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Au-delà de son nouveau très grand portique, qui en est la partie la plus visible, STX France est engagé dans un vaste plan de modernisation visant à améliorer sa compétitivité. En tout, ce sont plus de 70 millions d’euros qui sont investis depuis deux ans dans l’outil industriel du chantier nazairien.

Cette vague de modernisation  est poussée par la construction du paquebot « A34 », troisième géant de la classe Oasis of the Seas. Un peu plus volumineux que ses deux aînés, sortis des chantiers finlandais en 2009 et 2010, le futur vaisseau amiral de la compagnie américaine Royal Caribbean International sera, à sa mise en service au printemps 2016, le plus gros navire de croisière du monde. Un géant de 361 mètres de long et 227.000 GT de jauge qui constitue un challenge technique considérable pour STX France. Surtout que, même si les lignes seront voisines, il ne s’agit pas d’une copie des deux premières unités de la série. Le A34 intègrera des évolutions significatives qui en font, finalement, un navire prototype et non un produit répétitif. « L’Oasis 3 est un navire hors normes qui nous a amené à revoir nos process de production et permet de mettre en pratique des développements initiés dans le cadre de notre plan Horizon 2015 », explique Jean-Yves Jaouen, directeur des Opérations de STX France.

 

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© STX FRANCE - BERNARD BIGER

Le chantier et son TGP  (© STX FRANCE - BERNARD BIGER)

 

Nouveaux logiciels de conception et de gestion de projet

 

Alors que depuis 3 ans l’entreprise a mis en place la méthode « LEAN », destinée à optimiser la gestion de la production, les bureaux d’études bénéficient d’un nouveau logiciel de conception. Il s’agit du Smart 3D d’Intergraph, qui est en cours de déploiement avec de premières applications sur le projet Oasis. Cet outil complète ceux déjà en service aux chantiers, comme Tribon pour la coque et PlantSpace. STX France s’est doté également d’un nouveau système d’information SAP, de type ERP (Enterprise Ressource Planning), qui permet la gestion intégrée des projets (aspects financiers, facturation, planning, supply chain…)

 

L’ensemble de ces outils informatiques va permet de gérer de manière collaborative, en intégrant les travaux réalisés par bureaux d’études des chantiers et ceux de ses sous-traitants, toutes les étapes du projet, à la fois techniques, financières et calendaires. L’ensemble des locaux du navire fait par exemple l’objet de maquettes numériques extrêmement détaillées et mises à jour au fil de l’avancée des études. L’un des grands avantages du système est de préparer très en amont la phase de production, qui est optimisée et voit ainsi limitées significativement les reprises pendant la construction du navire. Il faut en effet se rappeler ce qu’est un paquebot : un navire énorme pouvant atteindre une vingtaine d’étages, avec des dizaines de milliers de mètres carrés de surface, des centaines de locaux, des milliers de kilomètres de câbles électriques et de tuyauterie… Un paquebot, c’est au-delà de la tôle un nombre « incalculable » de systèmes qu’il faut placer et intégrer correctement afin que tout puisse rentrer dans un espace restreint et fonctionner parfaitement ensemble. D’où l’utilité, dès la phase de conception, de s’appuyer sur des maquettes numériques pour optimiser et valider le processus de fabrication. Il s’agit par exemple de déterminer avec précision la longueur de chaque tuyau, vérifier qu’il y aura suffisamment d’espace pour l’intégrer à tel ou tel moment et finalement choisir la période la plus favorable pour sa mise en place. Il en résulte un gain de temps et une réduction notable des coûts.

 

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© STX FRANCE - BERNARD BIGER

Poste de contrôle des nouvelles machines de découpe  (© STX FRANCE - BERNARD BIGER)

 

Nouvelles machines de découpe et robotisation de l’atelier d’usinage

 

Dans le même temps, l’atelier d’usinage a été remis au goût du jour. Les anciennes machines de découpe au plasma dans l’eau ont été remplacées par de nouvelles, qui travaillent toujours avec la technologie plasma, mais cette fois sans avoir besoin d’immerger les tôles. « La vitesse de découpe est 20% plus rapide et la qualité est meilleure », observe Jean-Yves Jaouen. Dans l’atelier, où des milliers de pièces sont produites, les équipes de STX France suivent les opérations de découpe dans de nouveaux postes bardés d’équipements de contrôle des données et de caméras pour observer ce qui se passe sous le carénage des machines.

