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La construction de l’Elbe Princesse II a débuté hier, à Saint-Nazaire. Livrable en 2018, il s’agit du troisième navire de croisière fluvial réalisé par des entreprises du réseau Neopolia pour le compte de l’armateur CroisiEurope, basé à Strasbourg. Le premier, baptisé Loire Princesse (88 mètres, 48 cabines), a été livré en 2015 et est exploité au départ de Nantes sur le fleuve dont il porte le nom. Idem pour l’Elbe Princesse (95 mètres, 40 cabines), entré en service cette année et qui navigue entre Berlin et Prague. De premières expériences nazairiennes très concluantes pour CroisiEurope, qui a décidé dans les deux cas de doubler la mise.

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

Le Loire Princesse (© : MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

Une seconde unité pour la Loire en 2019

Patrick Schmitter, l’un de ses dirigeants, a confirmé hier la volonté de la compagnie alsacienne de faire construire « un Loire Princesse II », prévu pour entrer en service au printemps 2019. « Cette nouvelle destination fonctionne très bien, avec une clientèle européenne, mais aussi des Américains, des Chinois ou encore des Japonais. Les gens sont très contents du Loire Princesse et la saison 2017 affiche pratiquement complet, les réservations ont même commencé pour 2018 ». De quoi, malgré les aléas rencontrés lors de la saison inaugurale - du fait notamment d’un niveau exceptionnellement bas en amont de la Loire - convaincre la compagnie de positionner sur ce fleuve, où elle est pionnière, un second bateau.

 

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© SDI

L'Elbe Princesse II (© : SDI)

L’Elbe Princesse II

Mais avant de voir arriver le Loire Princesse II, il y aura d’abord l’Elbe Princesse II, qui rejoindra lui aussi son aîné pour travailler en binôme sur le trajet Berlin-Prague. Le nouveau navire sera plus grand, avec une longueur atteignant 101 mètres mais une largeur maintenue à 10.5 mètres pour répondre aux contraintes de la navigation à travers les écluses jalonnant l’Elbe et la Moldau. La capacité sera quant à elle portée à 45 cabines, soit 90 passagers en base double. Son agencement intérieur sera proche de celui de l’Elbe Princesse, avec des cabines de plus de 14m², toutes extérieures, un restaurant de 110m² et un salon panoramique de 145m² à l’arrière donnant sur un pont terrasse.

 

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© BERNARD BIGER

L'Elbe Princesse (© : BERNARD BIGER - NEOPOLIA)

Pari réussi pour les roues à aube

Comme le Loire Princesse et l’Elbe Princesse, le nouveau navire a été conçu par le bureau d’architecture nantais Stirling Design International et, comme les deux premiers bateaux réalisés à Saint-Nazaire, il sera doté d’une propulsion remettant au goût du jour la roue à aube. Un concept qui présente l’énorme avantage de permettre une navigation dans de très faibles fonds. Il a fait ses preuves de manière remarquable cet été sur l’Elbe, alors que la cote des fleuves allemands était pourtant particulièrement basse. « Nous avons pu naviguer avec seulement 5 à 10 centimètres d’eau sous la coque, ce qui nous a permis d’être les seuls à pouvoir assurer l’intégralité de cette destination cet été. Nous avons pu naviguer de Berlin à Prague, avec une interruption de 4 jours seulement, alors que nos concurrents sont restés bloqués deux mois entre Dresde et Magdeburg », explique Patrick Schmitter.

 

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© CROISIEUROPE

(© : CROISIEUROPE)

Une nouvelle roue « excentrique »

Par rapport aux précédents navires, l’Elbe Princesse II va connaitre une évolution significative de sa propulsion avec un nouveau concept de roue à aube. « D’abord, il n’y aura qu’une seule roue au lieu de deux, ce qui permettra d’éviter leur synchronisation, complexe à gérer. Mais surtout, la roue, qui est plus grande, soit 5 mètres de diamètre pour une largeur de 3.8 mètres, est excentrique », explique Thibaut Tincelin, architecte naval et dirigeant de SDI. Cela signifie qu’elle génère un mouvement complexe d’éloignement ou de rapprochement par rapport à l’axe de rotation. Cela, grâce à des pales mobiles qui suivront un mouvement de basculement selon leur position dans la course de la roue. Ainsi, elles se déploieront juste avant d’être de nouveau immergées, afin de venir chercher plus en avant l’eau et d’y pénétrer à la verticale. « Ce système est plus efficace, tout en éjectant beaucoup moins d’eau, ce qui se traduit par un écoulement beaucoup plus propre ». Selon les calculs menés, ce système permettrait de gagner 20 à 25% en rendement, avec un gain équivalent en termes de vibrations.

