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CroisiEurope a décidé d’ouvrir une nouvelle page de son histoire avec le lancement de croisières sur la Loire et le choix de Saint-Nazaire pour construire ses nouveaux navires. Historiquement, la compagnie française, basée à Strasbourg, faisait réaliser ses bateaux au chantier belge Sambre et Meuse, qui a livré en janvier 2013 son dernier navire, le Cyrano de Bergerac, une unité de 110 mètres dotée de 75 cabines.

 

 

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© MEUSAM

Le chantier Sambre et Meuse avec le Cyrano de Bergerac (© MEUSAM)

 

 

L’idée de nouer un partenariat avec les chantiers nazairiens était en fait assez ancienne au sein de l’armement, détenu par la famille Schmitter. Mais, longtemps, on a cru chez CroisiEurope que les navires fluviaux, tout petits à côté des mastodontes de la croisière maritime, n’intéresseraient pas le grand constructeur. Il a fallu la rencontre entre les dirigeants de la compagnie et le patron d’un sous-traitant de STX France pour que se produise le déclic. Ce rouage décisif se nomme Hervé Germain, à la tête de Mapac, une société ligérienne spécialisée dans la fabrication de panneaux sandwich, utilisés notamment pour les cloisons des cabines de navires de croisière. En dehors des paquebots réalisés à Saint-Nazaire, Mapac a aussi travaillé dans le cadre de projets développés par CroisiEurope. C’est ainsi que l’entreprise de Machecoul a équipé le Belle de l’Adriatique, mis en service en 2006, ainsi que le Belle de Cadix, construit en 2005 et rénové en 2010.

 

 

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© CROISIEUROPE

Le Belle de l'Adriatique (© CROISIEUROPE)

 

 

Le rôle clé de Neopolia

 

 

Le lien entre l’Alsace et l’estuaire de la Loire est né de cette collaboration. Pour autant, aller plus loin en imaginant la construction de navires dans l’ouest demeurait difficile puisque l’outil industriel de STX France n’est pas dimensionné pour ce type de bateaux. C’est pourquoi l’émergence de Neopolia a été déterminante. Succédant en en 2007 au Pôle Marine, né en 1999, ce groupement réunit 168 entreprises présentes dans la région des Pays de la Loire et représentant quelques 13.000 emplois pour un chiffre d’affaires cumulé d’environ 1.2 milliard d’euros. La plupart de ces sociétés sont des sous-traitants des grands industriels locaux, à commencer par Airbus et STX France. Neopolia, qui compte cinq clusters spécialisés (Marine, Oil&Gas, Aérospatial, Rail et Energies marines renouvelables), s’est structuré afin de fortifier et améliorer la compétitivité du tissu industriel régional au profit des grands donneurs d’ordres, mais aussi permettre la diversification de ses membres. Une stratégie cruciale dans le secteur naval où les chantiers de Saint-Nazaire sont confrontés à des périodes cycliques qui, lors des baisses de charge, mettent à mal la sous-traitance locale.

 

 

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© STX FRANCE - BERNARD BIGER

Paquebot en construction à Saint-Nazaire (© STX FRANCE - BERNARD BIGER)

 

 

« Il y a une richesse ici et nous croyons dans le savoir-faire français »

 

 

C’est dans cette perspective que Neopolia Marine, soutenu dans sa démarche par STX France, a développé une activité commerciale collaborative entre ses membres afin de répondre à des appels d’offres et proposer des solutions aux clients potentiels.  Voilà comment s’est mis en place le cadre nécessaire à l’aboutissement du projet de CroisiEurope, qui va voir la construction à Saint-Nazaire de trois bateaux hôtels fluviaux. « Ces six derniers mois, Neopolia a mobilisé toutes les compétences nécessaires, au sein de son réseau d’adhérents, pour répondre aux exigences de cet armateur », explique le groupement, dont Hervé Germain est aujourd’hui l’un des copilotes. « C’est une véritable opportunité de diversification pour nos entreprises et le territoire, en partenariat avec le grand chantier local et cela dans les métiers que nous maîtrisons parfaitement », explique le dirigeant de Mapac, apporteur et leader du projet. Chez CroisiEurope, on se montre en tous cas très enthousiaste à l’idée de voir les prochains navires de la compagnie réalisés à Saint-Nazaire : « Nous avons devant nous des entreprises très impliquées et capables de mener à bien des projets particulièrement techniques avec une grande qualité de travail. Il y a une richesse ici et nous croyons dans le savoir-faire français ».

 

 

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© CROISIEUROPE

 

Le futur Loire Princesse (© SDI)

 

 

Forger une alliance sur le long terme

 

 

La première commande enregistrée par les industriels nazairiens porte donc sur trois navires fluviaux livrables en 2015 et 2016. Le premier, qui est pour le moment le seul dont on connait les caractéristiques et le lieu d’exploitation, sera le Loire Princesse. La découpe de la première tôle de sa coque en acier interviendra en avril dans les ateliers de la société nazairienne Mecasoud. Une fois réalisés, les blocs seront assemblés chez STX France, qui soutien le projet en mettant à disposition sa cale de construction. Doté de 48 cabines, le navire, dont la mise en service en prévue en avril 2015, a été spécialement conçu pour naviguer sur la Loire. A cet effet, sa longueur est limitée à 88 mètres, alors que la norme chez CroisiEurope est plutôt de 110 mètres. Alors que le tirant d’eau ne dépassera pas 80 centimètres, le navire sera équipé de roues à aube, une architecture ancienne remise au goût du jour pour permettre  une navigation sur la Loire la majeure partie de l’année. La conception de ce bateau innovant a été confiée au cabinet d’architecture nantais Stirling Design International, qui travaille en collaboration avec les bureaux d’études Arco Marine, Ship Studio et Hydrocean.

