Les chantiers STX France de Saint-Nazaire et Alstom on signé le 6 décembre un protocole de collaboration exclusive portant sur la fabrication de pièces de transition d’éoliennes offshore. Il s’agit de grands cylindres en acier de 400 tonnes, 20 mètres de haut et 8 mètres de diamètre. Destinées à fixer les mâts des éoliennes à leurs fondations, ces pièces sont, au-delà de la structure métallique, dotées d’échelles, de rambardes et de différents équipements électriques.
L’accord conclu entre STX France et Alstom porte sur les projets du second appel d’offres français, ouvert sur deux sites (Noirmoutier et Le Tréport) et sur lequel deux consortiums sont en compétition : EDF Energies Nouvelles, Alstom et WPD Offshore d’un côté, GDF Suez, EDP, NeonenMarine et Areva de l’autre. Pour que Saint-Nazaire produise les pièces de transition destinées aux éoliennes Haliade 150 d’Alstom, il faudra donc que le consortium auquel appartient le groupe soit retenu par l’Etat sur au moins l’un des deux champs. « Il n’y a pas encore de commande et de certitude, mais c’est un bon pas et cela nous donne de la vision, ce qui est important pour investir et embaucher dans ce domaine », explique Laurent Castaing, directeur général de STX France.

Un marché potentiel de plus de 400 éoliennes en France
Les futurs parcs de Noirmoutier et du Tréport présenteront chacun une puissance de 500 MW, ce qui représente en tout plus de 160 éoliennes, soit environ 80 pièces de transition par site. Ces équipements, spécialement conçus pour répondre aux contraintes techniques de l’Haliade 150, la plus puissante éolienne offshore existante, sont également proposés par STX France dans le cadre du premier appel d’offres français. Sur celui-ci, EDF EN a remporté trois des quatre sites (Guérande, Fécamp, Courseulles-sur-Mer), ce qui représente 240 Haliade 150. A l’époque, il n’y avait pas encore de filière structurée en France, ce qui devient aujourd’hui le cas et permet à Alstom de nouer en amont un partenariat avec STX France. Il est néanmoins clair que, si l’industriel conclut un accord d’exclusivité sur les pièces de transition pour le second appel d’offres, le chantier nazairien a d’excellentes chances d’être retenu pour le premier. Réponse à partir de l'an prochain, lorsque le contrat sera attribué. S’il revient à STX France, cela signifierait une mise en production à partir de 2016, la construction des parcs du premier appel d’offres devant débuter en 2018 pour s’achever l’année suivante. Quant à ceux du second appel d’offres, leur installation est prévue entre 2021 et 2023.

Construction de la sous-station électrique de Dong (© STX FRANCE - BERNARD BIGER)
Les sous-stations électriques
En dehors des pièces de transition, STX France a aussi de belles cartes à jouer dans le domaine des sous-stations électriques, ces gros transformateurs équipant les parcs éoliens. Un premier contrat a été remporté avec l’énergéticien danois Dong pour un parc situé en mer du Nord britannique. L’imposante structure de 1450 tonnes, de 31 mètres par 18 mètres sur une hauteur de 16 mètres, reposera sur une fondation jacket. L’ensemble, produit à Saint-Nazaire, sera livré au printemps 2014. Il représente pour le chantier et ses sous-traitants 150.000 heures de travail pour environ 200 personnes. A l’instar des pièces de transition, STX France a été retenu par EDF EN (à l’issue d’un appel d’offres européen) pour fournir les sous-stations électriques dans le cadre du second appel d’offres, soit un équipement par parc (plus gros que la sous-station de Dong). Là aussi, cela constitue un très bon signe dans le cadre des contrats qui seront notifiés pour les champs de Guérande, Fécamp et Courseulles. Sur ce domaine, comme dans d’autres, STX France travaille en étroite collaboration avec son réseau de coréalisateurs, réunis au sein du groupement Neopolia, fort de 165 entreprises, dont 85 ont joint leurs forces depuis 2011 au sein d’un cluster EMR.
Cap sur l’export
A Saint-Nazaire, on ne vise toutefois pas que le marché national, loin s’en faut. L’export est même considéré comme fondamental, afin de développer immédiatement cette nouvelle filière mais aussi maintenir la production entre la livraison de la sous-station de Dong et les éventuelles commandes françaises. Aux côtés d’Alstom, notamment, STX France fait des offres sur différents projets à l’international. « Nous répondons avec Alstom à des appels d’offres en mer du Nord et nous espérons avoir des commandes sur des sous-stations dans les mois qui viennent », précise Laurent Castaing. Cette activité, si les contrats sont au rendez-vous, aboutirait à la création de 200 emplois permanents pendant une dizaine d’années. Les énergies marines, et plus particulièrement l’éolien offshore, sont en tous cas un axe de développement stratégique pour STX France, qui souhaite par ce biais diversifier son activité et, ainsi, compenser au moins partiellement l’aspect cyclique du marché de la croisière. « Nous nous fixons comme objectif d’être un acteur du renouvellement énergétique en Europe et que ce secteur représente dans les années qui viennent une part significative de notre chiffre d’affaires, de l’ordre de 20 à 30% ».

