C’est un éclairage très intéressant que celui apporté par d’anciens cadres dirigeants des chantiers de Saint-Nazaire sur la perspective d’une reprise des chantiers STX France de Saint-Nazaire par Fincantieri. Finalement seul candidat au rachat des 66.6% détenus depuis 2008 par le groupe sud-coréen STX Offshore & Shipbuilding, le constructeur public italien a fait en décembre une offre d’à peine 80 millions d’euros pour s’offrir l’un de ses principaux concurrents. Il doit, normalement, signer prochainement la convention de cession de ces parts avec le tribunal de commerce de Séoul, en charge de la vente des actifs de STX O&S.
Alors que le 27 février, lors d’une table ronde organisée à Saint-Nazaire, l’Association des Ingénieurs et Cadres des Chantiers de l’Atlantique (AICCA) faisait part de vives inquiétudes quant à une prise de contrôle italienne, nous avons interrogé un certain nombre d’anciens dirigeants des chantiers nazairiens. Ces derniers ont souhaité ne pas être nommément cités, condition que nous avons acceptée afin qu’ils puissent non seulement confier leur opinion sur le sujet mais, surtout, qu’ils livrent le vrai fond de leur pensé.
Protéger une entreprise stratégique
Pour résumer, tous s’accordent à dire que le dossier est extrêmement complexe, qu’il n’y a pas aujourd’hui de scénario idéal et qu’en l’état actuel des choses, une reprise par Fincantieri présente des risques susceptibles d’hypothéquer l’avenir de Saint-Nazaire, dont le caractère stratégique est souligné. Faisant néanmoins le constat qu’aucune solution franco-française n’a, au moins jusqu’ici, pu émerger, ils estiment qu’il ne faut pas rejeter le groupe italien, avec lequel des synergies peuvent s’opérer et qui, si son arrivée est bien encadrée, peut avoir un rôle intéressant à jouer. Mais, pour cela, la plupart des anciens dirigeants pense que la France doit s’assurer le contrôle de l’entreprise et, de l’avis général, essayer surtout de créer avec l’Italie une alliance plus vaste. En clair, réussir enfin à faire émerger un champion européen de la navale, non seulement dans le domaine civil mais également dans le secteur militaire, ce qui passe par une entrée de DCNS dans le jeu. Sauf qu’une telle option ne peut voir le jour en quelques semaines et sous la contrainte de facteurs extérieurs, (procédure juridique à Séoul et élections en France). Ce qui amène plusieurs anciens dirigeants nazairiens à souhaiter que l’Etat, en bonne intelligence avec les Italiens, préempte les parts de STX afin de se donner le temps d’élaborer le meilleur tour de table possible et un projet industriel de long terme bénéfique pour les deux pays.
Les garanties : « de la poudre aux yeux »
Voyons désormais plus en détail les avis recueillis sur un certain nombre de points. Tout d’abord, les fameuses et nombreuses garanties exigées à Fincantieri par les Français, qui espèrent ainsi assurer la protection de Saint-Nazaire. Celles-ci ne sont, pour reprendre les expressions de plusieurs anciens dirigeants des chantiers que « du vent », « de la poudre aux yeux » ou encore « un mirage ». L’un d’eux développe : « Si Fincantieri devient l’actionnaire majoritaire, ou du moins l’opérateur industriel de référence, il fera bien ce qu’il voudra et pourra, s’il le souhaite, contourner de multiples manières les engagements pris. Tout cela est en fait très politique, les garanties n’ayant généralement dans ce genre de cas qu’une utilité : rassurer l’opinion publique et les personnels ».
Contrôle français
C’est pourquoi, si accord il doit y avoir avec les Italiens, au-delà d’un « pacte d’actionnaires en béton et de l’assurance de conserver une direction générale française », un ex-président estime qu’il est « préférable que la France ait le contrôle du chantier en disposant de la majorité du capital ou, au moins, de la majorité des droits de vote au Conseil d’administration, ce qui permettrait de protéger le chantier tout en laissant de l’espace pour un opérateur industriel ». Alors que Fincantieri continue de négocier à Séoul le rachat des 66.6% de STX France, le gouvernement français a d’ailleurs signifié qu’il ne souhaitait pas que le constructeur italien détienne à lui seul la majorité des chantiers.
