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Le 3 juillet 1987, le Bougainville, navire de soutien destiné à la Marine nationale pour le centre d'expérimentation nucléaire du Pacifique, quittait le port de Nantes pour son armement final à Saint-Nazaire. Son départ marquait la fin d’une époque pour la ville de Nantes. En effet, en crise depuis de nombreuses années, le dernier chantier naval nantais fermait ses portes dans la foulée. Une blessure pour cette cité de marins où la construction navale était établie depuis près de 2000 ans. Depuis, le site de la Prairie au Duc où étaient lancés les navires, à l’ouest de l’Île de Nantes, a bien changé. Devenu une vaste plaine de loisirs prisée des habitants et des touristes, le passé industriel y côtoie les nouvelles formes artistiques et culturelles comme le célèbre éléphant articulé des Machines de l’Île.

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

L'éléphant des Machines de l'Ile devant l'ancien bâtiment de direction des chantiers (© : MER ET MARINE - VG)

 

C’est dans l’un des derniers témoins de ce glorieux passé, le bâtiment de direction historique des Ateliers et Chantiers de la Loire, édifié en 1917 et dont le fronton est orné du nom des Ateliers et Chantiers de Nantes, que se déroulait vendredi 15 septembre le vernissage d’une nouvelle exposition annuelle "Vivre, Travailler, Militer – Histoire sociale de la navale Nantaise (1881-1987)" revenant sur la vie des « Gars de la Navale ». Une thématique qui était jusque là restée très peu abordée.

 

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© © Amicale philatélique l'Ancre

Carte postale éditée spécialement ce week-end par l'Amicale philatélique l'Ancre, avec le lancement le 3 octobre 1986, du Bougainville

 

Le public est invité à redécouvrir le passé industriel de la navale nantaise, dans les locaux de la Maison des Hommes et des Techniques (MHT). Cette association de valorisation du patrimoine, aidée d’anciens employés des chantiers regroupés au sein de l’Association Histoire de la Construction navale à Nantes, a entièrement réalisé la nouvelle exposition ouverte depuis ce week-end et jusqu’au 21 octobre 2018. Dans le cadre des Journées du patrimoine, des images sont aussi projetées de 21 heures à 1 heure du matin sur les murs extérieurs du bâtiment jusqu’au 30 septembre 2017. Enfin, dimanche 17 avait lieu le spectacle de Jeanine Qannari, un conte poétique imaginé à partir de témoignages de salariés et de retraités des chantiers de Saint-Nazaire, marquant le passage de témoin avec l’autre bassin de la navale de la Basse-Loire, toujours bien actif.

Retrouver l’identité de Nantes autour de la Loire

Pour Jean Relet, président de la MHT, il s’agit de faire revivre ce lieu chargé de mémoire et plus particulièrement ceux qui l’ont animé pendant si longtemps. « Cette exposition, elle est là aussi pour rendre compte de la culture ouvrière en général, pas seulement celle des anciens de la navale », explique-t-il. L’exposition remplit parfaitement son rôle dans la transmission de ce que fut le quotidien de plusieurs milliers de travailleurs des chantiers navals. Tous les aspects de la culture ouvrière sont recensés. Aussi bien les luttes sociales, l’habitat et les conditions de vie ou encore les moments de joie et les loisirs communs.

 

174592 Jean Relet, président de la Maison des Hommes et des Techniques de Nantes et Olivier Chateau, adjoint au maire de Nantes en charge du Patrimoine
© © MER ET MARINE - MATTHIAS ESPERANDIEU

Jean Relet et Olivier Chateau (© : MER ET MARINE - MATTHIAS ESPERANDIEU)

 

Pour Jean Relet comme pour tous les Nantais de l’époque, la fermeture des chantiers a été vécue comme un vrai traumatisme, une blessure qui est encore vivace 30 ans plus tard. Il rappelle d’ailleurs longuement, lors de son discours d'inauguration de l'exposition, le fait que l’année 1987 marque un tournant dans l’histoire socio-économique de la ville. Toutefois, le président de l’association souhaite se préoccuper d’abord de l’avenir plus que du passé et espère que les jeunes générations s’approprieront le patrimoine pour continuer à en faire vivre la mémoire. L’idée pour lui étant que Nantes se réapproprie son fleuve et son identité maritime, même si cela doit se faire par un autre biais que l’industrie lourde. En somme, relier le passé et le futur au sein d’un même espace.

