Retour sur la mise sur cale d’un navire hors normes appelé à devenir dans deux ans le plus gros paquebot du monde. C’était vendredi dernier, à Saint-Nazaire, à l’occasion d’une cérémonie qui, comme l’a rappelé Laurent Castaing, le patron de STX France, était historique à plus d’un titre pour l’entreprise : « Pour la troisième fois en trente ans, notre chantier met sur cale le plus gros paquebot du monde, et c’est la seconde fois pour RCCL après le Sovereign of the Seas en 1986. Ce navire a relancé la construction de grands paquebots et constitué le début d’une longue histoire avec RCCL, placée sous le signe du challenge ». Livré en décembre 1987, le Sovereign of the Seas a inauguré le renouveau de l’industrie de la croisière, dont le groupe américain Royal Caribbean Cruises Ltd est l’un des grands pionniers. A l’époque, le « A29 », comme on l’appelait à Saint-Nazaire, était un géant, avec ses 268 mètres de long, sa jauge de 73.000 GT et ses 1140 cabines. Depuis, la taille des paquebots n’a cessé de croître et le chantier français a signé un nouveau record lorsqu’il a achevé le « G33 », à savoir le Queen Mary 2, qui a également quitté l’estuaire de la Loire en décembre 2003. Avec ses 345 mètres de long, ses 151.400 GT de jauge et ses 1300 cabines, on le surnommait alors « le paquebot de tous les superlatifs ». Mais la roue tourne et le fleuron de la compagnie britannique Cunard, qui vient de fêter ses 10 ans de service, sera largement surclassé par le « A34 ». Troisième unité de la classe Oasis of the Seas, ce mastodonte de 361 mètres de long, qui comptera 2732 cabines et suites, sera légèrement plus gros que ses aînés, avec une jauge frôlant les 230.000 GT.

L'Oasis of the Seas (© RCCL)
Première opération pour le nouveau portique
Posé vendredi dans la grande forme de construction de STX France, le premier des 90 blocs qui vont constituer la coque du A34 donne à lui seul une idée de la taille du futur mastodonte : 47 mètres de large pour 10 mètres de haut et un poids de 1000 tonnes. « C’est le bloc le plus imposant réalisé à Saint-Nazaire et, à notre connaissance, le plus gros et le plus lourd jamais construit pour un navire de croisière », souligne Laurent Castaing, qui a aussi rappelé que sa manutention a marqué l’entrée en service du « Très Grand Portique », le nouvel outil de levage dont s’est doté le chantier nazairien. Plus puissant portique d’Europe, le TGP peut soulever des charges de 1300 tonnes, soit le double de son aîné, qui surplombe toujours le site mais parait désormais bien moins impressionnant à côté de son successeur.

L'ancien et le nouveau portiques (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Grâce à cette capacité significativement augmentée, il est possible de construire des blocs bien plus gros et accroître leur niveau de pré-armement. Avec au final, pour le nouveau paquebot de RCCL, une réduction de moitié du nombre de blocs assemblés et un gain de 30% sur le temps de montage. Ainsi, moins de quinze mois seront nécessaires pour monter la coque, qui doit être mise à flot fin juin/début juillet 2015, la livraison du bateau étant programmée au printemps 2016. « Grâce au très grand portique, qui a opéré pour la première fois avec cette mise sur cale, nous sommes prêts pour la construction de très grands paquebots. Cet investissement exceptionnel contribuera aussi à notre développement dans les énergies marines renouvelables avec la réalisation de très grands ensembles mécano-soudés ».

(© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

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(© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

Richard Fain lance l'opération de pose (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

Pose du premier bloc (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

Pose du premier bloc (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

Pose du premier bloc (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

Pose du premier bloc (© MER ET MARINE - VINCENT WISNIEWSKI)

Pose du premier bloc (© MER ET MARINE - VINCENT WISNIEWSKI)

Pose du premier bloc (© MER ET MARINE - VINCENT WISNIEWSKI)

Le premier bloc posé (© MER ET MARINE - VINCENT WISNIEWSKI)
Deux cérémonies des pièces
Une fois le premier bloc du A34 posé, le chantier et l’armateur ont procédé à la traditionnelle cérémonie des pièces, une coutume qui vise à porter chance au nouveau navire. Toutefois, cette cérémonie fut exceptionnellement double, les traditions variant de chaque côté de l’Atlantique. Du côté français, on a comme d’habitude fait frapper spécialement des Louis d’or qui ont été placés dans un petit cylindre scellé au fond de la coque par Didier Voland, l’un des soudeurs du chantier. Pour RCCL, la méthode était toute autre. Richard Fain et Adam Goldstein, président et directeur général du groupe américain, ont défait des rouleaux de pièces neuves de 1 dollar qu’ils ont versées dans une boite. Celle-ci a été placée dans un petit espace sur l’un des tins supportant la coque. La boite sera récupérée lorsque le paquebot sera achevé et les pièces distribuées à l’équipage. « Il y a une façon française et une façon américaine pour la cérémonie des pièces. Nous sommes parvenus à un compromis en décidant de faire les deux. Chez les Français, on soude les pièces dans la coque et elles y restent pendant 40 ans, jusqu’à la fin de vie du navire, alors que chez les Américains, on récupère l’argent dès que le navire est construit », a plaisanté Richard Fain avant d’annoncer la grande nouvelle : En plus du A34, le groupe américain venait de conclure le matin même, avec STX France, un accord en vue de réaliser un autre navire de ce type, dont la livraison est prévue au printemps 2018. Le contrat de décembre 2012 est donc doublé et va atteindre 2 milliards d’euros pour 20 millions d’heures de travail au profit des chantiers et de leurs sous-traitants.

Laurent Castaing, Adam Goldstein et Richard Fain lors de la cérémonie des pièces
(© MER ET MARINE - VINCENT WISNIEWSKI)

Les pièces du chantier soudées dans la coque (© MER ET MARINE - VINCENT WISNIEWSKI)

Didier Voland (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

(© MER ET MARINE - VINCENT WISNIEWSKI)