Le design de fondation jacket AG4 (© STX FRANCE)
Développer des produits innovants
Pour l’heure, la part de l’éolien dans le plan de charge est encore très modeste. Mais les efforts entrepris depuis plusieurs années par STX France sur ce créneau, notamment en termes de recherche et développement, commencent à porter leurs fruits. « Si nous sommes aujourd’hui retenus, ce n’est pas un hasard. Nous avons identifié il y a plusieurs années que la compétition se jouerait sur le coût et la technologie. Nous avons donc engagé un programme de R&D soutenu par la région des Pays de la Loire pour apporter des produits nouveaux, mieux pensés, moins chers et plus légers que leurs concurrents ». En dehors des sous-stations électriques, les bureaux d’études, via STX Solutions (où une trentaine d’emplois ont été créés spécifiquement pour l’éolien), ont notamment développé l’AG4, une fondation innovante de type jacket dont le coût est présenté comme 10 à 15% moins cher que ce que l’on trouve ailleurs en Europe. « Grâce aux études, nous avons obtenu des améliorations considérables sur le poids des jackets et nous espérons des commandes prochaines », note Laurent Castaing. On rappellera à ce sujet qu’EDF et Alstom n’ont pas opté pour des fondations de type jacket dans le cadre des parcs du premier appel d’offres, la solution des monopieux étant privilégiée (STX ne se positionnant pas sur ce type de fondation).
Un plan d’investissement de 100 millions d’euros
Fort des premiers contrats engrangés, des nouveaux accords signés et de perspectives manifestement bonnes, STX France se prépare à lancer un important projet de développement sur les énergies marines renouvelables. Un plan d’investissement en plusieurs phases, d’un montant total de 100 millions d’euros, a été élaboré. Il porte notamment sur la réalisation de nouveaux ateliers - les premiers sur le site du chantier depuis près de 20 ans - dédiés aux EMR. Une nouvelle chaine de production qui sera installée aux abords du bassin C, localisation qui facilitera le transfert des pièces vers le nouveau hub logistique allant être installé autour de la forme Joubert. Alors que STX France est actuellement en discussion avec plusieurs entreprises de construction, la première tranche de travaux, d’un montant cumulé de 30 millions d’euros, devrait être prochainement lancée. Le top départ dépendra soit de la signature de contrats pour les premiers parcs français, l'an prochain, ou bien de commandes à l'export.

Le chantier de Saint-Nazaire (© STX FRANCE - BERNARD BIGER)

Le bassin C (© STX FRANCE - BERNARD BIGER)
Navires de pose
Enfin, il n’est pas inutile de rappeler que le chantier peut profiter de quelques opportunités sur le marché des navires de pose d’éoliennes. Malgré l’essor considérable des projets de parcs en mer, les possibilités de commandes sont assez réduites, un certain nombre de bateaux ayant déjà été construits par anticipation. D’autres constructeurs, notamment en Asie, ont de plus pris une certaine avance. Cela n’empêche pas STX France de travailler là aussi sur des solutions innovantes, notamment pour les éoliennes de très grandes dimensions, comme l’Haliade 15 et de pouvoir espérer un éventuel contrat. A ce titre, les discussions se poursuivent notamment avec EDF EN, qui doit prendre en 2015 une décision quant à la future flotte de navires de pose affectée à l’installation des parcs français. En dehors de l’éolien, on notera que STX France peut aussi avoir des cartes à jouer dans le domaine des unités de pose d’hydroliennes, un marché plus jeune et sur lequel l’entreprise, via son site lorientais, a acquis une première expérience en construisant la barge OpenHydro Triskell, développée par le groupe DCNS.

La barge OpenHydro Triskell transportant l'hydrolienne Arcouest (© EDF)