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Au lendemain d’un débrayage des personnels et des décisions d’arrêt total ou partiel des activités de production, les Chantiers de l’Atlantique tournaient hier au ralenti, avec une décrue sensible des effectifs, qui devrait se poursuivre aujourd'hui pour tendre de facto vers un arrêt temporaire de la construction des navires. L’entreprise ne comptabilisait plus mercredi matin que 2300 personnes sur le site, dont 600 salariés (sur 3300) et 1700 sous-traitants (contre près de 5000 en temps normal). Les ateliers de fabrication ont été mis à l’arrêt mardi midi, de même que l’usine Anemos dédiée aux énergies marines, ainsi que l’unité de production de cabines de paquebots située à Bray, près de Saint-Nazaire. Pour les navires en assemblage (Wonder of the Seas) et en armement à flot (MSC Virtuosa), la direction a donné le choix aux salariés et sous-traitants de continuer ou non à y travailler. Ce à quoi beaucoup ont renoncé. Certains, qui étaient encore au travail sur place, se sont de nouveau mobilisés hier. La CGT évoque ainsi le cas des personnels d‘entretien : « des salariés du nettoyage se sont réunis porte 4 ce matin, se sentant en insécurité sanitaire et demandant que l’entreprise arrête le travail, dans un site d’ailleurs vidé de la plupart des travailleurs. Ces salariés ont obtenu gain de cause », explique le syndicat, qui dénonce « l’absurdité » de maintenir le site ouvert. Du côté des sous-traitants aussi on s’inquiète : « Les gens renâclent de plus en plus à aller à bord. La situation ne peut plus durer : manque de superviseurs, la plupart des sous-traitants partis... En fait pratiquement toutes les entreprises sont parties, soit sous la pression des salariés, et/ou par peur d'etre attaquées par des salariés qui tomberaient malades », explique un fournisseur, qui évoque « une ambiance détestable ». Sur les navires, des rumeurs de personnels infectés par le coronavirus ont également circulé hier, plombant un peu plus cette ambiance. Toutefois, on expliquait en fin d’après-midi aux chantiers qu’aucun cas avéré de Covid-19 n’avait été signalé.

Les syndicats demandent l’arrêt total et la prise en charge par l’Etat du chômage partiel

Alors que les syndicats réclament la fermeture complète du chantier, se pose la question de la prise en charge du coût de cet arrêt. Car d’après la direction, l’entreprise n’étant pas en rupture d’approvisionnement et ayant des commandes en cours, elle ne peut pas bénéficier du dispositif de prise en charge du chômage partiel accordé par le gouvernement. « Le chantier appartient à 83% à l’Etat, qui a demandé le confinement, il serait judicieux qu’il l’applique aux entreprises qu’il possède et dont l’activité n’est pas indispensable à ce pays. Nous ne sommes pas dans le médical, l’alimentaire, la logistique, la police ou les services de secours, nous construisons des paquebots ! Maintenir alors que l’épidémie se développe autant de personnes au même endroit n’est pas responsable. Il faut arrêter et le gouvernement doit intégrer les Chantiers de l’Atlantique dans le dispositif d’activité partielle pour raisons exceptionnelles, ce que nous sommes en train de vivre », affirme-t-on chez Force Ouvrière, où l’on estime que le retard pris sur la construction des navires pourra être rattrapé : « Si nous prenons quelques semaines de retard, ce n’est pas grave. Comme le chantier l’a déjà démontré par le passé, s’il faut donner un coup de collier après nous y arriverons. Mais pour cela, il faut protéger les personnels, ainsi que les sous-traitants car nous aurons besoin de tout le monde quand il faudra reprendre ».

Nouvelle réunion vendredi

En attendant que l’Etat donne une réponse quant à la prise en charge du chômage partiel (déjà demandé par 21.000 entreprises), les salariés qui ne peuvent pas recourir au télétravail utilisent leurs jours de RTT et, pour ceux qui n’en ont plus, restent payés normalement. Une mesure valable jusqu’à la fin de la semaine. Ensuite, soit l’entreprise continue à payer sans aide, et les difficultés financières apparaitront rapidement, ou les salariés seront contraints de prendre par anticipation leurs congés. Une solution que refusent les délégués du personnel, qui pour l’éviter veulent l’intégration au dispositif d’aide, de même que les fournisseurs. La situation à partir de lundi prochain sera au programme d’une nouvelle réunion du Comité social d’entreprise, prévue vendredi.  

Les sous-traitants dans une position très inconfortable

Quant aux sous-traitants, les Chantiers de l’Atlantique laissent la décision aux directions des sociétés, avec là aussi le même enjeu financier par rebond puisque si les fournisseurs décident d’arrêter de leur propre chef, ils ne seront pas payés. La situation est donc très compliquée pour toutes ces entreprises et leurs employés, essentiels à l'activité nazairienne (les sous-traitants réalisent environ 70% de la valeur d'un paquebot). Pour eux, l’obtention du chômage partiel ne peut en l’état venir que si le donneur d’ordre s’arrête, ce qu’il se garde bien d'annoncer à ce stade. « Ceux qui sont partis mettent leurs salariés en prise de congés obligatoire (reliquats de RTT et congés notamment, ndlr). Si cela dure ce sera compliqué; surtout que si c'est la procédure normale qui s’applique, le chômage partiel ne peut être déclenché qu'après utilisation des congés acquis », explique un sous-traitant. Se pose enfin la question des travailleurs détachés toujours présents sur place et qui risquent d’avoir beaucoup de mal à rentrer dans leur pays compte tenu de la fermeture des frontières. 

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