Double actionnariat italien : l'option « aberrante »
Face au mécontentement de Rome, Paris a avancé il y a quelques semaines un compromis pour le moins curieux, basé sur un double actionnariat italien : Fincantieri, à lui seul, n’aurait qu’une majorité relative, c’est-à-dire moins de 50%, mais un autre acteur transalpin pourrait compléter le tour de table et aboutir à une majorité italienne absolue. Une option « aberrante » pour un ancien patron de Saint-Nazaire, qui estime que cette idée n’a strictement aucun intérêt : « Un Italien ou deux Italiens cela reste une majorité italienne, surtout si l’actionnaire complémentaire est un organisme institutionnel, comme la caisse des dépôts italienne, qui possède Fincantieri ».
Préserver un site complet
Sur le plan industriel, s’il est évident pour tous que Fincantieri ne vient pas avec de mauvaises intentions et à tout intérêt à préserver le site français, dont la cale géante lui permettrait de compléter ses formes devenues trop petites pour les plus gros paquebots, le spectre de voir Saint-Nazaire devenir à terme une simple unité de production est une inquiétude largement partagée : « Ne deviendra-t-on pas de simples constructeurs de coques ? », s’interroge an ancien patron. Un autre rappelle que si les anciens Chantiers de l’Atlantique sont parvenus à survivre et sont aujourd’hui florissants, c’est « qu’ils sont restés à la pointe de la technologie, mais ce n’est pas un acquis. Il faut s’améliorer et innover en permanence, ce qui est notamment le rôle des bureaux d’études et des sous-traitants. Il est impératif de maintenir cela en France et éviter à tout prix que Saint-Nazaire soit transformé au fil du temps en simple atelier d’assemblage, ou qu’il soit uniquement spécialisé sur les très gros paquebots ».
Sans éluder l’hypothèse d’un jeu de mécano industriel pouvant déboucher sur la possibilité de laisser les prototypes - plus risqués - à Saint-Nazaire et les navires de série - sur lesquels s’opèrent les marges - aux sites italiens, un troisième se veut plus rassurant : « C’est possible mais il faut comprendre que Saint-Nazaire est beaucoup plus puissant que Fincantieri sur tous les plans, que ce soit l’outil industriel, l’avance technologique et la R&D. C’est un trésor que l’on ne pourra pas transférer, même en Italie ». En clair, il y aurait donc peu d’inquiétudes à avoir sur la pérennité des bureaux d’études, qui pourraient même travailler sur d’autres projets décrochés par le groupe italien. « Mais il ne faudrait pas non plus saturer les capacités d’études sur des projets externes au détriment de projets pouvant être réalisés à Saint-Nazaire ».
Transfert du centre de décision en Italie
En revanche, toutes les ex-dirigeants interrogés estiment que le risque majeur, qui est d’ailleurs souvent pressenti comme inévitable si Fincantieri prend la barre, est « un transfert du centre de décision vers l’Italie », avec « une perte de contrôle par la France et une direction industrielle qui sera forcément italienne ». Il en résulterait notamment la fin d’un atout crucial qui contribue aujourd’hui à la force de Saint-Nazaire : « On perdrait la souplesse d’une entité autonome et réactive qui devrait tenir compte des lourdeurs et des arbitrages liés à une logique de groupe ». Avec de possibles divergences d’intérêts et des décisions qui ne seraient pas forcément toujours favorables à la partie française.
« Variable d’ajustement »
Les périodes de faible activité paraissent à ce titre particulièrement dangereuses : « La navale fait appel à des compétences très pointues et certaines spécifiques, tant au sein du chantier que chez ses sous-traitants. Mais c’est aussi une activité cyclique et même pendant les périodes de basses eaux, et il y en aura forcément à l’avenir, il faudra conserver ces compétences avec un minimum d’activité. Dans ces conditions, il ne faut pas que Saint-Nazaire devienne la variable d’ajustement d’un ensemble plus large ».