Un constat partagé par Olivier Chateau, élu adjoint au patrimoine de la mairie de Nantes et Anne-Sophie Guerra, vice-présidente patrimoine de la commission culture au conseil régional, tous les deux présents avec d’autres élus pour représenter la région des Pays de la Loire et la Ville de Nantes, partenaires de la MHT. L’Île sur laquelle se trouvent les anciens chantiers et leur ex-bâtiment de direction est devenue la pierre angulaire des projets de la métropole ligérienne dans le domaine urbain et créatif. Alors que les Machines ont investi les vieilles nefs et le terre-plein bordant le fleuve, les anciennes Halles Alstom sont en cours de réhabilitation pour accueillir notamment le futur site de l’École des Beaux-Arts. Pendant ce temps, immeubles d'habitation, bureaux, espaces culturels et lieux de vie investissent ce qui demeura pendant deux bonnes décennies une vaste friche industrielle. L'aménagement d'un grand parc paysager et le déménagement du CHU de la rive droite de la Loire au côté sud de l’Île de Nantes parachèveront la transformation de l'ancien coeur industriel de la cité. Un projet de réaménagement colossal au sein duquel l'histoire reste donc présente et valorisée. 

 

174600 Exposition "Vivre, Travailler, Militer"
© © MER ET MARINE - MATTHIAS ESPERANDIEU

L'exposition (© : MER ET MARINE - MATTHIAS ESPERANDIEU)

 

Une scénographie originale

La nouvelle exposition sur l'histoire sociale de la navale entre dans cet objectif. Sa scénographie se distingue par une mise en valeur d’objets historiques très divers, outils, fiches de personnel, objets du quotidien, ainsi que par des panneaux thématiques permettant à tous d’en apprendre plus sur la construction navale à Nantes. Le décor est intéractif avec des maquettes mobiles et des enregistrements audios ou vidéos. Mais cette exposition, c’est aussi une belle démonstration de l'engagement du monde associatif, qui doit souvent se montrer ingénieux pour réaliser ses projets avec des moyens très réduits.

 

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Ainsi, les organisateurs ont dû faire preuve d'inventivité en faisant marcher les relations avec les autres structures de la Métropole. « Avec les travaux du Musée Dobrée et de ceux du Château, on a pu se faire léguer des vitrines et les socles en bois qui vont avec » témoigne Nicolas Bugel de la MHT. « Quant aux lumières dans les vitrines, nous en avons acheté pour des sommes dérisoires dans une grande enseigne d’ameublement. Personne ne s’en rend compte, mais avec un ensemble ampoule-lampe de 15 euros, on remplace par endroit des projecteurs qui peuvent atteindre 300 euros ». Cet effort de récupération leur a permis d’économiser de précieuses ressources financières qui ont été réutilisées dans l’impression d’un nombre fourni de panneaux, permettant ainsi d’avoir une collection plus riche.

 

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© MER ET MARINE - MATTHIAS ESPERANDIEU

(© : MER ET MARINE - MATTHIAS ESPERANDIEU)

174623 Les membres du MHT et bénévoles de l'AHCNN ayant réalisé l'exposition.
© © MER ET MARINE - MATTHIAS ESPERANDIEU

Les membres de la MHT et les bénévoles de l'AHCNN ayant mis la main à la pâte pour le montage, l'assemblage ... et la peinture.

 

Parfois, les économies sont même très profitables. Ainsi, n’ayant pas suffisamment de moyens pour faire imprimer de larges affiches pour égayer les murs blancs de la salle, les organisateurs ont opté pour le système D. Ils ont reproduit eux-mêmes en peinture, dans un style minimaliste coloré, des images du chantier et de ses ouvriers. Il en ressort une réelle plus-value. De l’avis de nombreux invités au vernissage, le succès est au rendez-vous.

 

L’exposition « Bâtisseurs de navires » est toujours présentée

 

174626 Exposition "Bâtisseurs de navires"
© © MER ET MARINE - MATTHIAS ESPERANDIEU

(© : MER ET MARINE - MATTHIAS ESPERANDIEU)

 

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Pour ceux qui l’auraient manqué et qui voudraient en apprendre plus sur la manière dont on construisait des bateaux au siècle dernier, l’exposition permanente « Bâtisseurs de navires », est située au même endroit et est accessible gratuitement aux heures d’ouverture. On y retrouve des maquettes, des sections à l’échelle de coques de bateaux et des explications sur les processus industriels de l’époque et les tâches accomplies par les ingénieurs et les techniciens des chantiers.

Horaires d’ouverture de la Maison des Hommes et des Techniques, du lundi au vendredi, 10h-12h30 et 14h-18h. Entrée libre.

- Voir le site de la Maison des Hommes et des Techniques

 

174591 Flyer de l'exposition "Vivre, Travailler, Militer - Histoire sociale de la Navale nantaise (1881-1987)
© © MER ET MARINE - MATTHIAS ESPERANDIEU

Affiche de l'exposition

 

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