 

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© STX FRANCE - BERNARD BIGER

Les nouvelles machines de découpe  (© STX FRANCE - BERNARD BIGER)

 

Autre nouveauté, la mise en place d’un robot de tri des « petites pièces » métalliques de moins de 50 kilos. Grâce à un système de repérage optique, cet engin étonnant vient chercher sur les plaques d’acier les pièces qui viennent d’être découpées. Chacune est alors transportée automatiquement vers une benne précise, où elle retrouve toutes les pièces du même type. Là encore, le gain de temps est appréciable pour les équipes, qui récupèrent directement les pièces déjà triées et n’ont plus besoin de les détacher de la plaque et de les ranger dans les rassembler manuellement dans les bennes. A l’avenir, le processus pourrait se développer sur des pièces plus grosses.

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

 Le robot récupère une pièce découpée (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

(© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

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Le robot dépose les pièces dans des bacs précis  (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

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Dans le poste de contrôle du robot  (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

Renforcement du pré-armement avec des unités dédiées

 

STX France s’est également attaché à accroître le niveau de pré-armement des blocs. « Moins on en fait en cale, plus on est efficace », rappelle Jean-Yves Jaouen. « Jusqu’à présent, nos sous-traitants pré-armaient les panneaux dehors, sans organisation particulière. Le taux de pré-armement était peu élevé et hétérogène ». D’où l’idée de remettre à plat ces pratiques avec la méthodologie LEAN et de commencer très en amont, en clair dès que les panneaux sont produits, à y intégrer les premiers équipements. Un atelier dédié, l’Unité d’Armement Panneaux (UAP) a été mis en place. « L’atelier dispose maintenant d’une équipe, d’une organisation, de ressources et d’une supply chain dédiés ». Au sein de l’UAP, les équipes de STX France travaillent avec celles des sous-traitants, qui se voient attribuer des marchés spécifiques. Alors que l’atelier assure désormais la préfabrication de certains tuyaux, il travaille aussi sur de nouveaux produits, tel le plastique. « La technologie évolue et il y a par exemple beaucoup de tuyaux en plastique sur l’Oasis. Le pré-assemblage de ces tuyaux est donc assuré par l’UAP ».

 

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Les ascenseurs d'une alvéoles de l'UAP (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

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Panneau posé sur un ascenseur  (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

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Dans l'une des alvéoles de l'UAP  (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

L’UAP a été installé dans cinq alvéoles. Ces espaces couverts ont été réaménagés pour faciliter le travail et donc l’efficacité des équipes. Des ascenseurs ont, par exemple, été mis en place. Ils supportent les panneaux acheminés dans les alvéoles par les traines. Une fois le panneau en place, l’ascenseur l’amène au niveau du sol pour que les équipes puissent travailler dessus. Une grosse évolution par rapport à l’ancienne méthode, où les ouvriers œuvraient à plusieurs mètres de hauteur, ce qui n’était pas pratique et présentait des risques de chutes. « Avant, on travaillait avec des panneaux situés à deux mètres du sol pour permettre aux traines de passer. Grâce à ces ascenseurs, qui soulèvent et abaissent les panneaux, l’ergonomie, la sécurité et l’efficacité sont améliorés ».

Grâce à l’UAP et aux nouvelles méthodes adoptées, 70% des réseaux sous plafond (tuyauterie, chemins de câbles, gaines…) sont ainsi montés en amont, contre 40% auparavant.

 

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Dans l'une des alvéoles de l'UAP  (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

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Dans l'une des alvéoles de l'UAP  (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

Contrairement à son grand concurrent allemand, Meyer Werft, STX France ne s’est pas structuré sous forme de chaîne de fabrication, où les panneaux, à l’instar d’une usine automobile (dont le concept a beaucoup inspiré l’outil industriel de Papenburg), avancent progressivement pour être équipés. A Saint-Nazaire, les alvéoles sont placées côte à côte, chacune travaillant sur ses propres panneaux indépendamment des autres. « C’est une bonne chose finalement de ne pas avoir une chaîne car c’est un concept excellent mais extrêmement compliqué à gérer. Il y a en effet différents types de panneaux, nécessitant une charge de travail plus ou moins importante. Avec notre système d’alvéoles indépendantes, nous pouvons à l’inverse travailler en toute flexibilité sur des panneaux différents, qui partent dès que le travail est terminé. C’est bien plus souple pour équilibrer la charge de travail », assure le directeur des Opérations du chantier français.

