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En campagne pour prendre la tête de la région des Pays de la Loire, dont il est actuellement vice-président, Christophe Clergeau souhaite vivement que les chantiers de Saint-Nazaire repassent sous contrôle français et a précisé hier un projet en ce sens. Vendu par Alstom en 2006 au Norvégien Aker Yards, lui-même repris deux ans plus tard par STX Offshore & Shipbuilding, le dernier grand constructeur civil tricolore est aujourd’hui détenu à 66.66% par le groupe sud-coréen et à 33.34% par l’Etat français. Menacé de faillite et renfloué par les banques coréennes l’an dernier, STX a cédé depuis nombre de ses actifs, dont Turku, l’équivalent finlandais de Saint-Nazaire, vendu l’été dernier à l’Allemand Meyer Werft. STX France avait également été mis en vente mais, jusqu’ici, les Sud-coréen n’ont reçu aucune proposition satisfaisante. Le chantier ayant entretemps regarni son carnet de commandes, temporisant de fait l’urgence d’une transaction, l’actionnaire majoritaire a cessé l’été dernier toute démarche active pour se séparer de sa filiale française.

 

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© OUEST MEDIA

Christophe Clergeau (© : REGION DES PAYS DE LA LOIRE)

 

« Il ne faut pas attendre qu’un acheteur se présente »

Pour autant, Christophe Clergeau, qui avait lancé il y a plusieurs mois l’idée d’une reprise par des acteurs français avec le soutien de la Région des Pays de la Loire, continue fermement de travailler sur ce projet. Car, aucun groupe français ne souhaitant prendre la barre de STX France, une reprise par un investisseur étranger reste le plus plausible des scénarii. Or, estime l’élu ligérien, cette hypothèse comporte des dangers. Mieux vaut donc anticiper et reprendre tant que cela est possible le contrôle des chantiers nazairiens, d’autant que la navale sud-coréenne semble de nouveau entrer dans une période de vache maigre, ce qui pourrait inciter STx à vendre. « Il ne faut pas attendre qu’un acheteur se présente un beau matin. Il faut conserver le centre de décision à Saint-Nazaire, ce qui risquerait de ne plus être le cas si les chantiers étaient repris par un groupe étranger. Or, si le centre de décision n’était plus là, c’est tout l’écosystème qui serait fragilisé. C’est pourquoi je défends toujours l’idée d’une solution de reprise française et régionale ».

Prise de participation régionale au sein d’un consortium privé

Mais quel schéma adopter ? « Il s’agit de faire émerger autour du management de l’entreprise un actionnaire privé de référence qui passerait par la création d’un consortium regroupant les entreprises intéressées par l’existence du chantier ou de l’écosystème industriel dans lequel il se trouve », explique Christophe Clergeau, qui estime que cet acteur doit détenir une participation d’environ 30%. Quant à l’engagement de la Région dans ce projet, le candidat a été très clair hier : « Si je suis élu, je propose que le Conseil régional prenne une part minimale de 10% dans ce consortium. L’intervention de la Région est en effet importante pour boucler et crédibiliser le projet. Et il s’agit aussi d’accompagner et soutenir les nouveaux actionnaires, qui seraient notamment constitués de PME et ETI implantées dans l’Ouest. Notre rôle n’est pas de prendre le contrôle du consortium, ce n’est pas la vocation ni le métier de la région et de toute façon nous y serions minoritaires ».

Une idée qui séduirait à Bercy

Le vice-président de la région, qui est donc prêt à engager la collectivité à hauteur d'au moins 10 millions d’euros, souhaite que l’Etat conserve ses parts, car cela constitue une sécurité. De plus, les services de Bercy, désormais bien rôdés avec Saint-Nazaire, effectuent selon la direction des chantiers un travail remarquable autour des montages financiers indispensables à la prise des commandes. A Paris, Christophe Clergeau est apparemment soutenu dans sa démarche : « Depuis plusieurs mois, on considère à Bercy qu’il ne faut pas se borner à attendre et qu’il est intéressant de réfléchir à cette hypothèse. Il faut maintenant donner un signal et demander à l’Agence des Participations de l’Etat de s’engager dans la mise au point d’une solution. Et c’est bien sûr à l’Etat de convaincre STX de vendre sa participation ».

Un grand groupe pour boucler le tour de table

Entre l’Etat et le consortium, entre 60 et 70% du capital de l’entreprise seraient couverts. Quant au solde, il pourrait consister en une petite part d’actionnariat salarié et, surtout, l’arrivée d’un ou plusieurs industriels d’envergure. « De grands acteurs internationaux sont intéressés par une entrée minoritaire au capital des chantiers », assure Christophe Clergeau, qui laisse à ces acteurs le soin de se faire connaître quand ils le souhaiteront. On sait toutefois qu’il n’y a par exemple plus d’opposition de principe chez DCNS pour envisager une participation minoritaire dans STX France. Mais il y aurait aussi d’autres solutions, y compris peut-être - même si cela n’a pas été évoqué hier – des armateurs soucieux de sécuriser ainsi un outil industriel au moment où la place dans les cales de construction se fait rare.

