Le groupe britannique Virgin a officialisé hier sa volonté de se lancer dans l’industrie de la croisière. Pour cela, il entend passer commande de deux paquebots, les premiers d’une nouvelle filiale qui sera basée à Miami, aux Etats-Unis. Virgin viserait donc plutôt le marché américain, avec des itinéraires dans les Caraïbes et peut être en Europe. Il s’agit en tous cas d’un véritable challenge pour la future compagnie, qui se retrouvera aux USA confrontée aux fleurons du secteur, comme Royal Caribbean International et Norwegian Cruise Line. Face à ces opérateurs historiques alignant les plus gros et les plus innovants navires de croisière du monde, le défi est donc de taille. Surtout que le groupe britannique entend « secouer l’industrie de la croisière », selon les propres termes de son fondateur, Richard Branson.
Un produit différenciant
Pour y parvenir, Virgin Cruises va donc devoir imaginer des bateaux de haute volée et développer un produit original à même de se démarquer de la concurrence. « Nos clients navigueront sur des navires dernier-cri offrant une grande qualité, un vrai sens du fun et de nombreuses activités passionnantes proposées avec le célèbre service Virgin », assure Richard Branson.
Pour mener à bien cette nouvelle aventure, le milliardaire a fait appel à Tom McAlpin, qui devient directeur général de Virgin Cruises. Il s’agit de l’ancien président de Disney Cruise Line, qui a ensuite été nommé P-DG de la société d’exploitation du paquebot résidentiel The Word. « Les croisiéristes méritent quelque chose de mieux et de différent de ce qui existe aujourd’hui et Virgin Cruises s’engage à créer des expériences à couper le souffle, pour eux et une nouvelle génération de clients », affirme Tom McAlpin.
Deux géants en perspective
Pour les aspects financiers du projet, le groupe britannique travaille avec le fonds d’investissement Bain Capital. En mars dernier, lorsque qu’avait été évoqué le désir du fondateur de Virgin de se lancer dans la croisière, un media émirati avait affirmé que Richard Branson cherchait à lever auprès d’investisseurs du Moyen-Orient 1.7 milliard de dollars pour la construction de deux navires. Un budget qui, s’il se révèle exact, signifie qu’il s’agira de gros paquebots, dont la jauge serait largement supérieure à 100.000 GT. Le montant des investissements évoqué en mars, à condition bien sûr qu’il soit exact, donne en effet une idée de la taille des futurs navires. On peut en effet comparer ce 1.7 milliard au 1.8 milliard de dollars que MSC Cruises va dépenser dans la réalisation chez STX France des deux géants de la classe Vista (168.000 GT, 2250 cabines) ou encore aux mastodontes du type Quantum of the Seas (167.800 GT, 2090 cabines) que Meyer Werft produit pour un peu plus de 1 milliard pièce. Même si avec Richard Branson il ne faut jamais rien exclure, surtout pas l’improbable, voir le milliardaire britannique se lancer dans quelque chose d’encore plus gros serait tout de même une énorme surprise. Cela nécessiterait un investissement encore plus colossal. Pour l’heure, les plus grands et les plus chers paquebots du monde demeurent les Oasis of the Seas (227.000 GT, 2700 cabines), dont les troisième et quatrième exemplaires, commandés à Saint-Nazaire, valent chacun quelques 1.3 milliard de dollars.
La tête de série opérationnelle vers 2019 ?
Pour l’heure, Virgin n’a révélé aucun détail concernant les caractéristiques techniques des navires. Pas plus d’ailleurs qu’une date de mise en service de la tête de série. Cela, probablement du fait que le projet n’est pas encore mûr et que le concept est toujours à l’étude. Entre sa définition, travail complexe compte tenu de la volonté de Richard Branson de proposer un produit unique à même de provoquer une rupture sur le marché, ainsi que les délais nécessaires aux études et à la construction d’un grand prototype innovant, on peut estimer que Virgin Cruises ne mettra pas en service son premier paquebot avant 2019. Evidemment, il faut toujours se méfier des effets d’annonce et, malgré la réputation de Richard Branson, ce projet demeure comme on l’a vu un très gros challenge, car il nécessite un apport financier considérable et présente tout de même des risques puisqu’il s’agit de lancer une nouvelle activité dans un secteur déjà extrêmement concurrentiel. L’annonce officielle effectuée hier, comprenant l’engagement de Bain Capital, tend néanmoins à prouver que la problématique du financement, si elle n’est pas encore totalement résolue, est au moins en bonne voie de l’être. Une question dont l’aboutissement dépendra aussi du chantier retenu pour réaliser ces navires.
Quel chantier pour mener à bien ce projet ?
Aucune option n’a pour le moment été avancée par Virgin mais il est clair que ce projet pourrait susciter une rude concurrence entre constructeurs européens. Trois groupes sont en mesure de mener à bien un projet de cette ampleur : STX France, l’Allemand Meyer Werft et l’Italien Fincantieri. Ce dernier doit impérativement remplir son carnet de commandes puisqu’après un pic de six navires à livrer en 2016, il n’en a pour le moment que deux en 2017 et un seul en 2018. Si le gabarit des futurs bateaux souhaités par Virgin est trop important, Fincantieri se retrouverait néanmoins hors course puisque ses cales demeurent limitées. Pour le moment, les plus gros navires de son histoire, les Seaside de MSC (livrables en 2017 et 2018) mesurent 323 mètres de long pour 154.000 GT et 2070 cabines. Le chantier historique de Meyer Werft à Papenburg éprouve lui aussi quelques limites techniques, relativement élevées toutefois puisqu’il produit les Quantum, le constructeur allemand peut désormais s’appuyer sur le site finlandais de Turku, qu’il a repris cet été et qui a livré en 2009 et 2010 les deux premiers Oasis. Papenburg a encore de la place pour des livraisons en 2018 et 2019, période où le chantier, capable de produire à plein régime deux gros paquebots chaque année, ne sortira qu’une unité par an, à savoir le troisième et le quatrième Breakaway Plus (164.600 GT, 2100 cabines) de NCL. Des capacités sont également disponibles en Finlande. Quant à Saint-Nazaire, il y a aussi des possibilités à partir de 2019, une fois passés les prototypes des séries Oasis (RCI), Vista (MSC) et Edge (Celebrity Cruises).
En clair, tous les constructeurs européens sont susceptibles, à priori, de supporter le projet de Virgin Cruises, avec tout de même, historiquement, une préférence pour les chantiers français et allemands quand il s’agit de navires très techniques et innovants.