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Il est des territoires si lointains qu’ils ont longtemps semblé n’exister qu’à travers les récits des voyageurs. L’espoir d’un retour pour ceux restés à terre, l’attente interminable et enfin, dans le meilleur des cas, la réapparition de l’être cher que les océans recrachent après de longs mois de navigation.

Durant des siècles, les hommes se sont transmis ces histoires. Ils ont relaté les rencontres et les défis multiples qu’il aura fallu franchir pour rejoindre d’autres hommes, de l’autre côté des océans, et surtout pour en revenir sain et sauf. Mais celui qui est parti ne rentre jamais tout à fait le même. Il a vu, il a senti, il a appris. Il a vécu d’autres terres. Il relate, il fascine et crée des vocations. Il alimente les rêves, il hante les songes. Il forge des mythes.

Avec le temps, les évolutions technologiques ont fait fondre les distances, rapproché les hommes, confondu les histoires et brassé les cultures. Les villes deviennent des points sur une carte d’un monde qui ne paraît plus si vaste que cela. Des points que l’on coche ou sur lesquels ont appose une étoiles comme pour dire : « fait » ! Mais pour autant, certaines étoiles brillent, aujourd’hui encore, toujours un peu plus que d’autres.

Il est, enfin, des cités dont le simple fait d’évoquer le nom ouvre un imaginaire où crépitent images, phantasmes et souvenirs de récits d’aventures. En fonction des cultures, ces territoires mythiques varient et en dresser une liste serait bien impossible. Mais quand l’Asie permet la découverte d’Halong et de sa célébrissime baie, des temples d’Angkor ou des sommets de l’Himalaya, quand l’Afrique offre l’infini Sahara, la savane et sa faune sauvage unique, les pyramides millénaires d’Egypte ou encore Bonne-Espérance, l’Amérique du Sud possède entre autres mythes Valparaiso et son port, l’époustouflante cordillère des Andes, les montagnes déchirées d’Ushuaia et rien de moins que « le bout du monde » symbolisé par le redouté Cap Horn.

Peu de voyages permettent, aujourd’hui encore, de toucher plusieurs de ces lieux mythiques en seulement quelques jours. C’est ce que nous proposons de découvrir lors d’une croisière en Patagonie en 8 étapes. De Santiago du Chili en passant par la Terre de Feu, des glaciers reculés aux eaux sombres du Détroit de Magellan, du Cap Horn à la latino-européenne Buenos Aires, nous vous proposons d’explorer une part de l’Amérique du Sud et la Patagonie maritime.

 

 

Santiago : première étape du voyage

La première découverte de Santiago commence par la vision aérienne qui s’offre aux passagers quelques minutes avant d’atterrir. Le voyage est long, c’est certain. Mais assurément la vue en vaut la peine. Que l’on en profite depuis le hublot ou via les caméras du Dreamliner qui assure la liaison Sao Paulo-Santiago, le survol de la cordillère des Andes est un premier grand moment de ce « voyage au bout du monde » que promet l’opérateur français Rivages du Monde. Ce dernier organise cette croisière en privatisant l’un des navires de l’armateur chilien Cruceros Australis.

Santiago est implanté au pied de la Cordillère, au cœur de la Vallée Centrale qui abrite non seulement près de 80% de la population du Chili mais aussi les plus grandes industries. Avec plus de 5 millions d’habitants, la ville de Santiago accueille un peu moins du tiers des habitants du pays, qui en compte 17.5 millions. La région métropolitaine de Santiago, qui entoure la capitale, en dénombre 7 millions et englobe notamment l’aéroport Arturo Merino Benitez, le principal aéroport international du pays, par lequel les clients de Rivages du Monde font leur entrée au Chili après 18h de voyage.