« Une envie collective de se réapproprier le chantier »

Christophe Clergeau, qui porte depuis des mois cette idée et a multiplié les contacts pour élaborer un plan de bataille, se montre très confiant : « Evidemment, la mise en place d’une telle solution prendra un peu de temps car c’est un dossier complexe. Mais je suis optimiste car j’ai constaté une évolution de la position de l’Etat et des grands investisseurs potentiels. Nous avons aussi une maturité croissante de cette réflexion dans le monde économique de l’Ouest et une envie collective de se réapproprier le chantier. C’est en plus le bon moment pour le faire car l’entreprise a de la visibilité grâce à son carnet de commandes. Il y a suffisamment de gens intéressés par le chantier, la filière industrielle maritime et les aspects transverses, comme la logistique, pour que cela fonctionne. Surtout que les sommes en jeu ne sont pas astronomiques ».

Une industrie cruciale pour toute l’économie régionale

Pour lui, la pérennité de STX France et le maintien de son centre de décision à Saint-Nazaire sont cruciaux, non seulement pour le bassin nazairien, mais également pour toute l’économie régionale. « Les chantiers rayonnent sur un territoire qui va bien au-delà de Saint-Nazaire, et ce phénomène est amplifié par le développement de nouvelles activités, comme les énergies marines. Les filières s’étendent très loin et on trouve des sous-traitants dans toute la région. Quand je vais au Mans, à Angers et à Laval, on me parle souvent d’activités maritimes car beaucoup d’entreprises, qui souffrent sur d’autres marchés, trouvent là des relais de croissance et des sources de diversification ». L’activité liée aux chantiers et aux nouvelles filières EMR ont également de nombreuses retombées en termes de logistique, terrestre ou portuaire, alors que la présence des grands donneurs d’ordres est fondamentale pour tous les pôles de recherche et d’innovation, qu’il s’agisse par exemple d’EMC2,  de l’IRT Jules Verne, ou du Technocampus Ocean.

L’Etat accepte de transférer ses compétences sur l’emploi

STX France tournant désormais à plein régime, avec six paquebots à livrer d’ici 2020 et trois autres en option, sans compter les contrats signés dans le domaine des EMR, des milliers d’emplois nouveaux sont générés. Mais il y a une problématique de main d’œuvre face à une telle charge. Alors que le taux de chômage demeure élevé, de nombreux emplois ne trouvent pas de candidats locaux faute de personnel qualifié. « Nous soutenons déjà les entreprises pour les projets d’innovation et les investissements. Mais nous voulions aussi agir sur la formation. C’est chose faite puisque nous venons d’obtenir le transfert de compétences en matière d’animation et de coordination du service public de l’emploi.  La Région va donc être en charge du pilotage de l’économie du territoire, mais aussi de l’emploi. Nous allons donc pouvoir mettre en place une politique globale d’accompagnement des entreprises, qui doivent être impliquées en amont dans les processus de formation. Il s’agira d’anticiper les besoins et élaborer des contrats entre chômeurs et employeurs pour qu’à l’issue d’une formation, il y ait une embauche sur les emplois non pourvus. Cela permettra notamment de résoudre une partie de la question des travailleurs détachés, ceux dont la présence est due aux problèmes locaux de recrutement et de formation ».

Une politique maritime globale à mettre en place

Cette stratégie économique est intégrée dans un programme plus vaste qu’a détaillé hier le candidat. Ce dernier veut, tout d’abord, mettre en place une politique maritime globale. « Nous avons réalisé beaucoup de choses dans ce domaine mais jamais avec une approche globale des enjeux, ce qu’il faudra faire dans le cadre des nouveaux schémas régionaux d’aménagement et de développement durable des territoires ». Issu de la loi NOTRe sur la réforme territoriale, le SRADT, qui sera créé en 2016, statuera notamment sur l’aménagement du littoral. « Il aura un impact fort sur les activités maritimes, par exemple la place de la pêche et de l’aquaculture », prévient Christophe Clergeau. « C’est pourquoi nous devons travailler sur une stratégie littorale et maritime, l’intervention de la région se limitant aujourd’hui à l’estran ».

