compte dans ses rangs la région des Pays de la Loire. Bien que minoritaire dans Litto Invest, c’est elle qui investira le plus, soit 1.5 million d’euros par an pendant trois ans. « Les hommes et femmes qui prennent des risques pour monter des projets sur le littoral doivent trouver des financements », martèle Christophe Clergeau, 1er vice-président du Conseil régional des Pays de la Loire. Très active ces dernières années dans le soutien au secteur maritime, la collectivité mise énormément sur le potentiel économique du littoral, qui doit permettre d’absorber la vague démographique que connait un territoire devenu particulièrement attractif. « Notre région comptera 900.000 habitants de plus en 2040. C’est l’équivalent de la population actuelle de la zone urbaine Nantes Saint-Nazaire qu’il faudra accueillir en plus, notamment en Vendée et en Loire Atlantique. Ces nouveaux arrivants sur le littoral vont vouloir travailler, se former, se loger, se soigner, se déplacer. C’est un formidable défi collectif à relever ». D’où, selon Christophe Clergeau, la nécessité de « peser sur tous les leviers de l’économie littorale pour développer l’activité, donner accès à l’emploi, aux services, préserver notre qualité de vie, redécouvrir le potentiel des ressources marines, faciliter leur exploitation… » Avec aussi, en ligne de mire, la volonté de lutter contre la trop grande saisonnalité de l’activité littorale, du fait du tourisme estival, pour faire émerger une économie pérenne tout au long de l’année.
Le port du Croisic (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Un objectif de 3 millions d’euros par an
La gestion de Litto Invest a été confiée à Naxicap, filiale du groupe BPCE spécialisée dans le capital investissement. « Il nous fallait une instance gestionnaire dont c’est le métier. Naxicap est un opérateur tiers de confiance qui assure une transparence pour les investisseurs et constitue un gage de confiance dans la gestion des fonds », note Yvan Parrot. Concrètement, Litto Invest dispose d’un capital de départ de 1.665 million d’euros. Ce n’est certes pas énorme, mais le fonds a le mérite de se concentrer sur les petits projets, ceux pour lesquels les besoins de financement se calculent surtout en dizaines ou en centaines de milliers d’euros. Alors que les grandes structures disposent de l’ingénierie financière et des fonds nécessaires, il s’agit avant tout d’aider les porteurs de projets qui n’ont pas ces avantages. Un pari audacieux mais aussi très intelligent, dans un pays qui regarde surtout ses fleurons industriels sans toujours percevoir que le dynamisme économique c’est aussi, et peut être surtout, les petites et moyennes entreprises.
De nouveaux partenaires pour amplifier la dynamique
Les créateurs de Litto Invest espèrent créer une dynamique et entrainer dans leur sillage de nouveaux partenaires afin de renforcer le capital du fonds et, ainsi, démultiplier les financements de projets. « Nous avons aujourd’hui quasiment 2 millions d’euros de levés et notre ambition est d’atteindre 3 millions par an. Pour cela, nous allons ouvrir ce fonds à des personnes morales, des acteurs économiques de la région qui veulent marquer leur intérêt pour le développement de l’activité et de l’emploi sur le littoral. Plus nous serons nombreux, plus nous serons forts et si de grands acteurs privés nous rejoignent, ce fonds sera un levier puissant pour la création de business et un outil formidable pour le développement régional », assure Yvan Parrot.
Le port de Saint-Nazaire (© EIFFEL INDUSTRIES)
Une extension vers les autres régions littorales de métropole et d’Outre-mer
Si Litto Invest voit le jour dans les Pays de la Loire, il est déjà question d’un déploiement du concept sur l’ensemble du littoral. « Litto Invest est conçu pour associer dans le temps d’autres régions, ou bien être cloné. Il est évident que ce concept a vocation à s’étendre et peut avoir un effet de levier au-delà de la région des Pays de la Loire pour bénéficier à l’ensemble du littoral », explique Yvan Parrot, qui ne cache pas être déjà en contact, sur ce sujet, avec d’autres entités du Crédit Maritime. Ainsi, les caisses de Bretagne-Normandie, Méditerranée et Outre-mer s’intéresseraient à ce nouveau concept.
