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Quel avenir pour le Chantier Naval Croisicais ? C’est la question que se pose son propre patron, Patrick Pradelle, après la livraison du Marmya, un beau chalutier-coquiller de 12 mètres (voir notre article détaillé sur ce bateau) qui doit appareiller demain pour rejoindre son port d’attache d’Erquy, dans les Côtes d’Armor.

Depuis que l’entreprise a été créée en 1988, elle a produit des dizaines de bateaux en polyester de 9 à 25 mètres : unités de pêche, vedettes à passager, unités scientifiques et de travail, bateaux de plaisance… Et le chantier implanté au coeur du port du Croisic, en Loire-Atlantique, s’est forgé une solide réputation au fil des années.

Le gros de l’équipe part en retraite

Mais il arrive aujourd’hui à un tournant. Car le Marmya, construit en un an à peine et livré avec plus deux mois d’avance par rapport à la date butoir contractuelle, a constitué l’ultime défi de l’équipe historique de CNC, dont la plupart des salariés achèvent leur carrière avec ce dernier bateau. « J’ai passé toute ma carrière avec une équipe qui arrive au bout et part en retraite. Pour que nous puissions réaliser ce bateau, certains ont même accepté de repousser de quelques mois leur départ en retraite et je les en remercie chaleureusement, cela témoigne de la grande valeur de cette équipe. Nous avons travaillé ensemble depuis au moins 25 ans et même 40 ans pour certains et, sur les sept à huit que nous étions, la majeure partie ne sera plus là à la fin du mois, on ne va plus être que deux ou trois », explique à Mer et Marine Patrick Pradelle. Humainement, ce cap est évidemment difficile et ceux qui ont construit le Marmya vont inévitablement le voir partir avec « un gros pincement au cœur ».

Plus possible en l’état de construire un nouveau bateau

Le patron de CNC le reconnait sans détour, avec des effectifs aussi réduits, « cela sera très compliqué, voire impossible d’envisager de reconstruire un bateau. Nous avons pourtant des demandes, mais on ne peut pas s’engager dans des projets que nous n’avons pas les moyens d’honorer ». L’équipe restante va donc se contenter, pour le moment du moins, d’effectuer des chantiers de réparation, et encore des projets « pas trop importants ».

Beaucoup de mal à trouver du personnel qualifié et motivé

Si le chantier en est arrivé là, explique Patrick Pradelle, c’est qu’il a eu beaucoup de mal à trouver du sang neuf ces dernières années : « Dans la construction navale en général, et dans le composite en particulier, c’est très dur de trouver du monde, surtout pour un petit chantier comme le nôtre qui est géographiquement excentré mais se trouve au milieu d’un bassin d’emploi où de grandes entreprises chassent également les compétences. Durant les années passées, j’ai recherché, c’est vrai via l’intérim, mais cela a été très compliqué, même pour trouver une ou deux personnes compétentes, motivées et passionnées ». D’autant que chez CNC, on a besoin de personnel expérimenté et polyvalent : « On n’a pas que des stratifieurs, on fait aussi de la menuiserie et il faut avoir de bonnes notions de plans, sachant que nous réalisons les moules, on fait les coques et les superstructures mais tout ce qui est mécanique, hydraulique ou encore électricité nous le sous-traitons, ce qui fait qu’au-delà de notre équipe le chantier génère pas mal d’activités connexes ».

Un partenaire ou un repreneur pour relancer l'activité? 

Mais après s’être « recroquevillé » pendant un an autour de sa dernière construction, qui a mobilisé toutes les énergies, « on arrive à un stade où les choses arrivent et il faut maintenant réfléchir à l’avenir du chantier et trouver des solutions ». La première piste est, évidemment, de renouveler l’équipe. « C’est ce que je souhaiterais mais il faut trouver les bonnes personnes, c’est-à-dire des gens expérimentés et motivés. Je l'espère et nous continuons de chercher mais, honnêtement, j’ai assez peu d’espoir. Il est en tous cas hors de question de se relancer sur des constructions si nous n’avons pas les compétences nécessaires et que cela aboutit à une dégradation de notre travail. Ces dernières années, nous avons monté des échelons à chaque bateau en termes de construction et finition, et il n’est pas question de descendre maintenant des marches ». Autre solution, trouver un repreneur ou un partenaire industriel : « Je suis ouvert à pas mal de choses et ça peut être une option, on a un bel outil, nous sommes idéalement situés dans le port du Croisic et nous pouvons intéresser d’autres chantiers, spécialisés ou non dans le composite, pour garder une activité dans la construction navale professionnelle », explique le patron de CNC, qui se dit prêt à « accompagner » un partenaire ou un repreneur pour relancer l’activité. Car si lui aussi pourrait prétendre à la retraite, il n’a pas encore envie de s’arrêter : « Je pourrais partir mais j’ai encore la passion de ce que je fais et la motivation n’est pas moindre, donc si je peux rester et accompagner un nouveau partenaire ce serait tant mieux ».

Enfin, si l’entreprise ne trouve pas de solution pour pérenniser son activité de construction navale, « il faudra envisager d’autres possibilités, comme de repartir vers la plaisance avec par exemple des activités d’hivernage et de port à sec. Quoiqu’il en soit, il va falloir trouver des pistes et des solutions à relativement court terme ».

© Un article de la rédaction de Mer et Marine. Reproduction interdite sans consentement du ou des auteurs.

 

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