Hier, en comité d'entreprise, la direction de STX France a présenté ses estimations quant aux mesures de chômage partiel liées à la baisse de charge dans certains secteurs de l'entreprise. « L'estimation du volume total de chômage partiel est portée à environ 9000 jours (pour mai et juin, ndlr). Le secteur principalement concerné est la direction fabrication, plus précisément les ateliers de production. Cela concerne environ 550 salariés avec un total de 7400 jours de chômage sur les deux mois. C'est donc environ une moyenne de 13 jours soit 1.5 jour par semaine par salarié concerné », a expliqué la CGT à l'issue de la réunion. Depuis le mois de janvier, certains secteurs de STX France sont confrontés à une baisse d'activité mais, jusque là, la direction était parvenue à redéployer les personnels (une cinquantaine actuellement) dans d'autres services de la société ou au sein de ses filiales, comme STX Cabins, qui a récupéré certains personnels. Mais, face à l'augmentation de la sous-charge, ces palliatifs sont désormais insuffisants. « Nous cherchons toujours des solutions de redéploiements en interne, mais aussi de détachements de personnels dans des entreprises extérieures, comme nous l'avions fait en 2009 et 2010. Les entreprises qui ont un bon plan de charge peuvent être intéressées par les compétences des chantiers. Il y a en a actuellement, y compris localement », explique-t-on du côté de la direction de STX France. Des ateliers fermés au mois de mai En fabrication, la situation va contraindre le chantier à fermer, en mai, plusieurs ateliers, en profitant des ponts liés aux jours fériés et en utilisant des jours de RTT. Ce sera le cas pour la première semaine de mai et celle du 8 mai, alors que les ateliers ne tourneront qu'avec un petit tiers de leurs effectifs pendant la semaine de l'Ascension. Malheureusement, faute d'un niveau suffisant de commandes, le creux de charge persistera au moins jusqu'à la fin de l'année. Alors que STX France travaille actuellement sur les deux bâtiments de projection et de commandement russes (M33 et N33), il faudra attendre le mois de septembre pour que le premier des deux navires de croisière commandés par Viking River Cruises (V33 et W33) entre en production. Et il faudra patienter jusqu'en 2013 pour que ce contrat monte vraiment en puissance. Au stade de l'achèvement, les deux gros paquebots de MSC Croisières, les U32 (MSC Divina) et X32 (MSC Preziosa), livrables en mai 2012 et mars 2013, n'apportent plus de travail en fabrication. La livraison prochaine du MSC Divina va même commencer à engendrer un trou d'air pour les activités d'armement, 1000 jours de chômage partiel étant prévus en armement pour mai et juin. Pour les sous-traitants, cette situation aura également de graves répercussions. Les bureaux d'études en quête de travail Au niveau des bureaux d'études, là aussi, les problèmes de sous-charge commencent à se développer. Le projet Viking - bien qu'encore soumis à la validation d'un montage financier - étant bien avancé, le déficit se fait sentir au niveau des travaux sur la coque métallique, qui se situent au début de la chaîne des études (une dizaine de personnels sont touchés). Si aucune commande n'est engrangée dans les prochains mois, le problème s'entendra progressivement, au fil des stades de conception. Il est donc impératif que STX France signe rapidement un nouveau contrat pour réaliser un navire prototype, ce qui apportera de la charge dans les bureaux d'études. En attendant, l'entreprise joue notamment la carte de la diversification via sa filiale dédiée, qui travaille en plus de la construction navale sur d'autres secteurs industriels, comme la pétrochimie. « STX Solutions prend plus d'une commande par mois en diversification. Ce sont de petits marchés, de quelques centaines ou milliers d'heures. Ce n'est pas beaucoup mais, mis bout à bout, cela procure de la charge », explique la direction. Pas de plan de départs volontaires en vue Du côté des syndicats, on redoute cette nouvelle période délicate : « Nous nous retrouvons une nouvelle fois dans une situation très inquiétante au regard du plan de charge. Des commandes sont donc nécessaires dans l'urgence afin d'éviter que cette situation se développe au fil des mois avec toutes les conséquences que cela pourrait entrainer », estime la CGT. Pour l'heure, un nouveau plan de départ volontaire, comme celui lancé en 2010 (357 postes avaient été ouverts), n'est pas à l'ordre du jour, assure la direction : « Aujourd'hui, nous ne pensons pas à cette solution mais nous travaillons pour décrocher des commandes et trouver d'autres activités que notre coeur de métier traditionnel pour maintenir nos capacités industrielles et humaines. Car, lorsque nous aurons pris la commande d'un gros prototype, nous aurons besoin de tout le monde ». La préservation des compétences est donc essentielle, qu'il s'agisse du chantier, mais aussi de ses sous-traitants, qui sont eux aussi touchés de plein fouet par la baisse de charge. Alors que STX France compte actuellement 2100 salariés, pas moins de 4000 sous-traitants (dont 1000 de nationalités étrangères) travaillent sur le site, notamment sur les U32 et X32. Des contrats handicapés par les problèmes de financement La signature d'un contrat pour la réalisation d'un paquebot prototype est espérée au début de l'été. On pense bien évidemment au projet Vista de MSC, portant sur un géant de 2000 cabines, encore plus gros que les Divina et Preziosa (1739 cabines). Mais l'armateur italo-suisse n'est pas le seul prospect de Saint-Nazaire. « Nous travaillons sur plusieurs projets solides avec des armateurs qui veulent lancer des constructions neuves ». Toutefois, le chantier et ses clients sont actuellement handicapés par les difficultés liées au bouclage des montages financiers. C'est d'ailleurs, sans doute, le véritable problème du moment, qui ne touche pas uniquement STX, mais l'ensemble de l'industrie. « Les armateurs ne sont pas repliés sur eux-mêmes mais l'incertitude sur la durée de réalisation des montages financiers fait peser des incertitudes sur les plannings. Aujourd'hui, les montages prennent beaucoup plus de temps qu'il y a 1 an ou 2 et cela peut faire décaler d'une saison une prise de commande ». Comme de nombreux autres industriels dans différents secteurs, les chantiers navals peinent donc, sur certains projets, à trouver des banques acceptant de s'engager et surtout d'endosser le rôle de leader au sein d'un tour de table. A défaut d'une grande banque publique d'investissement, qui pourrait être une solution au problème, la navale ne pourrait pas, non plus, profiter des mesures de soutien à l'industrie annoncées récemment par la Banque Centrale Européenne, les fonds étant apparemment réservés à des projets à court terme, alors que le montage financier nécessaire à la réalisation d'un paquebots s'étale sur une dizaine d'années.
Retour du chômage partiel aux chantiers de Saint-Nazaire
Par
Vincent Groizeleau
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29/03/2012

© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU