L'Environship, c'est la fierté des ingénieurs et architectes navals du centre Rolls-Royce d'Aalesund, en Norvège. « C'est un concentré de tout ce que l'on sait faire de mieux : du design à la propulsion au contrôle des émissions ». Odbjorn Eliassen, le patron de la division Navires Marchands de Rolls Royce, n'est pas peu fier. « L'Environship est plus qu'un nouveau type de navire, c'est un concept, une nouvelle façon de penser. Tout est réfléchi pour que le navire soit le plus économique et le plus efficace possible ». Nouvelle propulsion, avec un moteur Bergen au Gaz Natuel Liquéfié (GNL) et un système Promas couplant l'hélice et le gouvernail ; nouveau design, avec un très surprenant bulbe d'étrave perce-vague ; nouveau circuit électrique « hybride »... Tout a été repensé pour créer un nouveau navire qui puisse à la fois répondre aux futures réglementations en matière environnementale et aux exigences de flexibilité des armateurs. Lors du salon Norshipping 2011, l'Environship a décroché le prestigieux prix du « meilleur design du futur ». Et à l'automne, une première commande de deux caboteurs pour la compagnie norvégienne Nor Lines construits dans les chantiers chinois Tsuji. Un deuxième contrat vient d'être annoncé pour un navire ravitailleur des fermes de poissons, commandé par l'armement norvégien Eidsvaag et qui sera construit dans les chantiers STX de Braatvaag, en Norvège. Le premier Environship construit pour Nor Lines (© : ROLLS-ROYCE) Le premier Environship construit pour Nor Lines (© : ROLLS-ROYCE) Le premier Environship construit pour Nor Lines (© : ROLLS-ROYCE) Le premier Environship construit pour Nor Lines (© : ROLLS-ROYCE) De la recherche sur tous les compartiments du navire Mais avant d'en arriver là, il y a plusieurs années de recherches dans les bureaux norvégiens de Rolls Royce. « Au départ, nous avons commencé par une analyse objective des besoins du navire des années à venir : les besoins opérationnels, les règlementations internationales, la minimisation des coûts d'exploitation. Nous sommes partis de ces exigences, avons tout remis à plat, puis avons travaillé sur chaque compartiment de la construction du navire », se souvient Per Egil Vedlog, responsable du département design de Rolls Royce. Le navire est découpé en plusieurs secteurs de recherche : « nous avons beaucoup travaillé sur la propulsion et particulièrement sur la forme de l'hélice ». Quatre systèmes sont testés, et finalement l'équipe retiendra Promas, dont Rolls-Royce dépose le brevet. « Il s'agit d'un ensemble très hydrodynamique : l'hélice et le gouvernail sont dessinés ensemble et construits d'un seul tenant. Ce design a prouvé, lors des tests menés sur ordinateur et en bassin d'essai, que la charge était mieux distribuée sur l'hélice, ce qui améliore son rendement. Il élimine également l'effet de vortex (tourbillonnement) et donc les pertes de poussée sur l'hélice. Il diminue également considérablement la pression exercée sur la coque et le bruit de la rotation de l'hélice. Nos calculs ont démontré que, grâce à Promas, l'efficacité propulsive était augmentée de 4 à 8 % et que la capacité de manoeuvre était améliorée, y compris à petite vitesse ». Le système Promas (© : ROLLS-ROYCE) La motorisation s'est imposée d'elle-même. « Actuellement, les moteurs les plus performants en matière d'émission sont ceux fonctionnant au gaz naturel liquéfié », constate le designer de Rolls-Royce. Et cela tombe bien, Bergen, une des filiales du groupe, a mis au point une gamme de moteurs au GNL, dont certains équipent déjà des ferries ou des navires de services à l'offshore. « Nous croyons beaucoup dans la motorisation au GNL, nous avons d'excellents retours d'expérience, comme par exemple sur notre ferry amphidrome Bergensfjord, qui navigue en Norvège : pas de pollution, pas de fumée, pas de risque de fuites d'hydrocarbures. Nous sommes convaincus que dans 10 ans, tous les remorqueurs fonctionneront au GNL : les infrastructures portuaires évoluent vite