Les Constructions Mécaniques de Normandie ont l’intention d’édifier à Cherbourg un nouveau chantier ultramoderne. Le projet, dont Mer et Marine vous révèle les détails, est en cours de finalisation. CMN espère le lancer dès 2016 en vue d’une mise en service d’ici 2019. L’objectif du constructeur est de se doter d’un outil industriel ultramoderne et performant, qui permettra de succéder au chantier actuel. Ce dernier est actuellement dispersé sur trois sites, ce qui pose de multiples contraintes en termes d’organisation. La production est, par exemple, séparée du quai d’armement par le terminal ferry.
Un outil qui ne correspond plus aux réalités industrielles modernes
Dans le même temps, la plupart des bâtiments commencent à vieillir, certains datant de l’entre-deux guerres et d’autres édifiés après le second conflit mondial, CMN ayant été créé en 1956. « Nos bâtiments sont anciens et nous sommes limités dans nos capacités de production. L’implantation spatiale du chantier et sa dispersion, ainsi que l’organisation, ne correspondent plus aux logiques industrielles d’aujourd’hui. D’importants efforts ont été entrepris ces dernières années mais nous arrivons à la limite de ce que nous pouvons faire, en l’état actuel des choses, en termes d’optimisation des flux et de gains de productivité. C’est pourquoi il faut passer à la vitesse supérieure », explique-on chez CMN.
Implantation dans la zone du nouveau hub logistique
Plus qu’un changement de braquet, il s’agit en fait de reconstruire intégralement le chantier sur un nouveau site, situé au nord de la gare maritime, entre la zone des Mielles et le Syncrolift. Cette emprise est dans le secteur que le port de Cherbourg va aménager afin, notamment, de servir de hub logistique pour les énergies marines. Un domaine sur lequel CMN a, d’ailleurs, entrepris de se développer, en particulier sur la technologie des hydroliennes. Pour mémoire, le projet d’extension du port, géré par Ports Normands Associés, va voir la réalisation de 39 hectares de nouveaux espaces gagnés sur la rade dans le prolongement du terre-plein des Flamands. Les travaux, qui ont débuté au printemps, doivent durer 18 mois et représentent un investissement de 50 millions d’euros, soutenu par la région Basse-Normandie, le département de la Manche, l’Etat et l’Europe.

Vue du futur chantier (© : LAH/AT)
12 hectares et 32.000 m² de bâtiments
Alors que CMN occupe aujourd’hui 15 hectares, dont 50.000 m² couverts, son projet de nouveau chantier s’étale sur 12 hectares, dont 4 gagnés sur la mer, avec 32.000 m² de surfaces couvertes. L’ensemble est donc moins grand mais bien plus adapté et optimisé. Le futur chantier, globalement en forme de « L », se répartira en plusieurs pôles. En plus d’un bâtiment abritant la direction et les bureaux d’études, l’usine comprendra des nefs de préfabrication de blocs et de sections de coque.
Acier, aluminium et peut-être composites
Certaines travailleront sur l’acier alors que d’autres seront spécialisées dans le traitement de l’aluminium. Ces espaces complèteront les capacités du nouvel atelier alu récemment créé par CMN dans le cadre de la réalisation des intercepteurs du type HSI 32 vendus au Mozambique. Le projet prévoit par ailleurs qu’une nef puisse être dédiée aux matériaux composites.
Les éléments réalisés dans les nefs de préfabrication (équipées de systèmes de retournement de blocs par ponts roulants), seront ensuite acheminés vers trois grands halls d’assemblage, où les navires prendront forme. Les mises à flot seront facilitées par la présence à proximité des eaux de la rade de Cherbourg. Pour ces opérations, CMN compte s’appuyer sur différentes moyens de manutention : le Syncrolift du port, l’actuel slipway ou encore, si besoin, un dock flottant. L’achèvement des bateaux à flot se fera ensuite sur un quai d’armement d’environ 250 mètres situé à proximité.

Vue du futur chantier (© : LAH/AT)
Une usine très automatisée
Ce projet a été étudié pour l’aspect architectural avec le cabinet girondin LAH/AT, l’organisation des flux industriels ayant été confiée à un bureau d’études allemand spécialisé dans ce domaine. Conçu comme un chantier ultramoderne, le futur site des CMN se caractérise par un haut degré d’automatisation, destiné à accroître les performances économiques et suppléer l’intervention humaine pour les taches difficiles. Les nefs de préfabrication seront en particulier dotées de robots, tandis que l’ergonomie au travail fait l’objet d’une grande attention, tout comme les aspects environnementaux. « Le projet prend en compte l’ensemble des facteurs humains, l’excellence environnementale et l’amélioration de l’organisation industrielle », souligne-t-on à Cherbourg.
C’est ce qui a d’ailleurs permis à ce projet d’être récemment désigné comme lauréat de l’appel à manifestation d’intérêt lancé par le Conseil régional de Basse Normandie en vue de soutenir l’émergence d’usines du futur sur le territoire.

Intercepteur du type HSI 32 (© : CMA / AVOTRIMAGE)
Des navires de 15 à 95 mètres
Grâce à ce nouvel outil industriel, CMN compte accélérer son développement, l’amélioration significative de sa compétitivité devant lui permettre de décrocher de nouvelles commandes. On peut d’ailleurs imaginer que la construction de cette usine ultramoderne correspond à un besoin lié aux perspectives commerciales de l’entreprise. Le dimensionnement de l’infrastructure a en tous cas été établi pour permettre une hausse significative de la production. CMN pourra, par exemple, produire chaque année une quinzaine de patrouilleurs de plus de 30 mètres comme le nouvel HSI 32, les nefs et halls étant conçus pour réaliser tous les bateaux de sa gamme, allant de l’intercepteur de 15 mètres du type DV15 à la grande corvette furtive et fortement armée de 95 mètres du type C-Sword. Sans oublier, bien sûr, les projets de diversification.

La corvette C-Sword (© : VERHAAREN NAVAL ARCHITECT)
Un investissement de 70 à 80 millions d’euros
En matière d’échéances, CMN compte finaliser d’ici la fin de l’année le projet, notamment sur le plan du calendrier et du montage financier. Le coût de l’opération est, pour l’heure, estimé entre 70 et 80 millions d’euros, ce qui représente un investissement majeur pour l’industriel normand et prouve bien que ce dernier est très confiant dans son avenir et ses capacités à engranger de nouveaux contrats. L’objectif est de débuter les travaux entre 2016 et 2017 en vue d’une mise en service du nouveau chantier en 2018/2019, ce qui, pour l’anecdote, coïnciderait avec les 70 ans du premier lancement du Chantier Félix Amiot, dont les Constructions Mécaniques de Normandie sont issue. Il s’agissait du chalutier Annie, mis à l’eau le 23 juin 1948.
En attendant, CMN va devoir obtenir l’accord de PNA, qui gère les emprises portuaires cherbourgeoises et pilote le chantier du futur hub, dont les espaces intéressent plusieurs industriels. Comme pour tout projet d’envergure, il faudra aussi en passer par un long processus administratif, comprenant différentes autorisations et enquêtes publiques. Chez CMN, on se montre toutefois confiant car ce projet représente un atout économique majeur pour la Normandie et le Cotentin, tant pour son caractère de vitrine de la construction navale moderne que pour sa capacité à générer d’importantes retombées pour l’économie régionale et l’emploi local.