 

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© SDI

L'Elbe Princesse II (© : SDI)

Une première depuis 50 ans

Cette nouvelle roue à aube, qui a dit-on « toute les chances d’équiper le Loire Princesse II »,  a été développée comme ce fut le cas avec les précédents modèles par SDI avec le soutien d’Arco Marine (études industrielles) et Ship ST (études de structures). Les architectes et ingénieurs français ont également travaillé avec la Compagnie Générale de Navigation, qui exploite des navires dotés de roues à aube sur le lac Léman. « Les dernières roues de ce type ont, à notre connaissance, été réalisées il y a 50 ans. Nous n’avons donc trouvé personne qui dispose aujourd’hui de compétences de conception. Il a fallu ressortir de vieux plans, comprendre les méthodes de conception et mettre tout cela au goût du jour. Avec en plus un projet difficile puisque nous concevons un bateau à une seule roue, qui est lent alors que les navires suisses sont rapides », précise Thibaut Tincelin.

 

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© SDI

L'Elbe Princesse II (© : SDI)

Ajout de propulseurs azimutaux

L’autre nouveauté du navire, qui pourra atteindre la vitesse de 15 à 16 km/h, est l’adoption d’une propulsion hybride. En plus de la roue, qui fournira les deux tiers des besoins et sera réalisée en acier et en aluminium, l’Elbe Princesse II sera équipé à l’arrière de deux propulseurs azimutaux Schottel, qui assureront un tiers de la propulsion et serviront à orienter le navire en complément d’un troisième propulseur situé à l’avant. Ils seront suffisamment petits pour ne pas obérer les avantages de la roue en ce qui concerne les navigations par très faibles fonds.

Ballastage pour passer sous les ponts

On notera d’ailleurs qu’en plus du tirant d’eau, le navire, qui doit pouvoir passer sous des ponts de moins de 4.50 mètres, est également optimisé sur son tirant d’air. Et pour s’adapter aux points de franchissement, il disposera d’un système de ballastage d’une capacité de 400 m3. Ainsi, son tirant d’eau pourra passer de 90 centimètres à 1.3 mètre en situation ballastée, pour laquelle la hauteur au-dessus de la ligne de flottaison sera limitée à 4.34 mètres.

Côté moteurs, CroisiEurope a opté pour la simplicité avec une série unique de sept Volvo D13 de 500 cv. Deux de ces moteurs entraineront la roue, offrant puissance et redondance, trois autres alimenteront les propulseurs et les deux derniers assureront l’alimentation électrique du navire.

Lancement de la construction chez Mecasoud

Pour marquer le lancement de la construction de l’Elbe Princesse II, une cérémonie de découpe de première tôle était organisée hier, en présence de plusieurs dizaines de commandants de CroisiEurope, dont la flotte de 45 navires en fait non seulement la première compagnie française de croisière, mais aussi un leader européen. L’évènement s’est déroulé dans les ateliers de Mecasoud, l’un des membres de Neopolia impliqué dans le projet, dont la machine de découpe plasma a débuté son long travail de production de pièces métalliques. L’entreprise nazairienne, forte d’une centaine de salariés et qui travaille beaucoup en sous-traitance pour STX France sur des blocs de paquebots, est en charge de la production de la coque. Celle-ci comprendra deux blocs, auxquels s’ajouteront les superstructures. « Cela représente 30.000 heures et six mois de travail dans les ateliers, pour environ 30 personnes et 300 tonnes de tôles. Par rapport à ce que nous faisons habituellement pour STX, ce projet représente une charge de travail moindre. Mais il est très important en termes d’image et valorisant pour les salariés puisque nous faisons toute la coque », souligne Jean-Michel Pacaud, président de Mecasoud.

