Des chantiers de Saint-Nazaire à la pointe de Villès Martin, en passant par la sortie du port et le plan d’eau, avec les pilotes accompagnant le navire, nous vous faisons revivre aujourd’hui la première sortie en mer du plus grand paquebot du monde. Moins de 30 mois après le début de sa construction, en septembre 2013, l’Harmony of the Seas embrasse pour la première fois la mer.
Mis à l’eau en juin dernier, le géant avait quitté la forme de construction de STX France pour rejoindre, à l’issue d’un bref voyage dans l’estuaire de la Loire, le bassin C, où son achèvement s’est poursuivi. Ces derniers mois, des milliers d’ingénieurs, de techniciens et d’ouvriers ont œuvré à bord du « A34 », comme on l’appelle aux chantiers. Les travaux se sont ainsi poursuivis, non seulement sur le plan technique pour permettre au bateau d’appareiller, mais aussi dans ses innombrables espaces publics, qui s’étalent sur des dizaines de milliers de m² (voir notre reportage réalisé à bord fin février). Long de 362 mètres pour une largeur de 47 mètres à la base, 57 au niveau des superstructures et jusqu’à 67 dans les hauts, l’Harmony of the Seas, avec ses 227.700 GT de jauge, pourra accueillir 6400 passagers, servis par 2400 membres d’équipage. Une ville flottante comptant 2747 cabines et suites, ainsi que de multiples lieux de vie et activités, avec entre autres un théâtre intérieur et un amphithéâtre extérieur, une patinoire, des simulateurs de surf, des piscines, un grand solarium, un centre de bien-être, un casino, des discothèques, plus de 25 formules de restauration, de multiples bars et salons, un parc paysager en plein air, un terrain de sport, un mini-golf et un toboggan géant, haut de plus de 40 mètres…

(© : MER ET MARINE - STEPHAN WISNIEWSKI)
Trois jours entre Belle-Ile et l’île d’Yeu
Ce navire hors normes, qui surclasse très largement tous les paquebots que Saint-Nazaire a pu construire jusqu’ici, a donc débuté hier ses premiers essais en mer. Une sortie destinée principalement à assurer les réglages de l’usine de production électrique et de la propulsion, ainsi qu’à évaluer la manœuvrabilité du mastodonte. Affichant une puissance de 96 MW, et doté de trois Azipods de 20 MW chacun et quatre propulseurs d’étrave, l’Harmony of the Seas doit pouvoir atteindre la vitesse de 23 nœuds. Alors qu’une seconde campagne d’essais en mer est prévue le mois prochain, il conviendra en particulier de vérifier les niveaux de consommation du paquebot, des gains de l’ordre de 20% étant attendus par rapport aux deux premières unités de la série, l’Oasis of the Seas et l’Allure of the Seas, livrées en 2009 et 2010 par les chantiers finlandais de Turku.
Premiers coups de corne de brume (© : MER ET MARINE - STEPHAN WISNIEWSKI)
Pour ces premiers essais en mer, qui se dérouleront jusqu’à dimanche entre Belle-Ile et l’île d’Yeu, pas moins de 500 personnes sont à bord. Il y a là l’équipage de conduite, les équipes d’essais de STX France et de ses équipentiers, ainsi que l’équipe DNV GL, qui classe le navire. Et bien sûr l’équipe de supervision de Royal Caribbean International, l’armateur américain qui a déboursé 1 milliard d’euros pour se payer son nouveau fleuron, dont il doit prendre livraison le 12 mai.

(© : MER ET MARINE - STEPHAN WISNIEWSKI)
La foule au rendez-vous
En attendant, l’heure était hier à l’émerveillement et à l’émotion. Comme pour chaque naissance d’un nouveau navire à Saint-Nazaire, et plus particulièrement quand les chantiers battent un nouveau record, les spectateurs étaient au rendez-vous. Malgré une météo placée sous le signe de la grisaille et du crachin breton en début d’après-midi, plusieurs milliers de personnes étaient massées sur les quais et les plages pour assister au premier départ en mer de l’Harmony of the Seas. Et certains étaient venus de très loin, comme un lecteur suisse de Mer et Marine, rencontré sur le port et qui avait fait spécialement le voyage pour voir le navire descendre majestueusement l’estuaire de la Loire.

(© : MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

(© : MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Les pilotes à la manoeuvre
C’est peu après 17 heures, comme prévu, que la massive silhouette du paquebot s’est ébranlée, sortant lentement du bassin C avant de procéder à un quart de tour dans la Loire pour pointer son étrave vers le large. Six remorqueurs de Boluda France, affectés au port de Nantes Saint-Nazaire, assistaient le navire dans sa manœuvre. Celle-ci a été gérée de main de maître par les pilotes de la Loire, sous la conduite de Laurent Herpin, qui s’entrainent depuis un an, en particulier sur leur simulateur nantais, pour réaliser cette opération aussi délicate qu’exceptionnelle vu le gabarit du dernier-né des chantiers nazairiens (voir notre article sur la préparation des pilotes).

(© : BERNARD BIGER)

(© : MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
La fierté de toute une région
Prêt à faire tourner pour la première fois ses hélices, le navire s’est brièvement arrêté après avoir évité, solidement encadré par ses remorqueurs. Le temps de vérifier que tout était paré et le convoi s’est mis en route, lentement, devant les caméras de télévision, venue en nombre, ainsi que la foule rassemblée à Saint-Nazaire et de l’autre côté de l’estuaire, à Saint-Brévin. Il y avait là des habitants de la région, des touristes venus pour l’évènement, des curieux de passage, des anciens de la navale toujours fidèles au poste, mais aussi des employés et sous-traitants des chantiers, pour certains venus en famille. Avec comme à chaque fois, ici, ces moments typiques où les yeux écarquillés des enfants croisent le regard plein de fierté de leurs parents.

(© : BERNARD BIGER)
Ce fut donc un bel évènement, comme on les aime à Saint-Nazaire, surtout quand la navale, orgueil depuis plus de 150 ans de cette ville et qui vit actuellement un nouvel âge d’or, produit un tel vaisseau, fruit d’une aventure technique et humaine que bien peu de chantiers dans le monde sont capables de mener à bien.
Quant à la météo, elle était certes maussade, mais la pluie a finalement décidé de s’abstenir pendant le passage de l’Harmony of the Seas. Avant que les lourds nuages qui encombraient le ciel finissent en fin de journée par se déchirer et laisser apparaître, alors que le navire voguait vers le large, l’un de ces magnifiques couchers de soleil rougeoyants dont la côte bretonne a le secret.

(© : MER ET MARINE - STEPHAN WISNIEWSKI)

(© : MER ET MARINE - STEPHAN WISNIEWSKI)