Les deux navires de Croisières de France achèveront dans quelques semaines leur saison en Europe, l’Horizon poursuivant ensuite son activité au profit de la compagnie aux Antilles, où il passera de nouveau l’hiver. L’occasion de dresser un premier bilan de l’activité en 2015 et d’évoquer la stratégie que le troisième acteur hexagonal du marché de la croisière entend suivre en 2016.
Alors que l’abandon du transfert du Century a été délicat à gérer cette année, notamment auprès des passagers pour lesquels le bateau était l’argument principal de vente, Croisières de France fait face à une concurrence très vive et un environnement complexe. Elle a souffert, comme l’ensemble de l’industrie du tourisme, d’un début d’année marqué par des attentats, en France et en Tunisie, s’ajoutant à un environnement économique assez morose. Des facteurs qui se sont ressentis sur les ventes de croisières. « 2015 a été une année difficile », reconnait Antoine Lacarrière, directeur général de CDF. « Il y a eu les attentats, qui nous ont obligé à suspendre nos escales à Tunis et modifier nos itinéraires, alors que la hausse de la fiscalité en France a pesé sur les ménages moyens, qui ont réduit leur budget consacré aux vacances ».
« une bonne saison, mais une saison difficile »
Du coup, les offres de dernière minute, avec des prix très attractifs, ont explosé. « Nous n’en avons jamais vendu autant ». En Méditerranée occidentale, la suppression des escales en Tunisie a, dans le même temps, empêché les navires de pratiquer des prix en détaxe (aucun autre port hors-UE n’étant atteignable dans le secteur), ce qui a dans le même temps eu un impact sur les revenus à bord. Toutefois, CDF assure qu’elle est parvenue à maintenir ses résultats grâce à une fréquentation un peu plus importante, la compagnie allant dépasser les 100.000 passagers cette année. Ce qui fait dire à Antoine Lacarrière que ce cru 2015 « sera au final une bonne saison, mais une saison difficile ».
Politique tarifaire
Pour la suite, le patron de CDF entend « poursuivre le développement de la compagnie » et voit 2016 de manière plus sereine, même s’il fait face à d’importants challenges. Il va d’abord falloir trouver une parade aux ventes de dernière minute, qui réduisent les gains et dont les bénéficiaires ont la fâcheuse habitude de se vanter à bord des bateaux et inciter les clients ayant payé le prix normal à faire comme eux. Avec, et cela est valable pour toute l’industrie de la croisière, un risque de contagion générale aboutissant à une baisse mécanique de la qualité des produits du fait de moindres recettes. « Nous devons combattre cette perspective et travailler en 2016 sur la politique tarifaire pour réguler cette situation ». Cette année, CDF a également perdu l’un de ses grands arguments commerciaux, le tout inclus. Ainsi, depuis avril, les passagers doivent, comme ailleurs, payer leurs consommations. Des forfaits attractifs ont cependant été mis en place et la qualité des boissons a clairement été relevée. Ce changement, plutôt délicat à gérer auprès de la clientèle, ne se déroule donc pas trop mal.
Poursuivre l’amélioration du produit
CDF continue dans le même temps de travailler sur un certain nombre de points, comme les spectacles, qui ont été améliorés, ou encore la francophonie à bord. Seuls quelques rares Français travaillent en effet sur l’Horizon et le Zenith, dont les équipages comptent heureusement beaucoup de Mauriciens. Un manque de compatriotes qui étonne de nombreux clients et qu’Antoine Lacarrière explique ainsi : « Nous avons beaucoup de mal à trouver des Français qui acceptent de travailler dans la croisière. C’est vrai que c’est une vie difficile, mais c’est un métier magnifique qui offre une expérience unique, la possibilité de découvrir le monde et, quand on en veut, de pouvoir faire une belle carrière. Malheureusement, c’est très compliqué d’en convaincre les Français ». Concernant les navires, CDF a demandé un certain nombre de réfections et a notamment obtenu le renouvellement du mobilier extérieur de l’Horizon, qui en changera avant de partir aux Antilles. Antoine Lacarrière et son équipe sont, enfin, très attentifs aux excursions, un service qu’ils savent perfectible et pour lequel une partie de la clientèle attend une amélioration.
Réduction de la voilure sur la diversité des Itinéraires
En matière d’itinéraires, CDF va sensiblement réduire la voilure en 2016. La démultiplication des croisières originales n’est plus d’actualité. Exit l’Islande et la Baltique, l’an prochain, la programmation en Europe du nord sera exclusivement axée sur la croisière d’une semaine (Soleil de Minuit) vers la Norvège depuis Calais (16 départs). En Méditerranée également (départ de Marseille), plusieurs itinéraires ont été supprimés, notamment les croisières longues, à l’exception de l’Adria (10 jours en Adriatique) et l’Odyssée (12 jours vers la Grèce). « Nous avions cette année une belle programmation avec de nouveaux itinéraires originaux mais c’est compliqué à gérer quand le navire ne va dans des lieux qu’une fois dans l’année. Pour préserver la qualité des escales, il faut donc savoir se restreindre pour proposer un meilleur produit. C’est pourquoi 2016 sera une année moins aventureuse », explique Antoine Lacarrière.
Développement des croisières de petite durée
Si elle réduit ses croisières longues et va concentrer le gros de son activité estivale sur des voyages d’une semaine, la compagnie va en revanche muscler son offre sur des itinéraires plus courts. « Nous cherchons à développer les petites durées, qui correspondent aux ménages dont les budgets sont plus contraints et aussi à l’évolution du marché. Nous travaillons ainsi sur les mini-croisières et les traversées de 5/6 jours dont les départs ne sont plus calés sur les week-ends. Il s’agit finalement de courtes vacances ou de week-ends allongés au travers desquels on vient simplement s’amuser, prendre l’air et profiter de quelques escales pour découvrir d’autres pays ». Des croisières courtes qui vont aussi de pair avec le rajeunissement de la clientèle, tombé à seulement 41 ans de moyenne d’âge chez CDF cette année (1 an de moins qu’en 2015) : « Notre public cible, aujourd’hui, va des moins de 30 ans à 59 ans ». Et c’est bien entendu une très bonne façon d’attirer les vacanciers qui n’ont jamais embarqué sur un paquebot, le taux de néo-croisiéristes accueillis par CDF étant particulièrement élevé.
Des arguments pour se différencier de la concurrence
Cette stratégie semble toutefois comporter une potentielle faiblesse. En limitant l’originalité de ses itinéraires pour se concentrer pendant l’été sur des croisières plus classiques au départ de Marseille, CDF ne risque-t-elle pas, face aux gros paquebots modernes de Costa et MSC, de voir la pression de la concurrence s’accentuer ? « Je suis confiant car nous pouvons nous différencier sur des aspects importants, comme la petite taille des navires, très appréciée, ainsi que la francophonie et la gastronomie, qui restent de grands points forts de Croisières de France ».