Le chantier de Saint-Nazaire va lancer Smart Yard 2020, un nouveau plan de progrès quinquennal. Horizon 2015, initié en 2010 et doublé de l’accord de compétitivité signé avec les organisations syndicales l’année dernière, a permis à STX France de revenir dans les mêmes niveaux de prix que ses concurrents. Cette fois, il s’agit d’amplifier de manière spectaculaire la modernisation de l’outil industriel du chantier nazairien et accroitre ses performances. Cet ambitieux programme a été dévoilé hier aux salariés de l’entreprise.
Profiter d’une visibilité exceptionnelle
La direction souhaite profiter de l’exceptionnelle visibilité dont dispose le chantier, avec un plan de charge pratiquement plein jusqu’en 2021 voire 2022 (6 paquebots en commande, 3 options et un slot disponible, sans compter de la place pour intercaler de petits navires) pour consolider son activité et préparer l’avenir. Car la prochaine décennie sera sans nul doute marquée par la mise en service d’une nouvelle génération de paquebots extrêmement innovants et, dans le même temps, une concurrence accrue avec l’émergence probable des chantiers asiatiques dans la croisière. Un marché vis-à-vis duquel STX France doit, par ailleurs, réduire sa dépendance pour faire face à un éventuel retournement de conjoncture. Dans cette perspective, les efforts en termes d'innovation et de diversification (énergies marines, offshore, militaire...) vont se poursuivre.

(© : STX FRANCE - BERNARD BIGER)
Améliorer les performances et réduire de 10% le coût des prototypes
Smart Yard 2020, qui ambitionne entre autres de réduire de 10% le coût des navires prototypes (après avoir gagné 15% grâce à Horizon 2015), repose sur un plan d’action comprenant différents leviers. Les trois premiers visent à améliorer les performances. Alors que depuis quatre ans, STX France a mis en place la méthode « LEAN », destinée à optimiser la gestion de la production et du montage, ce processus va être étendu à l’ensemble de l’entreprise (bureaux d’études, services support) et chez les sous-traitants. Il s’agit d’accroître les gains déjà obtenus, en éliminant par exemple les gaspillages et en garantissant la qualité des flux.

STX France construira au moins deux Oasis (© : STX FRANCE - BERNARD BIGER)
Mieux profiter des effets de série
Un important travail sera, dans le même temps, mené sur les navires répétitifs, c’est-à-dire ceux qui suivent un prototype. STX France entend gagner plusieurs dizaines de millions d’euros sur une classe de bateaux en bénéficiant au maximum des effets de série. Pour cela, le chantier compte agir dans différents domaines, comme l’intégration des modifications, l’optimisation de l’industrialisation et du pré-armement, avec in fine une diminution des délais de réalisation et des coûts réduits. Le constructeur français souhaite également jouer sur sa chaîne logistique via des négociations groupées, ainsi qu’une meilleure gestion des stocks et de la consommation de matières premières.

(© : STX FRANCE)
La qualité des données dans les systèmes informatiques
En parallèle, STX France se lance un défi complexe pour améliorer la qualité des données. Cette problématique, liée à la généralisation des outils informatiques et aux échanges d’informations dans la conception et la construction, est cruciale car la présence de données erronées peut générer des problèmes en chaîne dans des systèmes automatisés et mutualisés. C’est particulièrement vrai sur les navires prototypes, qui génèrent un nombre colossal de nouvelles informations. L’objectif est donc de disposer de l’outil le plus fiable possible afin d’éviter les correctifs et les pertes de temps, améliorer la performance du montage, garantir la disponibilité des matières premières à chaque stade, faciliter de prévisions…

Le très grand portique est opérationnel depuis 2014 (© : STX FRANCE - BERNARD BIGER)
100 millions d’euros pour créer le chantier du futur
Pour améliorer ses performances et sa compétitivité, STX France va également préparer « l'usine du futur », ou plutôt « le chantier intelligent » pour reprendre le nom donné à son son nouveau plan de progrès. Ces cinq dernières années, l’entreprise s’est déjà lourdement modernisée. Pas moins de 100 millions d’euros ont été investis dans le chantier nazairien, dont 30 millions pour le Très Grand Portique et autant dans les outils informatiques (nouveaux systèmes de conception assistée par ordinateur et de gestion d’entreprise). 100 millions d'euros supplémentaires seront consacrés dans les cinq prochaines années à l’outil industriel, qui va à l’image de la société se numériser. Il s’agit de suivre, et même d’anticiper les évolutions technologiques dans différents domaines : robotisation de la chaîne logistique et des ateliers, utilisation de maquettes numériques dans les ateliers et à bord des navires, recours à des robots et des sytèmes de cobotique (interaction entre un opérateur humain et un système robotisé)…
Cobotique (© : IRT JULES VERNE)
Alors que STX France travaille déjà sur ces domaines avec différents partenaires, comme l’IRT Jules Verne et le CEA Tech, l’objectif est non seulement de réduire les coûts, mais aussi d’améliorer la qualité et de limiter ou assister les interventions humaines sur les tâches les plus pénibles, tout en offrant des outils innovants facilitant le travail des personnels (tablettes, vision dynamique avec les maquettes numériques, mise à disposition aisée des informations nécessaires, nouveaux systèmes communication à bord des bateaux…)

Tests avec un démonstrateur de robot de soudage (© : IRT JULES VERNE)
Quant aux robots, STX France, qui en compte déjà dans le chantier, mise sur la nouvelle génération de systèmes automatisés, plus efficaces et facilement programmables. De nouvelles machines seront également acquises, à l’image d’un premier banc de soudage laser, prévu pour être opérationnel fin 2016.

Navire du futur (© : STX FRANCE)
L’innovation pour se différencier de la concurrence
Le chantier de Saint-Nazaire compte mettre le paquet dans le domaine de la R&D et de l’innovation. En effet, à prix équivalents, cela sera un facteur crucial de différenciation par rapport à la concurrence. STX France doit donc proposer de nouvelles solutions pour augmenter la profitabilité des navires et systèmes réalisés, tout en apportant des idées novatrices pour l’attractivité de ses clients. Concrètement, cela passe par des innovations dans l’exploitation des navires (architecture et design, sécurité, automatisation, connectivité et digitalisation, activités et vie à bord, cabines…). Il s’agira aussi, bien entendu, de poursuivre autant que possible la baisse des coûts opérationnels : réduction de la consommation, maintenance facilitée, durée de fonctionnement plus longue entre deux entretiens…

Le futur MSC Meraviglia (© : STX FRANCE)
Améliorer la sécurité et les relations sociales
Smart Yard 2020 comprend aussi des leviers dits « transversaux », c’est-à-dire centrés sur les domaines HSE (hygiène, sécurité et environnement) ainsi que les ressources humaines. STX France veut en particulier redoubler d’efforts sur la sécurité pour limiter au maximum les risques et faire chuter les blessures et accidents au travail. Dans le même temps, la direction souhaite relancer la dynamique du dialogue social au sein de l’entreprise.
A ce jour, celle-ci emploie 2660 personnes, auxquels s'ajoutent quelques 4000 sous-traitants.