La question des paquebots chinois
Evidemment, les accords conclus avec Pékin et l’armateur américain Carnival - client historique et principal de Fincantieri - pour la construction de paquebots en Chine pose de nombreuses questions : « Il y a évidemment un danger même si Fincantieri dit prendre toutes les précautions pour garder la main sur les parties critiques. Les Italiens feront logiquement tout pour éviter un transfert de technologie trop important, qui reviendrait à se tirer une balle dans le pied. Mais il ne faut pas sous-estimer les Chinois, qui savent construire des bateaux et apprennent vite. De plus, on ne peut pas préjuger de l’évolution des rapports de force qui pourraient à l’avenir obliger les Italiens à faire des concessions. En tout état de cause, cet accord va quoiqu’il en soit permettre à la Chine de se développer plus rapidement sur un marché où elle se serait inévitablement lancée un jour ou l’autre. Tout le problème est de savoir, malgré tout le respect que j’ai pour mes anciens compères de Fincantieri, si nous allons voir surgir un ogre chinois par l’intermédiaire d’un complice européen », lance un ancien président des Chantiers de l’Atlantique.
Eviter de perdre à terme RCCL et MSC
Ce dernier redoute également les liens très forts qui unissent Carnival à Fincantieri. « L’étroitesse de leurs relations, depuis 1987, fait craindre une aliénation de l’indépendance des chantiers à l’avenir ». Il pourrait en résulter, estime-t-il, « une dégradation de notre carnet de commandes et des tensions probables avec MSC et RCCL ». Les deux armateurs, auxquels sont destinés l’ensemble des paquebots se trouvant actuellement dans le carnet de commandes de Saint-Nazaire, nourrissent en effet des relations pour le moins délicates avec le tandem Carnival/Fincantieri. Au point, d’ailleurs, d’avoir tenté l’an dernier de monter avec le constructeur néerlandais Damen une offre d’achat des parts de STX visant non seulement à contrecarrer un éventuel repreneur asiatique, mais aussi Fincantieri. Alors que la détestation profonde et historique que se vouent Royal Caribbean Cruises Ltd et Carnival Corporation est de notoriété publique, RCCL n’a jamais commandé un bateau en Italie, ne faisant confiance qu’aux chantiers français, allemands et finlandais. Dans ces conditions, certains redoutent qu’à terme, une fois les projets en cours réalisés, il puisse y avoir une fuite de clientèle vers l’Europe du nord, où Royal continue d’ailleurs de faire construire des navires chez Meyer Werft. « Même s’il est sans doute confortable pour RCCL d’avoir un pied en France et l’autre chez Meyer Werft, il y a un risque de fuite, sauf à pouvoir démontrer aux clients qu’il y a des clauses bétonnées permettant à Saint-Nazaire de ne pas passer sous les fourches caudines de Carnival ».
Beaucoup de chance avec Aker et STX
Concernant la problématique d’un actionnariat principal étranger, l’idée circule parfois à Saint-Nazaire que les chantiers ont déjà, avec le Norvégien Aker Yards (qui avait racheté l’entreprise à Alstom en 2006) et STX depuis 2008, fait une expérience « indolore » d’un tel contrôle capitalistique. Pour beaucoup, la minorité de blocage détenue par l’Etat est d’ailleurs souvent considérée, probablement à tort, comme responsable de ce statut quo. D’aucuns pensent donc qu’avec Fincantieri, rien ne changera vraiment. « En fait nous avons eu avec les deux derniers actionnaires beaucoup de chance. Le premier n’est pas resté assez longtemps et STX fut particulièrement mauvais, mais heureusement transparent. Il est clair que si cela avait été un autre Coréen, comme Daewoo ou Samsung, il ne resterait probablement plus grand-chose de Saint-Nazaire aujourd’hui ». Si importante soit la présence de l’Etat dans le capital – avec minorité de blocage et droit de veto - c’est donc avant tout la stratégie et la volonté du futur actionnaire principal qui présideront aux destinées nazairiennes. Et les Italiens, contrairement à leurs prédécesseurs, n’ont manifestement pas l’intention de jouer aux actionnaires effacés.
