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A l’occasion de la mise sur cale, le vendredi 9 mai, du troisième paquebot de la classe Oasis of the Seas, Richard Fain, président du groupe américain Royal Caribbean Cruises Ltd (RCCL), a annoncé qu’un quatrième navire de ce type serait bien construit à Saint-Nazaire. Ce nouveau géant de près de 230.000 GT de jauge et quelques 2700 cabines, qui faisait l’objet d’une option au contrat signé pour son aîné, en décembre 2012, doit être livré au printemps 2018, soit deux ans après l’« Oasis 3 », dont le nom n’a toujours pas été choisi. « La classe Oasis a été une révolution dans le monde de la croisière lors de son lancement en 2009. L'annonce de ce jour reflète le succès des deux premiers navires, Oasis of the Seas et Allure of the Seas, qui donnent entière satisfaction. Nous sommes très heureux de pouvoir confirmer cette commande lors de cette mise sur cale. C'est un témoignage de l'excellent travail de coopération entre nos équipes depuis le lancement d’Oasis 3 », a déclaré vendredi Richard Fain.

 

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

Richard Fain à Saint-Nazaire, vendredi (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

Mise sur cale de l'Oasis 3 (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

 

Concrètement, l’accord conclu entre STX France et RCCL doit se traduire, une fois le montage financier bouclé, par la signature d’une nouvelle commande d’environ 1 milliard d’euros, avec des retombées aussi importantes que celles de l’Oasis 3, soit 10 millions d’heures de travail pour le chantier nazairien et ses sous-traitants.  

 

Cette décision de RCCL était espérée depuis de longs mois et c’est donc logiquement que, sous un tonnerre d’applaudissements, l’annonce de Richard Fain a été accueillie dans la grande forme de construction de Saint-Nazaire. « C’est une nouvelle énorme et extraordinaire », se félicite Laurent Castaing, le directeur général de STX France.

 

 

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© MER ET MARINE - VINCENT WISNIEWSKI

Laurent Castaing (© MER ET MARINE - VINCENT WISNIEWSKI)

 

 

Des navires hors normes

 

 

Connus à Saint-Nazaire sous les noms de chantier A34 et B34, les deux futurs mastodontes seront exploités par Royal Caribbean International (RCI), la principale filiale de RCCL. En termes de gabarit, ils dépasseront de très loin tout ce qui a pu être construit à Saint-Nazaire, à l’exception des quatre superpétroliers du type Batillus (414 mètres de long pour 63 mètres de large) réalisés dans les années 70.  Dans le domaine des paquebots, les Oasis sont des navires hors normes. Issus du projet Genesis, lancé en 2006 par RCCL, les deux premiers de  la série, baptisés Oasis of the Seas et Allure of the Seas, ont été achevés en 2009 et 2010 par le chantier STX de Turku, en Finlande. Longs de 361.6 mètres pour une largeur de 47 mètres, leur jauge atteint 225.250 GT. A comparer par exemple aux 345 mètres de long, 39.9 mètres de large et 151.400 GT du Queen Mary 2, ou encore aux 333 mètres et 140.000 GT du MSC Preziosa, le dernier grand paquebot livré par Saint-Nazaire.

 

 

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© RCI

L'Oasis of the Seas (© RCI)

 

 

Dotés de 2700 cabines (1310 pour le QM2 et 1751 pour le Preziosa), ils peuvent accueillir jusqu’à 6296 passagers (5400 en base double), servis par un maximum de 2394 membres d’équipage (2115 en temps normal). Les espaces publics sont gigantesques, avec une architecture unique adoptant une ouverture centrale permettant de limiter au maximum les cabines intérieures et ayant permis, en autres, d’installer un grand parc avec des centaines de plantes et arbres naturels entretenus en permanence par une équipe de jardiniers. Sur l’arrière, cette partie ouverte, survolée d’une tyrolienne, s’ouvre sur un amphithéâtre en plein air, où des spectacles sont proposés en soirée. Alors qu’on trouve dans les ponts supérieurs quatre piscine, une dizaine de bains à remous, deux practices de surf, un mini-golf ou encore un terrain de sport, les espaces intérieurs comprennent notamment une vingtaine de restaurants, une multitude de bars et salons, une patinoire, un cinéma 3D, un casino, une discothèque, une salle de spectacle de 1380 places ou encore un vaste centre de bien-être doublé d’une imposante salle de sport avec pas moins de 158 machines.

 

 

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© RCI

L'Oasis of the Seas (© RCI)

 

 

Un challenge industriel et technique sans précédent

 

 

L’Oasis 3 va reprendre l’architecture générale de ses aînés. Mais il est évident que, 10 ans séparant le lancement du projet de la mise en service de la troisième unité, des nouveautés sont à attendre. Pour l’heure, RCCL garde le secret. En termes de marketing, priorité est en effet donnée au prototype de sa nouvelle classe de paquebot, le Quantum of the Seas (167.800 GT, 2090 cabines), actuellement en construction chez l’Allemand Meyer Werft et dont la livraison est prévue fin octobre.  On sait néanmoins que le A34, s’il conservera les dimensions de l’Oasis of the Seas et de l’Allure of the Seas, sera légèrement plus volumineux, sa jauge devant osciller entre 227.000 et 230.000 GT. Pour le chantier français, ce projet représente un défi industriel et technique sans précédent. « C'est un véritable challenge, un bateau très différent des paquebots classiques et bien plus complexe sur les parties mécaniques. Il a, de plus, été profondément modifié au niveau technique par rapport à ses prédécesseurs, nous avons reconçu une grande partie de ses installations », souligne Jean-Yves Jaouen, directeur des opérations de STX France. Pour mener à bien la construction d'un tel bateau, l'entreprise s'est notamment dotée d'un nouveau portique, le plus puissant d'Europe. Capable de soulever des charges de 1300 tonnes, soit le double de son aîné, ce nouvel outil est entré en service vendredi en mettant sur cale le premier bloc de l'Oasis 3.

 

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

Le nouveau portique  (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

 

Une consommation énergétique réduite de 20%

 

 

Un navire qui, au-delà des contraintes liées à sa taille, présentera donc des améliorations techniques très importantes. Les ingénieurs de STX France, en collaboration étroite avec le service technique de RCCL, ont en effet amélioré la forme de carène du paquebot et totalement remanié la propulsion et la production d’énergie. Ils se sont appuyés sur l’expérience acquise ces dernières années dans l’optimisation de ces parties cruciales des navires, des progrès significatifs réalisés par les équipementiers mais aussi des retombées de programmes de recherche et de développement. Des avancées obtenues grâce au soutien financier de l’Etat (programme des investissements d’avenir) et de la région des Pays de la Loire dans le cadre des aides à l’innovation. Il en résulte une réduction considérable de la dépense énergétique,  la consommation de l’Oasis 3 devant être inférieure de 20% à celle de l’Allure of the Seas, ce qui représentera, pour l’armateur, des millions d’euros d’économies chaque année sur les coûts d’exploitation.  Pour le moment, STX France et son client ne souhaitent pas entrer dans le détail des solutions développées pour le A34. Une discrétion justifiée notamment, comme l’explique un ingénieur, par le fait que ces avancées constituent « un avantage concurrentiel » par rapport aux autres chantiers. Quant à l’Oasis 4, il est pour le moment présenté comme un sistership de l’Oasis 3. Mais il n’est pas à exclure qu’il constitue une nouvelle évolution et, d’ores et déjà, STX France annonce que les efforts entrepris dans le domaine des économies d’énergie devraient aller encore plus loin.  

 

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

Les chantiers de Saint-Nazaire (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

 

D’une situation critique au retour de la pleine charge

 

 

En très mauvaise posture il y a moins d’un an, le dernier grand constructeur civil français confirme donc son redressement. En quelques semaines, deux projets majeurs ont été engrangés. D’abord la signature avec MSC Cruises, le 20 mars, d’une lettre d’intention pour la livraison en 2017 et 2019 de deux navires de 168.000 GT de jauge et 2250 cabines, appelés à devenir les plus gros paquebots du monde après les Oasis.

