Le chantier du démantèlement du Costa Concordia vient de s’achever, près de trois ans après le remorquage de l’épave du paquebot à Gênes. Cette opération de grande ampleur, qui constitue une première mondiale, a nécessité un million d’heures de travail et a mobilisé plus de 350 personnes. Quelques 78 entreprises, essentiellement italiennes, ont participé à ce chantier, conduit par San Giorgio del Porto et Saipem. Ces derniers précisent que 90% du Concordia a pu être recyclés, soit 53.000 tonnes de matériaux qui, selon leur nature, ont été traités dans différents sites spécialisés en Italie. Leur évacuation a nécessité pas moins de 4000 voyages. L’an dernier, le coût du démantèlement du Concordia était donné à 114 millions d’euros, sur un budget total de 1.2 milliard pour l’ensemble des opérations de renflouement, de convoyage et de déconstruction, menées avec de très sévères normes de protection de l’environnement.
Mis en service en 2006, le Costa Concordia, premier d’une série de cinq paquebots construits par Fincantieri pour la compagnie italienne Costa Croisières, mesurait 290 mètres de long pour 35 mètres de large, sa jauge atteignant 115.000 GT.
Son naufrage s'est produit le 13 janvier 2012. Parti quelques heures plus tôt du port de Civitavecchia, dans la région de Rome, le navire, longeant de trop près l’île du Giglio, heurtait à 15 nœuds le Scole, rocher qui éventra sa coque sur plus de 70 mètres. Il était 21H45. Perdant quasi-immédiatement ses moyens de propulsion, le local barre et les moteurs étant rapidement noyés, le Concordia, par le jeu des courants et du vent, évita miraculeusement le chavirement en pleine mer, venant se coucher près du port du Giglio. Malgré cette tournure incroyable des évènements, qui évita sans doute un bilan bien plus lourd, 32 personnes perdirent la vie et 157 autres furent blessées, sur les 3216 passagers et 1013 membres d’équipage présents à bord ce jour-là.

Le Concordia juste après son naufrage (© : GUARDIA DI FINANZA)
Après les opérations de secours aux naufragés et la longue et difficile recherche des disparus en mer et dans la coque, la priorité avait été donnée au pompage des cuves à combustible du navire, 2400 m3, essentiellement de fuel lourd, étant extraites en février et mars par Smit Salvage et Tito Neri, afin d’éviter toute marée noire. En avril, après une évaluation des propositions faites par différents consortiums, l’Américain Titan Salvage, filiale de Crowley Group, leader mondial dans le renflouement d'épaves, ainsi que la société italienne Micoperi, qui bénéficie d'une longue expérience dans la construction et l'ingénierie sous-marine, avaient été retenus pour mener à bien l’évacuation du Concordia.
Un chantier colossal, inédit et extrêmement complexe a alors débuté. Il a fallu construire sous le bateau une série de plateformes sous-marines destinées à soutenir la coque lorsque celle-ci serait redressée. 34 caissons métalliques ont été fabriqués afin d’être soudés à la coque pour servir de ballasts et moyen de flottaison pendant le remorquage à suivre. Les 17 premiers ont été posés sur le flanc bâbord, celui émergé. Le 17 septembre 2013, à 9 heures du matin, l’équipe emmenée par le sud-africain Nick Sloane, un as des opérations de sauvetage, a débuté l'étape critique du redressement. Un système de chaines et de treuils est parvenu à provoquer le puissant effet de levier nécessaire au décollement de la gigantesque masse des rochers dans lesquels elle était encastrée. Puis le paquebot a lentement pivoté, aidé par les caissons remplis progressivement d’eau de mer afin de servir de ballasts. La partie la plus délicate est intervenue dans la nuit, lorsque le Concordia, qui était couché à 64 degrés, a atteint un angle de 40 degrés. Son point d’équilibre, en fait, à partir duquel le navire a naturellement basculé dans l’autre sens. Il a donc fallu arrêter de tirer pour, cette fois, maintenir le géant afin d’éviter qu’il pivote violemment et chavire de l’autre côté. Là encore, les sauveteurs ont réussi à la perfection cette étape sensible, permettant à l’épave de reposer droit sur un lit de sacs de ciment et les plateformes métalliques installés sur la pente rocheuse et sur lesquels le paquebot est venu se reposer.


L'épave avant son redressement (© CNES)

L'épave après son redressement (© CNES)
Dans les mois qui suivirent, les travaux de sécurisation de l’épave et de préparation à son remorquage furent menés à bien, avec notamment le soudage des 17 autres caissons sur le flanc tribord, revenu à l’air libre et portant les stigmates de 20 mois passés sous l’eau.

L'épave équipée de ses caissons (© GUARDIA DI FINANZA)
C’est finalement le 22 juillet 2014 que le Concordia, remis en situation de flottaison grâce à ses caissons, est remorqué vers le port de Gênes pour être démantelé. Le convoi, placé sous très haute surveillance, avec la présence de nombreux navires de remorquage, de lutte contre la pollution et de sécurité, arrive dans le port italien le 27 juillet.
Le chantier de démantèlement débute le long d’une jetée. Il faut d’abord « vider » le navire de tout ce qui peut l’être, avant d’entamer la découpe de la superstructure. Pont après pont, celle-ci disparait au fil des mois. Un travail compliqué et difficile pour les équipes, qui font en novembre 2014 une macabre découverte. Le corps de Russel Rebello, un serveur indien de 33 ans porté disparu depuis l’accident, est retrouvé sous des meubles dans une cabine du pont 8. C’est la 32ème victime du naufrage.
L'intérieur de l'épave après son arrivée à Gênes en 2014 (© DELVE SITE)
En 2016, il ne reste du Concordia que la partie inférieure, toujours maintenue par les caissons. L’ensemble est alors conduit en cale sèche afin d’être déconstruit. Au fil des travaux, les déchets ont été évacués en tenant compte de leur degré de dangerosité vers des sociétés de retraitement spécialisées, les matériaux valorisables étant quant à eux recyclés.

La superstructure en cours de démantèlement en novembre 2015 (© MER ET MARINE - VG)
Sur le plan juridique, à l’issue d’un procès fleuve, le commandant du paquebot, Francesco Schettino, a été reconnu coupable de plusieurs chefs d’inculpation, dont ceux d’homicides involontaires et d’abandon de navire. Condamné en février 2015 par le tribunal de Grosseto à 16 ans de prison, il a perdu en mai 2015 sa procédure en appel puis en mai 2017 son pourvoi en cassation. Laissé libre durant la procédure et interdit d’exercer une profession maritime, il doit purger sa peine en prison. Plusieurs autres personnels de Costa Croisières ont également été poursuivis par la justice italienne, notamment le directeur hôtelier et deux officiers du navire, le timonier philippin à la manoeuvre au moment des faits, ainsi que le directeur de la cellule de crise (à terre) de la compagnie. Ces cinq prévenus, qui ont comme l’autorise la justice italienne demandé et obtenu du tribunal une peine négociée, ont été condamnés en juillet 2013 à des peines allant de un an et demi à deux ans et dix mois de prison, la peine la plus lourde ayant été prononcée à l’encontre du responsable de la cellule de crise.