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Dans le cadre des négociations à venir autour du projet d’accord sur la compétitivité souhaité par la direction de STX France, la CGT ne jouera pas la politique de la chaise vide. Le syndicat se rendra non seulement aux réunions liées à la récente dénonciation, par la direction, d’accords et usages dans l’entreprise, mais également, s’il y a lieu, à celles qui pourraient être menées en parallèle sur la compétitivité. Pour l’heure, on ne sait en effet pas si ces négociations seront menées de front ou feront l’objet de processus distincts. Dans tous les cas, « Nous irons aux négociations pour y assister et voir les échanges qui s’y dérouleront », indique-t-on au syndicat. La CGT, qui a refusé la semaine dernière de s’engager à conclure un accord au sujet de la compétitivité, reste très ferme sur ses positions. « Nous ne voulons pas de régression sociale. Nous concevons que la boite n’aille pas bien mais, une nouvelle fois, on veut appuyer sur la tête des salariés, qui n’en peuvent plus, parce qu’ils font des efforts depuis des années ».

 

 

« Développement de l’outil industriel »

 

 

Pour le syndicat, la compétitivité doit se jouer sur la modernisation de l’outil de travail, pour lequel il reconnait que des efforts sont réalisés. « Nous voulons que la navale sorte la tête de l’eau par le développement de l’outil industriel. Il y a de nouvelles machines dans les ateliers et nous avons maintenant le très grand portique, que nous attendons depuis des années et qui va permettre de réaliser des gains de productivité considérables ». La CGT pense également que des améliorations sont aussi possibles sur le terrain, dans l’organisation, la manière de travailler au quotidien, pour peu que l’écoute soit meilleure entre la base et l’encadrement. Une approche qu’elle n’est pas la seule à défendre, la CFDT en ayant également fait l’un de ses chevaux de bataille au travers de ce qu’elle appelle le « travailler mieux ».

En tout état de cause, la CGT considère que les efforts demandés aujourd’hui par la direction, avec des gains de l’ordre de 5 millions d’euros par an sur une période de six ans, constituent des « économies de bout de chandelle » dans la mesure où, pour la fabrication d’un navire, « la masse salariale ne représente que 15% et, sur six ans, les économies demandées ne représentent que 2% du coût social ».

 

 

La rentabilité, une question de survie

 

 

Reste que le chantier de Saint-Nazaire, après avoir pris la commande du paquebot géant Oasis 3 en décembre 2012 dans des conditions économiques difficiles, se doit pour subsister d’être rentable. Car une entreprise qui ne gagne pas d’argent est une entreprise qui meurt. Et, sans bénéfice, pas d’investissements, notamment dans la diversification, ni d’augmentations de salaires. C’est la difficile équation que doit actuellement résoudre STX France, qui ne manque certes pas de perspectives de commandes, mais qui ne peut les signer à n’importe quel prix. D’où le fameux accord sur la compétitivité, appelé à contribuer, comme le renouvellement de l’outil industriel, aux marges de manœuvre financières dont a besoin le chantier. Celui-ci doit par exemple investir 100 millions d’euros dans le domaine des énergies marines renouvelables, un secteur prometteur qui pourrait représenter au cours de la prochaine décennie jusqu’à 30% de son chiffre d’affaires.

L’idée générale est, en fait, d’atteindre un cercle vertueux consistant retrouver une activité suffisamment soutenue pour réaliser des bénéfices. Une dynamique qui permettrait une redistribution vers les salariés.

 

 

La commande de MSC en suspens

 

 

Dans l’immédiat, l’urgence est d’emporter la commande géante des nouveaux paquebots de MSC Cruises, soit deux navires de 2000 cabines, livrables entre 2017 et 2019, ainsi qu’une option pour deux unités supplémentaires. Cela assurerait le « fond de cale » du chantier pour de longues années. La signature du contrat butte actuellement sur le prix, la proposition nazairienne devant être réduite de quelques dizaines de millions d’euros pour espérer obtenir l’accord de MSC. Les gains prévus grâce à la mise en service du nouveau portique ayant déjà été intégrés, le renforcement de la compétitivité doit permettre de réaliser des économies supplémentaires et, ainsi, décrocher un contrat financièrement acceptable par l’armateur et viable pour le chantier. Sans cela, le Conseil d’administration de STX France a clairement indiqué à la direction qu’il ne donnerait pas son aval à une baisse du tarif proposé, de peur d’une vente à perte. Quant à la possibilité d’emporter la commande au tarif actuel, c’est une option, mais on en reviendrait alors à la problématique de la pérennité d’un constructeur qui ne dégage plus de marge sur ses projets. C’est ce qu’on appelle le « syndrome finlandais », en référence aux chantiers de STX en Finlande qui, à force d’avoir perdu de l’argent sur leurs contrats, s’éteignent à petit feu.

 

 

Rapports de forces syndicaux

 

 

Les négociations qui se dérouleront dans les prochaines semaines sont donc primordiales et l’enjeu va bien au-delà de la seule commande de MSC. La CFDT et la CFE-CGC ont déjà donné leur accord à la direction pour négocier dans la perspective d’aboutir à un accord sur la compétitivité. Mais les deux syndicats, s’ils jouent la carte du réalisme, n’ont pas l’intention de signer un chèque en blanc. Ils exigent des garanties, notamment un encadrement sur une durée précise des efforts fournis par les salariés et des contreparties financières dès que la situation se sera améliorée. Force Ouvrière, de son côté, ne s’est pas engagée, mais le syndicat a confirmé qu’il se rendrait à la table des négociations et qu’il acceptait de discuter certains points, comme l’harmonisation des primes. Il refuse en revanche catégoriquement la proposition de la direction d’imposer aux salariés de travailler 20 minutes de plus chaque jour sans augmentation de salaire. Quant à la CGT, même si elle se rendra aux réunions, sa participation risque de se limiter à l’écoute des échanges et le rappel de ses positions. Mais il n’est pas non plus à exclure que le syndicat fasse également des propositions, ne serait-ce que  pour prouver à ses détracteurs qu’il peut sortir d’une stricte attitude d’opposition systématique et faire preuve d’un esprit constructif, sans pour autant trahir ses idéaux.

Dans tous les cas, il faudra au moins la signature de trois syndicats pour qu’un accord puisse être mis en œuvre. A elles seules, la CFDT et la CFE-CGC, qui ont respectivement obtenu 31% et 17% aux dernières élections professionnelles, ne disposent en effet pas de la majorité absolue. Alors que la CGT a pesé pour 33% des suffrages, FO, avec ses 19%, se pose comme l’arbitre des futures négociations.

 

 

Intervention ministérielle

 

 

Le sujet est en tous cas suffisamment important pour provoquer l’intervention de deux ministres. Arnaud Montebourg, pour le Redressement productif, et Frédéric Cuvillier, pour les Transports et la Mer, souhaitaient ainsi rencontrer les syndicats de STX France ce 23 décembre. La réunion a, néanmoins, été reportée début janvier. Alors que l’Etat est actionnaire à 33.34% du chantier de Saint-Nazaire, les ministres veulent sans doute qu’un compromis soit trouvé en vue de signer un accord sur la compétitivité évitant tout conflit. Une entrée en scène ministérielle évidemment poussée par les commandes en jeu, non seulement MSC, mais aussi le nouveau navire de Brittany Ferries. Deux bonnes nouvelles qu’Arnaud Montebourg et Frédéric Cuvillier aimeraient probablement partager…

 

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