L’avantage d’un grand actionnaire industriel
Sur l’avantage de disposer d’un grand industriel comme actionnaire de référence pour faciliter l’élaboration des montages financiers nécessaires aux prises de commandes, les avis des « anciens » sont sur certains points nuancés. Ils estiment tous que la présence d’un industriel comme actionnaire principal est la « meilleure solution » et que, dans ce cas, il faut « un acteur disposant d’une surface financière suffisante » pour accéder à des capacités de financement importantes. Le chantier doit en effet avancer l’essentiel des coûts liés à la réalisation des paquebots jusqu’à leur livraison, sachant que le prix unitaire des bateaux peut désormais atteindre le milliard d’euros. Si un industriel fort constitue donc un « vrai atout », cet avantage ne vaut évidemment que si l’acteur en question « n’est pas un prédateur » et « impulse une stratégie industrielle pertinente ».
On relève toutefois chez les anciens dirigeants nazairiens le rôle crucial de l’Etat : sa présence dans le capital de l’entreprise, son action pour garantir les financements et même, parfois, « inciter les banques à aller au tour de table », restent selon eux l’une des meilleures garanties. L’une des personnalités interrogées observe d’ailleurs que « cela fait plusieurs années que le chantier a un actionnaire principal défaillant et en quasi-faillite, ce qui n’a pas empêché Saint-Nazaire de réaliser les montages et les emprunts nécessaires, même si cela n’a probablement pas toujours été simple ». Et de noter que sur cette période, le « rôle du management, soutenu par l’Etat, a été fondamental ».
Fincantieri : Un géant aussi solide qu’il y parait ?
Dans l’absolu, Fincantieri offre le profil idéal de ce grand actionnaire industriel, d’autant que « le fait qu’il appartient à la caisse des dépôts italienne donne une impression de garantie infinie ». Néanmoins, les résultats financiers du groupe et son endettement, tout comme la situation difficile que connaissent actuellement les banques et finances publiques italiennes sont évoqués par certains comme une source d’inquiétude. Par ailleurs, plusieurs soupçonnent, ou sont même persuadés, que Fincantieri « perd de l’argent avec les paquebots » et équilibre ses comptes avec les commandes militaires de la marine italienne, qui ont d’ailleurs été très importantes ces dernières années. De là, on s’interroge sur la robustesse globale du groupe, détenu à 72% par l’Etat italien, en cas de réduction drastique des commandes publiques. Dans le même temps, la stratégie de croissance « à tout va » de Fincantieri, qui a acquis de nombreux chantiers et sociétés à travers le monde ces dernières années, en laisse certains, manifestement plus adeptes des stratégies de consolidation progressive que d’expansion galopante, plutôt dubitatifs.
Un « actif stratégique pour la France »
Cela fait donc, au final, beaucoup de risques, d’interrogations et d’incertitudes, surtout qu’au-delà des paquebots, Saint-Nazaire présente avant tout un caractère stratégique pour la France. C’est en effet le dernier chantier hexagonal capable de réaliser les grands bâtiments de la Marine nationale, qu’il s’agisse de porte-avions, BPC ou navires logistiques. « Il faut d’abord voir Saint-Nazaire comme un actif stratégique pour la France et l’Etat doit conserver la maîtrise d’accès à cette capacité industrielle pour ses grands navires militaires. Cette entreprise représente de plus l’essentiel de la construction civile nationale en termes d’emplois et d’exportation. On ne peut donc prendre le risque de laisser partir cet actif ou de le voir se dégrader à l’avenir ».
Les points positifs de la solution italienne
Cependant, pour les anciens patrons avec qui nous avons échangé, il ne faut surtout pas rejeter Fincantieri. Si, du point de vue de l’outil industriel comme des aspects technologiques, ils estiment que l’apport italien serait « sans doute nul », il y a quand même, disent-ils, des avantages non négligeables à un rapprochement: « Fincantieri est un grand groupe industriel compétent et Saint-Nazaire serait au sein de ce groupe un élément important dans le domaine des navires civils, en particulier les paquebots ». Ils soulignent également le potentiel en termes de coopérations, par exemple en faisant travailler, comme cela se pratique déjà en Italie, plusieurs chantiers sur un même projet : « Il serait possible de mettre en place des synergies intéressantes pour optimiser l’outil industriel des différents sites, ce qui permettrait de mieux gérer l’ensemble, réguler la charge et améliorer les performances ».