Création d’une Conférence régionale de la mer et du littoral

A l’image de ce qui a été fait en Bretagne, Christophe Clergeau propose la création d’une Conférence régionale de la mer et du littoral pour animer cette politique maritime et aider les élus à faire des choix en matière d’aménagement du littoral et de l’océan proche. « Je propose que cette instance consultative ait son siège à Saint-Nazaire, car c’est notre capitale maritime. Cette Conférence maritime serait pilotée par l’Etat, la région, les professionnels, mais aussi les acteurs impliqués dans différents domaines, environnement, urbain, industriel, tourisme… », explique-t-il, ajoutant que la collaboration avec la Bretagne voisine doit se renforcer, non seulement sur le plan régional, mais aussi national et européen : « Il faut mener un travail en commun avec la Bretagne, dont la Conférence régionale fonctionne bien. Et puis nous devons renforcer notre implication dans les réseaux européens pour réveiller l’Arc Atlantique et influer sur ses enjeux ».

La pêche, les nouvelles énergies, le tourisme…

Pour fortifier l’économie maritime, navale et portuaire, Christophe Clergeau veut mettre en œuvre un plan d’action. Rappelant que les Pays de la Loire sont la quatrième région en volume et la seconde en valeur pour la pêche, il veut « conforter le monde de la pêche et des cultures marines dans une logique de qualité, en valorisant mieux les produits et en favorisant les circuits courts pour favoriser l’emploi ».

Il s’agit aussi de développer de nouvelles énergies, comme les micro-algues mais aussi l’emploi de l’hydrogène, notamment pour la propulsion navale. « Nous avons déjà des projets en cours, comme le bateau de pêche FILHyPyNE, et je suis certain que les Pays de la Loire peuvent devenir une grande région d’innovation et de développement de l’hydrogène ».

Eolien offshore : Pas question de retarder le troisième appel d’offres

Et puis il y a bien entendu les énergies marines renouvelables, à commencer par l’éolien offshore, où Saint-Nazaire a pris une longueur d’avance en France avec la construction des usines d’Alstom (turbines et nacelles) et de STX France (sous-stations électriques, fondations métalliques) Pour l’heure, deux appels d’offres ont abouti mais le troisième semble devoir être retardé. « J’en appelle à Ségolène Royal à ce sujet. En tant que futur président de région, je n’accepterai pas que le calendrier du troisième appel d’offres soit décalé à la fin 2017. Il doit être lancé à l’été 2016, conformément au calendrier initial, car les industriels, qui ont lourdement investi dans leurs usines, ont besoin de visibilité, même s’ils remportent des commandes à l’export ».

Développer le tourisme nautique et la croisière

Christophe Clergeau s’intéresse par ailleurs au tourisme nautique sur la façade atlantique, pour lequel il souhaite « reprendre des actions de promotion en faveur des ports de plaisance et l’organisation des sports nautiques ». La croisière doit également se développer, là aussi via une collaboration à l’échelle de la façade atlantique : « L’offre de croisière sur la façade est insuffisante alors que nous avons des ports, des îles, des plages et des territoires exceptionnels. Il faudrait soutenir le développement d’offres à la semaine pour les vacanciers ».

Autoroute de la mer : Un éco-bonus aux transporteurs

Dans le domaine portuaire, le candidat pointe différents sujets, notamment celui des autoroutes de la mer. « Nous avons un enjeu très important sur l’organisation de la logistique dans l’Ouest pour drainer le trafic vers les ports et alimenter les autoroutes de la mer ». Alors que la ligne Montoir-Vigo devrait passer à quatre rotations par semaine grâce à un soutien européen, la Région poursuit ses discussions avec les différents acteurs impliqués pour relancer l’autoroute maritime fret et passagers entre Montoir et Gijón, arrêtée en 2014. « Au-delà des aides aux lignes, nous devons obtenir une aide aux transporteurs, sous forme d’éco-bonus, pour les inciter à embarquer les camions sur les bateaux et répondre aux objectifs environnementaux ».

Grand Port Maritime : Faire évoluer la gouvernance

Le candidat se montre dans le même temps très offensif sur la question de la gouvernance du Grand Port Maritime de Nantes Saint-Nazaire. « Ce n’est pas possible de maintenir le statu quo. Aujourd’hui, l’équipe de direction fait son travail mais le port est dirigé par l’administration centrale de l’Etat. Il n’y a pas de pilotage politique du port, ce qui doit changer. Je souhaite que nous le menions à quatre : l’Etat, l’équipe de direction, les acteurs économiques et les collectivités. On ne demande pas un transfert du GPM à la Région mais une expérimentation ou toute autre solution permettant aux acteurs locaux d’avoir un pouvoir prépondérant ».

La question des ports départementaux

Sur les ports départementaux, dont la loi NOTRe prévoit des transferts de compétences, Christophe Clergeau souhaite que la Région « soit présente dans tous les ports, tant sur la propriété que sur l’exploitation. Je ne demande pas à ce que nous exercions le contrôle de ces ports, simplement que la Région soit au moins présente minoritairement partout afin d’assurer une cohérence d’ensemble. Sur chaque port, nous ouvrons une discussion avec les acteurs pour trouver la solution adéquat ». 

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