 

 

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© SDI

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© SDI

Le futur Loire Princesse (© SDI)

 

 

Le Loire Princesse devrait rester unique en son genre, les deux autres navires réalisés à Saint-Nazaire étant destinés à une exploitation sur d’autres fleuves. Il est en tous cas clair que cette première commande, si elle se déroule bien, pourrait en entrainer d’autres. Pour les membres de Neopolia, il s’agit d’un véritable test et tout est mis en œuvre pour faire de ce contrat une réussite. Les professionnels de la navale ont, en effet, une opportunité unique de forger un partenariat durable avec une grande compagnie française qui, ces dernières années, a mis en service environ un navire chaque année. « Nous avons une véritable chance de pouvoir travailler avec un armateur fiable, expert indiscutable de ce type de marché, ambitieux et soucieux de privilégier des entreprises françaises. A nous, entreprises de la région de montrer à cet armateur toutes nos qualités ! D’autres projets peuvent suivre … », précise Hervé Germain.

 

 

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© CROISIEUROPE

(© CROISIEUROPE)

 

 

Le leader européen de la croisière fluviale    

 

 

CroisiEurope aligne aujourd’hui une vaste flotte, qui comprend une quarantaine d'unités, dont 33 lui appartiennent. Se présentant comme le premier propriétaire et exploitant européen de bateaux fluviaux, l’armement familial est né en 1976 à Strasbourg. Son fondateur, Gérard Schmitter, a commencé son activité avec la construction d’un restaurant au bord du Rhin. Puis il a eu l’idée de louer un bateau pour proposer des croisières à la journée suivant le concept du thé dansant. Une formule qui fonctionnait très bien le week-end mais n’était pas viable en semaine. Pour résoudre ce problème, l’entrepreneur alsacien a testé avec succès les traversées de plusieurs jours pour, finalement, lancer véritablement le marché des croisières fluviales en France. Exploitant les premiers navires à cabines en 1984, l’entreprise devient son propre armateur en 1990. Dès lors, CroisiEurope va gérer en direct sa flotte, de la  conception à la réalisation, en passant par la gestion hôtelière et commerciale, l’entretien, les achats ou encore la formation des personnels. Cette gestion globale permet, selon l’armateur, de rationaliser les coûts au maximum et de proposer des croisières « 30% moins chères que d’autres opérateurs pour un produit similaire ». Employant aujourd’hui 1200 salariés en CDI, la compagnie arme ses bateaux sous pavillon tricolore et emploie exclusivement des personnels français. « Nous participons ainsi au rayonnement du savoir-faire et de la culture françaises », explique-t-on à Strasbourg.

 

 

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© CROISIEUROPE

Le Cyrano de Bergerac (© CROISIEUROPE)

 

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La salle à manger du Cyrano de Bergerac (© CROISIEUROPE)

 

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Le grand salon du Cyrano de Bergerac (© CROISIEUROPE)

 

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Cabine sur le Cyrano de Bergerac (© CROISIEUROPE)

 

 

En dehors des tarifs, la grande force de CroisiEurope réside dans son produit, à commencer par l’ambiance et les prestations à bord : « Notre offre est basée sur le bien-être, la qualité de la table et du service, avec des personnels agréables et sympathiques ». En parallèle, les destinations sont évidemment primordiales et, de ce point de vue, la compagnie a développé au fil des années une collection d’itinéraires extrêmement riche. Aujourd’hui, elle exploite ou affrète des bateaux sur le Rhin et ses affluents, le Danube, la Seine, la Gironde (une destination lancée en 2011), le Duro et le Guadalquivir, ou encore la Volga. CroisiEurope a également développé des voyages très lointains, sur le Mékong et en Birmanie, mais aussi vers l’Afrique australe, ainsi qu’une offre maritime côtière avec le Belle de l’Adriatique, qui navigue notamment le long de l’Adriatique, en Grèce, à Chypre et jusqu’en Terre Sainte.

 

 

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(© CROISIEUROPE)

 

 

200.000 passagers par an, dont 60% de Français

 

 

Poursuivant son essor via l’agrandissement et la montée en gamme de sa flotte, mais aussi le lancement de nouveaux itinéraires, comme ce sera le cas avec la Loire en 2015, CroisiEurope mise aussi sur des thématiques spécifiques pour séduire la clientèle. On citera par exemple les croisières dédiées à la randonnée ou au golf, ainsi que les incontournables traversées musicales. Depuis l’an dernier, elle développe également de nouveaux produits très intimistes avec des péniches transformées en hôtels de 12 cabines, qui partent à la découverte des canaux de Provence, de Champagne, d’Alsace et de Bourgogne.

 

 

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© CROISIEUROPE

(© CROISIEUROPE)

 

 

Au final, CroisiEurope accueille désormais 200.000 passagers par an, un chiffre considérable que l’on peut par exemple comparer aux 500.000 passagers que cumulent dans l’Hexagone l’ensemble des compagnies de croisière maritimes. Les Français demeurent majoritaires sur les navires de l’armateur alsacien puisqu’ils représentent 60% des passagers. La clientèle internationale se développe néanmoins, avec une progression constatée du nombre de croisiéristes allemands, suisses, anglais, espagnols ou encore italiens.

Trente-huit ans après sa création, l’entreprise se porte donc très bien et continue d’innover pour renforcer sa position de leader sur le marché. Un succès qui est le fruit d’une très belle aventure : d’abord celle d’un homme, Gérard Schmitter, qui s’est éteint en 2012, puis de toute une famille, ses quatre enfants étant aujourd’hui à la barre de la compagnie.

 

 

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© CROISIEUROPE

La famille Schmitter (© CROISIEUROPE)

 

 

 

 

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Construction navale