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GTT, entreprise française basée en région parisienne, est une référence  mondiale des cuves à membrane pour le transport de GNL. Elle emploie actuellement 380 personnes, entre son siège en région parisienne et les chantiers navals en Corée et en Chine où elle équipe les navires. Nous faisons le point avec Philippe Berterottière, son PDG, sur le marché actuel et à venir du GNL, mais aussi sur l’évolution des technologies et de la propulsion.

MER ET MARINE : Comment GTT, société d’ingénierie française, en est-elle arrivée à occuper actuellement 100% du marché des cuves à membrane cryogénique, utilisées à bord des navires pour stocker et transporter le GNL ?

PHILIPPE BERTEROTTIERE : Notre histoire remonte aux années 60 et à l’émergence, à l’époque, du transport de gaz naturel liquéfié par bateau. Il est vite apparu qu’on ne pouvait le transporter à même la coque et qu’il était nécessaire d’utiliser une paroi métallique pour isoler le gaz dont la température est maintenue à -163° pour qu’il reste liquide. Ce savoir-faire spécifique de système de confinement a été développé par deux sociétés françaises, GazTransport et Technigaz, qui se sont livrées une concurrence acharnée pendant plusieurs décennies. Elles ont finalement fusionné en 1994 pour créer GTT.

Depuis, nous avons poursuivi le développement de ce savoir-faire qui a profité, au début des années 2000, d’une très forte croissance notamment avec les importes commandes de méthaniers par le Qatar. Ce marché a ensuite très fortement ralenti à partir de 2008 avec l’émergence des gaz de schiste américains. Nous en avons alors profité pour beaucoup travailler en R&D, pour imaginer la cuve du futur. Et en 2011 quand le marché a repris très rapidement après la catastrophe de Fukushima et la très forte demande en GNL du Japon, nous étions prêts et avons pris un bel essor, qui perdure aujourd’hui. Notre chiffre d’affaires a ainsi doublé depuis le début des années 2000. Nous sommes cotés à la bourse de Paris depuis 2014, avec Engie comme actionnaire de référence et avons réalisé un chiffre d‘affaires de près de 250 millions d’euros en 2018.

Cuves du futur, qu’est-ce que cela signifie ? En quoi votre technologie se différencie-t-elle des systèmes concurrents ?

Les caractéristiques essentielles d’un bon système de confinement du GNL, c’est la limitation du taux d’évaporation. Les méthaniers utilisant une partie de leur cargaison GNL pour la propulsion, le taux d’évaporation doit être en adéquation avec les besoins du moteur pour qu’il n’y ait pas de perte. Pour cela, nous avons travaillé sur l’ensemble des paramètres qui concourt à ce confinement : les matériaux de revêtement et d’isolation, leur renforcement, leur épaisseur. C’est ce qui fait la performance actuelle de nos cuves et qui oriente le choix de nos clients.

Le marché des méthaniers est actuellement en plein essor. Vous devez donc en profiter ?

En effet, le GNL est une énergie dont la demande est en pleine croissance et qui a un gros potentiel encore devant elle. On voit des nouvelles routes s’ouvrir, notamment entre le golfe du Mexique et l’Asie du Nord-Est, avec des navires de forte capacité. On pense également à la Chine qui, actuellement, tire son énergie à deux-tiers du charbon et qui va sans doute davantage s’orienter vers le GNL à l’avenir.

2019 a été une année record en termes de décision d’investissement sur le marché du GNL. Cela ne se reproduira pas chaque année, évidemment, mais, pour nous, cela se traduit par un carnet de commande de près de 120 unités à fin septembre 2019 : 100 méthaniers, 6 éthaniers, 6 FSRU (unité flottante de regazéification), 2 FLNG (unité flottante de production, de liquéfaction et de stockage), 3 terminaux GBS (Gravity Based Structures) et 3 réservoirs terrestres.  

Que pensez-vous du marché des barges de soutage GNL, peut-on s’attendre à le voir croître, à la faveur de l’évolution des réglementations sur les émissions et notamment l’entrée en vigueur du Sulphur Cap 2020 ?

Nous travaillons effectivement sur ce segment qui offre des perspectives intéressantes. Ce nouveau marché a fait évoluer nos systèmes puisque, contrairement à un méthanier qui est soit plein, soit vide, une barge de soutage voit son volume de gaz fluctuer en fonction de son exploitation commerciale. Nous avons donc dû notamment prendre en compte le sloshing, ce mouvement de cargaison, qui pose des contraintes supplémentaires sur les parois des cuves.

Pour autant, nous n’assistons pas, pour le moment, à un boom du marché des navires de bunkering. La réglementation en la matière est assez contraignante, ce qui n’est pas sans conséquence évidemment sur les décisions d’investissements. Beaucoup d’acteurs sont intéressés, peu se jettent à l’eau. Et je pense que cela ne pourrait évoluer qu’avec un franc renchérissement du prix du pétrole.

Mais il est évident que le GNL va prendre de plus en plus de parts sur le marché des combustibles de navires. Outre le fait qu’il n’émette pas d’oxyde de soufre ni de particules fines, sa combustion émet moins de CO2 que le fuel.

Que répondez-vous à ceux qui estiment que le GNL n’est finalement pas si vertueux que ça, notamment en raison de l’émission de méthane qui est un gaz à effet de serre encore plus nocif que le CO2 ?

Les émissions de méthane sont dues à des résidus de gaz qui n’ont pas brûlé lors de la combustion. Leur quantité est vraiment marginale et n’a rien à voir avec la génération de CO2 de la combustion du fuel lourd. Par ailleurs, l’évolution de la propulsion, des moteurs à basse pression, devrait permettre de complètement optimiser le fonctionnement des moteurs au GNL.

Il est aussi évident que le GNL ne pourra pas répondre à lui tout seul au défi de la réduction de 50% par rapport à 2008 des émissions de CO2 des navires d’ici 2050. Ce sera une partie de la solution, qu’il faudra combiner avec d’autres leviers, comme la réduction de la vitesse des navires par exemple.

Ou d’autre type de propulsion ? Est-ce que GTT pourrait s’intéresser à d’autres cargaison ou combustible à transporter ? L’hydrogène ?

Bien sûr. Nous sommes une entreprise de technologie, nous avons un nombre important d’ingénieurs qui ont une connaissance très fine des matériaux, des structures et des opérations de navires. Donc oui, nous allons nous retrousser les manches dans ce contexte très intéressant pour trouver des nouvelles solutions pour réduire les émissions des navires. L’hydrogène me paraît compliqué, parce qu’il prend beaucoup de place. Mais il y a peut-être une solution plus astucieuse à trouver avec l’ammoniac. Nous regardons tout cela de très près.

Propos recueillis par Caroline Britz, © Mer et Marine, février 2020

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