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Détrempée et luisante, la route cabossée vers le chantier au Moulin de l’Enfer (Lannilis, Finistère) plonge dans une vallée étroite, se faufilant le long d’un petit cours d’eau caché en contrebas. Il débouche sur une vasière encadrée d’arbres dénudés et de fougères rousses. Sur ce petit petit bras de l’Aber Wrach, se serrent une demi-douzaine de voiliers, une partie de la flottille de l’AJD (Association Jeudi Dimanche). Des petits bateaux, parfaits pour raser les cailloux de la sortie de l’Aber, et d’autres, bien plus imposants, taillés pour traverser les océans, comme le Rara Avis (27 mètres, qui aurait dû être aux Antilles, mais est resté bloqué par la pandémie), et surtout le navire amiral de la flotte créée par le père Jaouen : le Bel Espoir, en bois, et son successeur, en acier (29 mètres).

 

 

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© MER ET MARINE - GAEL COGNE

(© MER ET MARINE - GAEL COGNE)

 

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En 2017, le célèbre trois-mâts s’était couché, bousculé par un coup de vent. Fatiguée, la vieille coque en bois n’avait pas apprécié la chute et vrillé. Irréparable, il a fallu presser son remplacement plus tôt que prévu. La nouvelle coque, dessinée par l’architecte naval nantais François Lucas, reprenant presque à l’identique les plans d’origine, est sortie des chantiers Piriou et a rejoint l’Aber en mai 2019, remorquée gracieusement depuis Concarneau, par le remorqueur Saint-Denis, de Boluda.

 

 

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© DROITS RESERVES

(© DR)

 

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© PIRIOU

(© PIROU)

 

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© MICHEL FLOCH

(© MICHEL FLOCH)

 

Depuis lors, les stagiaires de l’AJD s’affairent pour que le nouveau Bel Espoir puisse retrouver la haute mer. Comme ce poisseux matin d’hiver où deux d'entre eux, bottes aux pieds et ciré sur le dos, traversent l’anse pour se hisser sur le vieux Bel Espoir et démontent, sous la bruine, des éléments sur le pont de la vieille coque en bois. C’est la stratégie adoptée par l’association : déshabiller le vieux Bel Espoir pour transférer le maximum sur le nouveau.

 

 

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La coque du premier Bel Espoir. (© MER ET MARINE - GAEL COGNE)

 

Les pièces sont emportées aux ateliers installés dans l’ancienne usine qui borde le mouillage, vestige d’un projet hydro-électrique sur l’Aber-Wrach, entre Paluden et le Diouris, dans les années 1920. Ce bâtiment devait servir de local technique pour les turbines. Le projet n’a jamais vu le jour, stoppé en 1930. Aujourd’hui, dans la bâtisse quasi centenaire, longue de 40 mètres par 10 de large, les stagiaires découpent, soudent, poncent, cousent, vernissent, huilent et vissent, sous la supervision de sept formateurs (charpentiers-menuisiers, mécanicien de marine, voilier…). Et, petit à petit, le Bel Espoir reprend vie, malgré les contraintes posées par la crise sanitaire et les confinements.

 

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Déjà, la mâture a été transférée l’an dernier. Une grue de 40 tonnes a pu emprunter la route pour réaliser l’opération. Le moteur, un Baudouin de 300 CV vieux d’une dizaine d’années, avec 15.000 heures au compteur, a aussi trouvé sa place dans le local machines. Révisé à l’AJD, il a été posé et ligné à Concarneau chez Piriou qui a réalisé l’opération gratuitement. « Ici, c’était compliqué dans la vase. Eux, ils l’ont fait en atelier », dit Yves « Ziton » Loiselet qui fait la visite du navire. Le moteur tourne et « on est en train de démarrer des accessoires, les pompes, les alternateurs ». Groupe électrogène, pompes, centrifugeuse, osmoseur, chauffe-eau et tableaux électriques viendront se serrer à côté prochainement.

 

 

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Le long de la coque en acier, plus fine que son aînée en bois (et permettant jusqu’à 1.20 mètre de gain de place au centre), les stagiaires ont commencé à poser l’isolation et la tuyauterie. Le vaigrage en contreplaqué recouvrira le tout, avant de monter les cabines.

Claire-voies et roof (presque un an de travail) sont en train d’être refaits à neuf dans les ateliers et devraient bientôt tous être posés sur le pont. Un autre chantier, à l’Aber Benoît, travaille sur la passerelle. Lices et pavois ont été montés et presque tout l’accastillage est terminé. Cabillots ou écubiers, l’accastillage est fabriqué dans les ateliers si nécessaire.

 

 

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Le nouveau roof en finition. (© MER ET MARINE - GAEL COGNE)

 

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Ce qui n’empêche pas non plus les stagiaires de travailler sur d’autres bateaux. Le Rara Avis, privé d’Antilles pour cet hiver et bloqué en Bretagne pour cause de pandémie, a été démâté et les mâts doivent être sablés et repeints, sans compter des travaux sur la claire-voie avant. De plus, un ketch en aluminium de 16 mètres, l’Ibex, est en cours de travaux d’aménagement et de mécanique. Il doit remplacer, à Marseille, le Rana II, un sloop de 15 mètres volé il y a un an, à L’Estaque. Le bateau a été aperçu aux Canaries, mais il s’était évanoui avant que les autorités interviennent.

Quand le chantier du Bel Espoir prendra-t-il fin ? Difficile à dire. Le Bel Espoir tirera peut-être quelques bords l’été prochain, mais les aménagements intérieurs seront loin d’être finis et une transat ne devrait pas être possible avant janvier 2023. Les travaux sont aussi conditionnés par les dons. Sur 1.5 million d’euros à réunir (dont 750.000 pour la coque), il manque encore 360.000 euros, malgré les nombreux dons de particuliers comme de fondations.

En attendant la journaliste Virginie de Rocquigny et le photographe Nedjma Berder travaillent sur un beau livre édité aux Editions du Chasse-Marée pour relater l’épopée de cette reconstruction. Il a été mis en prévente pour augmenter le tirage et participer au chantier, grâce à 5 euros reversés à l’association par exemplaire prévendu.

Infos et dons : www.belespoir.com ou par courrier à AJD -BP 2 - 29870 LANNILIS

Il est possible de souscrire ici pour le livre de 288 pages : https://www.chasse-maree.com/bel-espoir/

© Un article de la rédaction de Mer et Marine. Reproduction interdite sans consentement du ou des auteurs.

 

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