Les bureaux d’études nazairiens pourraient également avoir de belles perspectives : « Fincantieri pourrait s’appuyer sur l’ingénierie nazairienne pour soutenir ses propres bureaux d’études en Italie et même ailleurs ». Alors que les Italiens ont évoqué la possibilité d’un positionnement de Saint-Nazaire dans l’offshore, avec pourquoi pas une coopération avec les Norvégiens de sa filiale Vard, apparemment en manque d’ingénieurs et d’architectes, la diversification du chantier français reste fondamentale : « Il faut absolument poursuivre cette politique, engagée avec succès dans les énergies marines et il est clair qu’avec un groupe comme Fincantieri, il peut y avoir des opportunités sur d’autres secteurs ». De même, sur le plan commercial, un ancien patron nazairien pense qu’il y aurait probablement de belles cartes à jouer : « Les Italiens travaillent sur d’autres secteurs que celui des paquebots et cette activité commerciale complémentaire peut aussi être une source de diversification ».
La base d’un EADS naval civil et militaire ?
L’alliance entre Saint-Nazaire et l’Italie pourrait, en fait, constituer la base d’un grand groupe européen de taille mondiale et servir de socle au vieux rêve de constituer un « EADS naval ». Une perspective intéressante pour les anciens dirigeants nazairiens, qui tempèrent néanmoins les ardeurs de certains politiques : « Une consolidation de la navale européenne serait une excellente chose car elle parait nécessaire pour résister à une concurrence de plus en plus forte, notamment celle des chantiers asiatiques. Mais il ne faut pas le faire n’importe comment et dans la précipitation. En fait, un éventuel rapprochement franco-italien ne doit pas se limiter à l’activité civile mais également englober le militaire, où des alliances et regroupements européens sont indispensables. Car nous n’avons plus les moyens, en Europe, de développer six modèles de frégates et quatre types de sous-marins pour ensuite se livrer une guerre fratricide à l’export, dont nos concurrents finiront par sortir grands gagnants ».
Ménage à trois avec DCNS
Alors que certains estiment que le mariage sans cesse raté depuis 30 ans des chantiers nazairiens et de DCNS demeure une « option pertinente » pour consolider la navale française, la solution idéale serait, de l’avis général, un ménage à trois. En clair, parvenir à une grande alliance incluant Fincantieri, STX France et DCNS, y compris par le biais de participations croisées entre les différentes sociétés : « Ce serait une solution géniale car elle a un vrai sens industriel et permettrait d’avoir un contrôle équilibré tant du côté français qu’italien ».
« Acheter du temps » avec la préemption
Cela étant, comme le note un ex-président, « si la solution est peut être un grand ensemble franco-italien, c’est un projet complexe à mettre en place. Il faut donc prendre du temps pour y réfléchir et voir comment créer un champion franco-italien de la naval civile et militaire, cela au travers d’un accord équilibré préservant les intérêts des deux pays ». Or, souligne-t-il, « nous sommes aujourd’hui dans une situation où nous sommes contraints par un calendrier imposé par un tribunal coréen, alors que l’Etat français est déliquescent avec les élections qui arrivent. La meilleure solution est donc d’acheter du temps, en faisant jouer le droit de préemption sur les parts de STX. Il ne s’agit pas de nationaliser les chantiers de Saint-Nazaire, mais de se donner le temps d’inventer quelque chose, ce qui ne peut pas être fait intelligemment en quelques semaines et sur un coin de table, entre un jugement à l’autre bout de la planète et des échéances politiques en France ».
Et un autre ancien patron de conclure : « Il faut préserver le savoir-faire et le fonds de commerce que Saint-Nazaire a chèrement acquis depuis 1985. Mais nous devons dans le même temps tirer parti de synergies et saisir, si c’est possible, l’opportunité d’un regroupement européen dans le civil et le militaire. La France doit dans cette affaire défendre ses intérêts et être très ferme, le droit de préemption étant une vraie arme qui doit être utilisée si les conditions assurant la pérennité des chantiers ne sont pas réunies, ou si l’on souhaite se donner le temps de réfléchir à la création d’un ensemble plus vaste, que j’appelle de mes vœux ». Lui aussi convient que le calendrier est trop contraint et qu’en l’état actuel des choses, les incertitudes sont trop nombreuses : « Personnellement, même si je crois que Saint-Nazaire ne pourra rester seul à l’avenir, je ne ferais pas courir au chantier les risques que l’on identifie aujourd’hui, surtout pour 80 millions d’euros ».