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C’est une première et sans doute le début d’un mouvement plus global. Suite à la décision prise lundi soir par le gouvernement italien de placer tout le pays en quarantaine, Costa Croisières a annoncé hier la suspension temporaire de ses opérations en Méditerranée. Une mesure qui court pour le moment jusqu’au 3 avril, correspondant à la période actuellement fixée par les autorités italiennes pour les mesures d’endiguement du coronavirus dans la péninsule, où l’on compte désormais plus de 10.000 cas et 630 morts.  

Le Costa Smeralda va débarquer ses passagers au fil des escales

Le paquebot géant Costa Smeralda, nouveau fleuron de la compagnie italienne mis en service en décembre et qui peut accueillir jusqu’à 6600 passagers, est le principal navire touché par cette mesure. Il est en effet exploité en Méditerranée occidentale avec des escales en Italie (Savone, Civitavecchia, La Spezia), en France (Marseille) et en Espagne (Barcelone, Palma de Majorque). Parti de Savone samedi dernier, et après une escale le lendemain à Marseille puis lundi à Barcelone, le navire se trouvait hier aux Baléares. Après une journée de mer, il atteindra demain Civitavecchia, première des étapes italiennes de sa boucle. Les passagers italiens qui ont embarqué la semaine dernière dans ce port seront les seuls à descendre. Aucun embarquement n’aura lieu et toutes les sorties et excursions de cette escale, notamment vers Rome, sont annulées pour les autres passagers. Il en sera de même vendredi à La Spezia et samedi à Savone. Les passagers français embarqués à Marseille descendront dans le port phocéen dimanche et les espagnols à Barcelone lundi prochain. Le Costa Smeralda sera ensuite placé en attente.

De nombreux paquebots vont arriver en Europe pour la haute saison

Par chance, peu de navires sont actuellement exploités en Méditerranée mais la saison va débuter et de nombreux paquebots doivent commercer leur repositionnement vers l’Europe. C’est le cas notamment, en ce qui concerne la compagnie italienne, des Costa Victoria et Costa Mediterranea, qui vont revenir d’océan Indien, du Costa Fortuna de retour d’Asie (il vient de quitter Singapour à vide, sa croisière de repositionnement ayant été annulée), du Costa Pacifica exploité cet hiver en Amérique latine ou encore du Costa Diadema qui achève sa saison dans les Emirats arabes.

Il conviendra par ailleurs de voir si ces mesures vont aussi s’appliquer dans les jours qui viennent aux navires de la compagnie allemande AIDA Cruises, filiale du groupe Costa, qui croisent actuellement en Méditerranée. C’est le cas notamment du paquebot AIDAsol, qui a été bloqué devant Marseille à son arrivée hier matin suite à une suspicion de coronavirus à bord. Les deux personnes concernées ont été débarquées par les marins-pompiers et transférées à l’hôpital de la Timone afin d’être testées. Les résultats, communiqués dans l’après-midi, se sont révélés négatifs. L’AIDAsol a dès lors été autorisé à accoster au terminal croisière des bassins phocéens, où il était encore amarré hier en fin de soirée. Mais pour les 2000 passagers présents à bord, cette escale est en grande partie tombée à l’eau. Ce qui illustre toute la difficulté de maintenir les opérations actuellement. Une incertitude permanente qui explique pourquoi, au-delà de la crainte de la maladie chez une clientèle globalement âgée et donc plus vulnérable, les ventes de croisières se sont effondrées.

Tous les armateurs concernés, d’autres annonces étant attendues

La problématique valable pour l’ensemble des armateurs, d’autant que la saison méditerranéenne va débuter et qu’il s’agit de la principale destination estivale de l’industrie de la croisière. Cette zone cumule à elle seule près de 20% de tous les passagers passant chaque année des vacances sur un paquebot, ce chiffre montant à plus de 30% en ajoutant le reste de l’Europe, où environ 150 navires de croisière sont exploités sur l’année, en majorité d’avril à octobre.

Il y a donc fort à parier que l’initiative de Costa ne soit que la première d’une série. On peut notamment imaginer que la compagnie italo-suisse MSC Cruises, qui exploite également un paquebot géant en Méditerranée occidentale (le MSC Grandiosa) avec à bord aussi une part importante de clientèle italienne, adopte les mêmes mesures. Tout comme les armateurs américains appelés à exploiter prochainement des paquebots dans la zone.

Comme c’est le cas en Asie depuis le mois dernier, une partie de la flotte de paquebots pourrait donc être désarmée temporairement. Tout dépendra de l’évolution de l’épidémie, du fait que la quarantaine italienne aille éventuellement au-delà du 3 avril et de mesures similaires que pourraient éventuellement prendre d’autres pays européens. La situation aux Etats-Unis, où le Covid-19 se développe rapidement désormais, est aussi à suivre de près. Suite aux premiers cas avérés de coronavirus sur un paquebot exploité depuis un port américain, le Grand Princess en Californie, les autorités américaines ont déjà déconseillé à la population de partir en croisière le week-end dernier. Le ministère français des Affaires étrangères en a fait de même hier.

Aucune région du monde épargnée

A cela s’ajoutent tous les problèmes rencontrés sur différents itinéraires, notamment dans la zone des Caraïbes, de l’océan Indien, du Pacifique, où les paquebots sont refoulés à la moindre suspicion de coronavirus. Sans compter la crainte de populations locales qui réclament l’interruption des escales dans différentes îles. A cela s’ajoutent la mise en quarantaine de passagers venant de pays considérés à risques, des Italiens bien sûr mais aussi d’autres nationalités, y compris des Français dans certaines régions ; ou encore des difficultés de plus en plus importantes pour rejoindre certaines destinations compte tenu de l’annulation de milliers de vols. Désormais, l’essentiel des destinations croisière est sujette à difficultés.

La croisière traverse sa plus grave crise depuis 2001

Tout cela plonge l’industrie de la croisière dans la crise la plus grave de son histoire depuis celle qui avait suivi les attentats du 11 septembre 2001, lorsqu’il avait fallu immobiliser une grande partie de la flotte en raison de l’interdiction des liaisons aériennes aux Etats-Unis pendant plusieurs semaines. Entre croisières annulées, gestes commerciaux et autres dédommagements, plongeon des réservations et surcoût des mesures sanitaires supplémentaires déployées par les compagnies depuis le début de la crise, les pertes pour le secteur sont énormes. Et il en va de même pour toute l’économie qui gravite autour des paquebots et de leurs passagers.

A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles

Alors que les trois leaders du secteur, Carnival Corporation (dont Costa est une filiale), Royal Caribbean Cruises Ltd (RCCL) et Norwegian Cruise Line Holding (NCLH) ont perdu la moitié de leur valorisation boursière en moins de deux mois, des mesures fortes commencent à être annoncées pour rassurer actionnaires et investisseurs, dont la confiance est essentielle pour survivre à cette tempête. RCCL a par exemple annoncé hier un plan pour dégager 1.7 milliard de liquidités en 2020. Cela va notamment passer par des économies sur les coûts opérationnels et un report de certains investissements.

Dans ce contexte, la décision de Costa parait à la fois courageuse et emprunte de sagesse. Il est en effet préférable, et moins coûteux, de mettre des navires à l’arrêt dans les zones les plus touchées, plutôt que s’acharner à naviguer dans des eaux aussi risquées.

Il reste maintenant à voir combien de temps tout cela va - et peut - durer.

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