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Après avoir signé le programme Renaissance portant sur la refonte et l’allongement des quatre navires des classes Lirica et Armonia, MSC Cruises et Fincantieri ont confirmé qu’ils travaillaient sur le projet de nouveaux paquebots de la compagnie italo-suisse. Détenu par l’Etat italien, Fincantieri s’affirme clairement comme le grand concurrent des chantiers STX France de Saint-Nazaire sur cette affaire. Si le constructeur tricolore, qui a jusqu’ici réalisé tous les bateaux de MSC, fait encore figure de favori, voir la nouvelle commande de l’armateur passer de l’autre côté des Alpes n’est plus exclue. « Nous travaillons avec tous les chantiers mais il existe aujourd’hui une possibilité de construire en Italie », a ainsi déclaré le directeur général de MSC Cruises, cité par Seatrade Insider. Et Gianni Onorato d’ajouter : « Nous travaillons avec Fincantieri, nous ne faisons pas que discuter. Je serai ravi de développer de nouveaux navires avec Fincantieri ».

 

 

Fincantieri compte sur le soutien de la SACE

 

 

Du côté des chantiers italiens, on espère bien s’imposer et, ainsi, décrocher une commande majeure qui devrait comporter deux grands paquebots et une option pour deux unités supplémentaires.  Au-delà des aspects techniques, la clé du succès sera essentiellement financière et, sur ce point, Fincantieri mise sur la SACE, l’agence italienne de crédit à l’exportation. Une structure qui était notamment parvenue, en 2012, à assurer la couverture du financement des navires de Viking Ocean Cruises (deux ont été confirmés et un accord soumis à financement a été signé pour deux autres, avec une option pour deux de plus), dont la commande avait initialement été placée à Saint-Nazaire avant d’être annulée, les Français n’étant pas parvenus à boucler le montage financier. « Je suis confiant dans le fait que nous trouverons la bonne solution avec le soutien financier de SACE », estime au sujet du projet de MSC Giuseppe Bono, le patron de Fincantieri.

 

 

La ristourne française face au rapprochement des Italiens

 

 

Pour Saint-Nazaire, le risque de voir la commande de MSC partir en Italie semble donc réel. D’où, probablement, l’insistance de la direction de STX France à vouloir conclure avec les syndicats un accord sur la compétitivité permettant de réduire le coût du projet proposé à l’armateur de plusieurs dizaines de millions d’euros. Même si MSC s’est toujours montrée - à juste titre - très satisfaite des navires réalisés à Saint-Nazaire, cette ristourne semble aujourd’hui nécessaire pour emporter la décision. Car le contexte a manifestement changé. Certes, l’armateur a toujours confiance dans les chantiers français, Gianluigi Aponte, président du groupe Mediterranean Shipping Company (numéro 2 mondial du transport maritime conteneurisé), ayant à plusieurs reprises manifesté sa fidélité à Saint-Nazaire. Mais, dans le même temps, le marché est devenu plus dur et MSC, qui a investi depuis 10 ans plus de 6 milliards d’euros dans sa flotte de paquebots (10 navires neufs livrés entre 2003 et 2013), est pressé par ses banques de faire des économies et améliorer la rentabilité de son activité croisière. Une pression qui serait d’ailleurs à l’origine de l’arrivée à la tête de MSC Cruises de Gianni Onorato, qui a succédé à Pierfrancesco Vago (gendre de Gianluigi Aponte) l’été dernier. Or, l’ancien directeur général de Costa, un Italien pur jus, entretien de très bonnes relations avec Fincantieri, où la quasi-totalité des paquebots de Costa sont construits depuis plus de 20 ans. Une proximité qui peut jouer. D’un autre côté, on ne peut pas non plus exclure qu’à l’image de Costa, MSC, dont le siège se trouve à Genève mais dont les racines familiales sont très ancrées en Italie (le grand patron est d’origine napolitaine), souhaite renforcer ses liens avec l’Italie, qui constitue pour la compagnie un marché prioritaire. Une commande chez Fincantieri pourrait, ainsi, permettre de mieux négocier avec les autorités certains avantages, par exemple sur les opérations dans les ports italiens ou encore en matière de fiscalité.  

 

 

La commande à ne pas perdre

 

 

Face à cette situation, STX France va devoir mettre les bouchées doubles pour conserver son principal client. Car l’obtention du nouveau programme de MSC est pour le chantier nazairien cruciale, pour ne pas dire d’une importance vitale. Il y a un prototype en jeu, ce qui signifie une importante somme de travail pour les bureaux d’études, et derrière un projet allant jusqu’à quatre paquebots. Des navires de grande taille, d’environ 2000 cabines et 150.000 GT de jauge, dont les deux premiers seraient livrables entre 2017 et 2019. Cette commande assurerait à Saint-Nazaire une base de travail jusqu’au début des années 2020, soit une très belle visibilité, permettant notamment de lancer les investissements nécessaires au renforcement de la productivité et à la diversification. En revanche, si ce contrat part en Italie, le chantier français sera, d’un coup, dans une situation beaucoup plus précaire. Car il ne dispose pour l’heure, dans son carnet de commandes, que du troisième paquebot géant de la classe Oasis of the Seas (227.000 GT, 2700 cabines), livrable au printemps 2016 et dont un sistership pourrait être réalisé en vue d’un achèvement en 2018. Mais ce second mastodonte n’est pas encore confirmé. Quant aux projets de ferries propulsés au gaz, ils n’ont encore pas vu le jour. Brittany Ferries, qui comptait bien annoncer la commande d’un nouveau navire avant la fin 2013, n’a manifestement pas encore obtenu les financements pour cela. Quant à la SNCM, avec son projet de quatre navires, elle lutte pour le moment surtout pour sa survie.

Alors que les perspectives dans le secteur militaire sont très minces (deux bâtiments de projection et de commandement seront livrés à la Russie en octobre 2014 et en 2015) et que la diversification dans les énergies marines n’en est qu’à ses balbutiements et ne représentera au mieux, début 2020, que 30% du chiffre d’affaires selon les objectifs de la direction, la croisière devrait rester pour de nombreuses années encore l’activité principale de STX France. Et comme les projets ne sont pas légion (surtout les séries de navires) et la concurrence entre chantiers féroce, il y a des affaires qu’il ne faut absolument pas perdre... 

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