 

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Blocs sur l'aire de pré-montage (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

Deux nouveaux abris de pré-montage

 

Autre nouveauté : l’achèvement à la fin de l’été de deux imposants abris de pré-montage. Sortes de grands barnums de 47 mètres de côté et 25 mètres de hauteur, les APM sont positionnés sur l’aire de pré-montage, qui borde la forme de construction. Réalisés par les sociétés ACS et Gestal, ces structures métalliques recouvertes de toiles tendues en textile sont déplacés à l’aide du portique. « Nous positionnons les abris sur les grands blocs qui doivent être peints. Les travaux de peinture des bordés extérieurs peuvent dès lors être réalisés quelque soient les conditions météo, ce qui permet de garantir la tenue du planning de peinture. Nous ne sommes donc plus dépendants des conditions extérieures, ce qui nous apporte plus de flexibilité et, là encore, une qualité accrue».

 

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Manutention d'un APM par le TGP  (© STX FRANCE - BERNARD BIGER)

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Manutention d'un APM par le TGP  (© STX FRANCE - BERNARD BIGER)

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L'un des deux nouvaux APM sur l'aire de pré-montage  (© STX FRANCE - BERNARD BIGER)

 

Sous les APM, les gigantesques blocs du A34 sont traités les uns après les autres, les travaux de peinture durent environ deux semaines. Lorsqu’ils sont terminés, le portique repasse pour enlever l’abri et le positionner sur le bloc suivant. Avant la mise sur cale, les balcons préfabriqués, le revêtement synthétique (Bolidt) et les garde-corps sont installés, les supports des balcons ayant été fixés en avance de phase. Le bloc est alors prêt à rejoindre la coque en cours d’assemblage dans la forme de construction. On notera que 25 des 86 blocs constituant l’Oasis 3 passeront sous les APM. « Tout cela aboutit à une organisation du travail encore plus séquencées qu’auparavant et donc encore plus efficace », souligne Jean-Yves Jaouen.

 

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Les deux nouveaux APM (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

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A l'intérieur d'un APM (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

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 A l'intérieur d'un APM (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

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A l'intérieur d'un APM (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

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A l'intérieur d'un APM (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

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Un bloc après son passage sous un APM (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

Le plus puissant portique d'Europe

 

Et puis il y a bien entendu le nouveau TGP, qui n’est autre que le plus puissant portique d’Europe. Mis en service en mai dernier, à l’occasion de la mise sur cale du premier bloc du A34, le géant d’acier présente une capacité de levage de 1400 tonnes et peut soulever des blocs de 1200 tonnes. C’est quasiment le double de son prédécesseur, le portique Krupp, qui continue pour un temps d’être utilisé en complément du TGP, sur lequel les ultimes travaux de mise au point, concernant notamment les automatismes, sont en cours. Grâce à ce nouvel outil, l’Oasis 3 sera réalisé en 86 blocs seulement, au lieu des 163 qui ont été nécessaires au chantier de Turku pour construire les deux premiers paquebots de la série. Une capacité accrue qui permet de réduire le temps d’assemblage et donc de réduire les coûts.

 

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L'un des 86 blocs de l'Oasis 3 (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

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La coque de l'Oasis 3 (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

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Assemblage du A34 au moyen du TGP  (© STX FRANCE - BERNARD BIGER)

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Assemblage du A34 au moyen du TGP  (© STX FRANCE - BERNARD BIGER)

 

Au final, l’ensemble du plan de modernisation entrepris par STX France devrait se traduire par des gains de l’ordre de 10 à 20%. Une amélioration significative mais indispensable pour permettre au chantier français de demeurer dans la course mondiale, marquée par une concurrence exacerbée entre constructeurs.  

 

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