 

Diaporama

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

(© : MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

En cale sèche à l’été 2017

Après mise à l’eau grâce à la bigue du quai des Charbonniers, la coque doit passer en cale sèche en juin 2017 dans la forme 3 des bassins nazairiens, libérée suite à la déconstruction du cargo Zortürk. L’Elbe Princesse II devrait être remis à l’eau dès juillet et conduit devant le terminal fruitier, où une base d’armement sera installée pour permettre à d’autres entreprises de Neopolia comme aux équipes de CroisiEurope, maître d’œuvre de la construction, de mener à bien l’achèvement à flot. Interviendront notamment Shipelec pour l’électricité, Gestal pour les réseaux, Engie-Axima pour la partie climatisation/ventilation, MYG Design pour les emménagements et Polyecim Composites pour les blocs sanitaires. Les essais sont prévus à partir de janvier 2018 et la livraison deux mois plus tard, en mars. Comme son prédécesseur, le navire partira de Saint-Nazaire en cargo pour rejoindre l’Allemagne, où CroisiEurope procèdera aux derniers travaux d’aménagement avant les premières croisières au printemps.

 

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© SDI

(© : SDI)

CroisiEurope satisfait du choix nazairien

Noué il y a bientôt trois ans, le partenariat entre CroisiEurope et la navale nazairienne est donc un beau succès, que l’armateur alsacien comme les entreprises locales entendent bien transformer en histoire pérenne. « Ça se passe très bien, les équipes sont très professionnelles et livrent des bateaux toujours à l’heure et de très bonne qualité, ce qui est apprécié par nos clients », assure Patrick Schmitter, qui confirme qu’au-delà du Loire Princesse II, « il y a d’autres projets ». La compagnie réfléchit notamment à déployer le concept de roues à aube : « Le fait de pouvoir travailler sur de faibles tirant d’eau est un vrai avantage et nous avons des projets sur d’autres destinations ».

La force du travail collaboratif

Du côté de Neopolia, on se félicite évidemment du travail accompli, qui couronne la stratégie de diversification et de développement de leur activité qu’ont voulu suivre, en mettant leurs forces en commun, les sociétés du réseau, pour la plupart sous-traitantes du grand chantier nazairien. « STX mobilise beaucoup d’énergie dans nos sociétés, surtout en ce moment avec un carnet de commandes considérable. Mais on se réserve des capacités pour faire autre chose, notamment au travers de Neopolia. D’ailleurs, STX nous soutient complètement dans cette démarche et si nous en avons besoin, comme ce fut le cas avec le Loire Princesse (assemblé dans la grande forme des chantiers, ndlr), le chantier est prêt à nous aider avec ses capacités industrielles », explique Hervé Germain, co-gérant de MYG Design et premier vice-président de Neopolia. Le réseau, qui fédère 230 entreprises, est réparti en différents clusters selon les secteurs d’activité de ses membres (Oil&Gas, Aerospace, Rail, EMR et Marine).

 

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© NEOLINE

Le projet de cargo à voiles Neoliner (© : NEOLINE)

Vers des projets clés en main

Neopolia Marine, fort de 56 membres, propose ainsi des solutions classiques ou innovantes pour la construction de navires en acier et aluminium, des capacités en réparation navale et un ensemble de services connexes. « Notre force réside dans notre modèle de coopération, basé sur un travail collaboratif où chacun apporte son expertise. Dans le cas des navires fluviaux, nous nous coordonnons avec les équipes de CroisiEurope, qui est maître d‘œuvre et passe des commandes par métiers en demeurant responsable de l’ouvrage. Le bilan est très positif et nous souhaitons poursuivre longtemps cette collaboration ». Dans le même temps, le réseau travaille aussi sur des offres plus intégrées, où il pourrait développer pour des armateurs des solutions clés en main. Différents projets sont à l’étude ou en discussion sur plusieurs types de navires, en particulier des concepts innovants, qui se prêtent bien au travail collaboratif et permettent au réseau de faire valoir le large panel d’expertise et de savoir-faire de ses membres.  C’est le cas du Neoliner, un cargo à voiles de 120 mètres dont l’objectif est de transporter sur des routes océaniques 5700 tonnes de fret en utilisant l’énergie du vent sur 90% du temps de transit.  La société nantaise Neoline, qui porte cette idée, a confié les études de conception et de réalisation à Neopolia.

 

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© SDI

L'Indochine II (© : SDI)

Des contrats en plus pour Mecasoud et SDI

En attendant, l’aventure des paquebots fluviaux va se poursuivre et ce succès en a déjà entrainé d’autres, individuels, pour les membres de Neopolia. Mecasoud a, ainsi, réalisé en direct pour CroisiEurope la coque d’une péniche de gabarit Freycinet (39 mètres), livrée en début d’année, alors que l’armateur, séduit par le travail de SDI, lui a confié le design de deux nouveaux bateaux, l’Indochine II et l’African Dream, en cours de construction au Vietnam et en Afrique.

 

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© SDI

L'African Dream (© : SDI)

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