 

 

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© STX FRANCE

Vue des futurs navires de MSC Cruises (© STX FRANCE)

 

 

Une commande de 1.5 milliard d’euros qui doit être prochainement entérinée : « Cette lettre d’intention est en train de se transformer en contrat. Nous en sommes au bouclage du montage financier et la commande devrait entrer en vigueur dans les prochaines semaines », affirme Laurent Castaing, dont l’entreprise doit néanmoins faire face à une offensive de son concurrent italien Fincantieri. Ce dernier tente en effet de séduire MSC avec un nouveau projet, qui pourrait se substituer à l’option pour deux navires supplémentaires évoquée en marge de la lettre d’intention signée le 20 mars. « Nous regardons ce qui se passe avec Fincantieri », explique le directeur général de STX France, qui rappelle que, si MSC est jusqu’ici resté fidèle à Saint-Nazaire, il n’est pas rare qu’un armateur soit client de plusieurs chantiers : «Royal Caribbean fait aussi construire des navires ailleurs (en Allemagne et en Finlande, ndlr). Nous ne cherchons pas l’exclusivité».

 

 

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Vue du futur navire de Brittany Ferries (© STX FRANCE)

 

 

Pour en revenir au carnet de commandes, le 13 janvier, c’est Brittany Ferries qui avait annoncé la construction dans l’estuaire de la Loire d’un grand navire de 53.000 GT et 2474 passagers, doté d’une propulsion innovante au gaz naturel liquéfié (GNL) et livrable à l’automne 2016. A cela s’ajoutent d’autres contrats, comme l’achèvement des deux bâtiments de projection et de commandement de la marine russe. Actuellement en phase d’essais, le premier, le Vladivostok, doit quitter Saint-Nazaire en octobre prochain. La partie avant de son sistership, le Sevastopol (livrable en 2016), est désormais assemblée et elle attend l’arrivée à Saint-Nazaire, d’ici l’été, de la moitié arrière, réalisée en Russie et qui sera soudée à la section construite en France.

 

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

Le BPC russe Vladivostok (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

 

Et puis il y a le secteur offshore, et notamment les énergies marines renouvelables, sur lequel STX France mise beaucoup pour diversifier son activité. Après l’achèvement d’une première sous-station électrique destinée à un champ britannique, le chantier compte bien décrocher d’autres commandes à l’export et bénéficier du développement des premiers parcs éoliens au large des côtes françaises. « L’annonce cette semaine des lauréats du second appel d’offres français est une très bonne nouvelle car elle montre la volonté du gouvernement de poursuivre son action en faveur de l’éolien offshore posé. Et il y aura d’autres appels d’offres, alors que nous sommes un fournisseur potentiel de tous les groupements engagés dans le développement des différents parcs », note le patron des chantiers.

 

 

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© STX FRANCE - BERNARD BIGER

Sous-station électrique réalisée à Saint-Nazaire (© STX FRANCE - BERNARD BIGER)

 

 

L’entrée de la navale nazairienne dans un nouvel âge d’or, possibilité que nous évoquions en septembre dernier, alors que l’entreprise était encore dans une position périlleuse, semble donc en train de devenir réalité. « En quelques mois, tout a changé », reconnait Laurent Castaing. « Tous les voyants sont repassés au vert. Nous avons maintenant un très gros paquebot à livrer chaque année entre 2016 et 2019, avec pratiquement une pleine charge travail jusqu’à la fin de l’année 2018. C’est un carnet de commandes que beaucoup d’industries peuvent nous envier ».

 

 

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© MER ET MARINE - VINCENT WISNIEWSKI

(© MER ET MARINE - VINCENT WISNIEWSKI)

 

 

Bonne nouvelle pour l’emploi

 

 

Côté emploi, le fait de voir le carnet de commandes se regarnir est évidemment une excellente chose pour les 2000 salariés de STX France. « Nous adaptons toujours notre personnel à la charge que nous avons, cela peut donc amener de bonnes nouvelles au niveau des embauches ». Et il en va bien entendu de même pour les centaines d’entreprises coréalisatrices. Celles-ci, en grande difficulté depuis plus d’un an, vont sans doute bénéficier de belles opportunités, même si les coûts particulièrement serrés des nouvelles commandes rendent la compétition très dure. Cette problématique sera d’ailleurs un point de vigilance pour les syndicats. Ceux-ci souhaitent veiller à ce que l’afflux de charge, cumulé à la baisse des coûts, ne se traduise pas comme au début des années 2000 par des scandales sociaux défrayant la chronique, via notamment les dérives du recours à la main d’œuvre étrangère par des sous-traitants peu scrupuleux. 

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