et dans peu de temps, il sera facile d'avoir du gaz partout. Il y a plus de 200 ans de réserves de gaz et c'est une énergie dont le prix augmente beaucoup moins vite que le pétrole », rappelle Odbjorn Eliassen, le patron de la division Navires Marchands. Rolls Royce produit, actuellement, environ 240 moteurs au gaz par an. « Mais avec l'acquisition de Tognum, nous devrions accélerer la cadence et la recherche dans ce domaine ». Alors, il était évident que l'Environship ne pouvait fonctionner autrement. « Il suffit de regarder ses scores d'émissions par rapport au fuel : -92% de Nox (oxydes d'azote), -98% de Sox (oxydes de soufre), -22% de CO2 (dioxyde de carbone)», constate Per Egil Vodlog. L'optimisation à tous les niveaux Autre secteur d'étude : la consommation électrique du navire. « Nous avons mis en place un tout nouveau type de générateur attelé hybride, l'HSG, qui permet d'optimiser le régime à toutes les allures ». Une tension fixe, une fréquence stable, le HSG permet de faire travailler la machine et l'hélice à des vitesses différentes sans perte de rendement. « Là, également, nous visions la réduction de la consommation de combustible et le confort de manoeuvre ». Le système HSG (© : ROLLS ROYCE) Enfin, le plus spectaculaire, l'étrave perce-vague à bulbe décentré. « Ca surprend, n'est ce pas ? ». Les architectes norvégiens sourient et expliquent : « Nous avons essayé de multiples dessins pour optimiser la résistance à l'eau de l'étrave : nous avons cherché à la fois à allonger l'angle d'entrée dans l'eau, et à optimiser le ratio largeur et longueur du bulbe. Ce système de bulbe décentré nous permet de bénéficier d'une surface maximale à hauteur de la ligne de flottaison, ce qui diminue considérablement la résistance. » L'étrave en elle-même est droite, de manière à réduire la vague d'étrave. « Cette forme inédite a montré de très bonnes performances ». Différents essais pour la forme du bulbe (© : ROLLS ROYCE) Tests du flux d'eau sur la carène (© : ROLLS-ROYCE) Ensuite, il a fallu tout modéliser. « Bien sûr, il y avait des spécialistes de chacun des domaines de recherches. Mais nous avons constamment travaillé ensemble. Le dessin du bulbe a été aussi pensé en fonction de la propulsion. Le circuit électrique est lié à la machine. Donc, quand nous sommes arrivés au bout de nos recherches respectives, le bateau était, en fait, déjà modélisé. Et la phase de test a confirmé nos idées ». Les tests (© : ROLLS ROYCE) L'Environship est né. Et, très vite, il suscite l'intérêt. « Les armateurs sont curieux de tout ce qui leur permettrait de faire des économies, c'est évident. L'Environship est pensé pour cela. Et il peut être décliné pour de nombreux types de navires. » Les différents types de navires envisagés (© : ROLLS ROYCE) En octobre 2011, Nor Lines commande donc deux navires, du design NVC 405, les premiers Environships. Ils seront livrés en 2013. Et puis, fin février, un nouveau type de commande. « Il s'agit d'un navire de ravitaillement pour les fermes de poisson qui se situent au large des côtes norvégiennes », explique-t-on chez Rolls-Royce. Du type NVC 401 LNG, le navire, de 75 mètres de long, amènera de la nourriture pour les poissons, qu'il transportera soit dans ses 62 cuves qui pourront être déversées directement dans les bassins, soit par palettes qu'il pourra décharger avec sa grue. « Pendant toute la durée de ces opérations, il utilisera le système de positionnement dynamique pour garder sa position ». Avec une vitesse de transit de 15 noeuds, le navire pourra effectuer de nombreux allers-retours entre la ferme et la côte. Il sera équipé d'un moteur Bergen C26:33 LP9G, développant 2430 kW. Il sera équipé du système HSG ainsi que de deux propulseurs de 540 kW, un à l'avant, l'autre à l'arrière. Il aura une capacité de 110m3 de soute pour le GNL. Une nouvelle application pour le nouveau concept Environship.
L'Environship de Rolls-Royce : Un navire vert et économique
Par
Caroline Britz
-
06/03/2012

© ROLLS-ROYCE