La fin d’un trajet aller de plus de 11.000 km, débuté à Paris où les passagers ont été pris en charge et qui s’achève dans la capitale chilienne après une escale de 2 heures au Brésil, à Sao Paulo. Mais avec un vol de nuit décollant à 23h, la fatigue ne se fait pas trop ressentir à l’arrivée à Santiago malgré un décalage horaire de -4h (d’octobre à mars). En revanche, la chaleur, elle, est bien présente et l’écart entre le climat hivernal français et les températures chiliennes représente un bond d’environ 25 degrés. La confirmation, si besoin était, que durant ce voyage entre Pacifique et Atlantique, les températures ne cesseront de faire le grand écart.

 

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© MER ET MARINE - KEVIN IZORCE

Vue d'une partie de Santiago depuis la colline San Cristobal (© MER ET MARINE - KEVIN IZORCE)

 

Le Chili ne demandant pas de visa pour les ressortissants français, les procédures d'entrée sur le territoire sont assez légères. Néanmoins, la file d'attente s'étire régulièrement avant le contrôle d'immigration et les bagages se font parfois attendre. La patience est donc de mise, surtout si l'on a omis de déclarer fruits ou produits frais trainant dans les bagages. A éviter donc, particulièrement lorsque l'on voyage en groupe.

La capitale chilienne offre de nombreuses merveilles à visiter, de parcs où flâner et de bars où déguster une « chicha » (boisson fermentée à la pomme) ou un « pisco sour ». Ce célèbre cocktail chilien (mais également péruvien et bolivien) mélange avec douceur jus de citron, sirop de canne, œuf en neige, angostura et bien évidemment pisco, eau-de-vie de vin produite en Amérique du Sud.

L’un des passages obligés pour découvrir l’ambiance de la ville est le « mercado central », le marché central situé dans un ancien hall d’exposition inauguré en 1872. Le lieu est souvent considéré comme touristique puisque sa superbe architecture métallique construite par une société écossaise figure dans tous les guides. Le véritable marché local n’est en effet qu’à quelques dizaines de mètres et beaucoup plus important. Néanmoins, le lieu en lui même fait du marché central un pôle d’attraction évident. Au cœur de ce lieu, de nombreux restaurants proposent une cuisine locale et souvent de qualité. Comme tous les marchés, il grouille un peu de monde et il est parfois difficile de se frayer un chemin à travers les stands des poissonniers qui s’étalent tout autour du marché couvert. Au milieu des fruits de mers, c’est une plongée immédiate dans les couleurs et les odeurs d'une grande poissonnerie.

A quelques kilomètres de là, un autre exemple d’architecture métallique est à voir : la gare centrale signée Gustave Eiffel.

 

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© MER ET MARINE - KEVIN IZORCE

Le "mercado central" de Santiago (© MER ET MARINE - KEVIN IZORCE)

 

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Le cœur de la ville est à découvrir en sillonnant les ruelles et une petite promenade à pied conduit facilement jusqu’à la Place d’Armes, la place principale de Santiago. Lieu symbolique et théâtre quotidien de nombreux rassemblements, c’est là que se trouve le point d’où sont calculées les distances dans tout le pays. De nombreux bâtiments anciens bordent cette esplanade dont la cathédrale de Santiago, construite à partir de 1748. A l'entrée de l'édifice religieux est disposé un bénitier en permanence sec. Juste au-dessus, deux mains sculptées laissent s'écouler l'eau bénite goutte après goutte, à quelques secondes d'intervalle. Majoritairement catholiques, les Chiliens accordent une place très importante à la religion dont les valeurs conservatrices ont encore de l'influence sur la politique du pays.

Une politique qui trouve son siège à un kilomètre de là, à « La Moneda », le palais présidentiel. Surplombant la Place de la Citoyenneté, la belle façade blanche construite par les Espagnols à la fin du XVIIIème siècle rappelle l’époque où le bâtiment servait d’hôtel des finances et où était frappée la monnaie, d’où le surnom de l'édifice (« moneda » signifiant monnaie).

Ce palais fût notamment le lieu de la disparition de Salvador Allende, président de la République du Chili, qui se suicide, officiellement, en 1973 lors du coup d’Etat mené par le futur dictateur Augusto Pinochet. Une statue d’Allende marchant drapé dans le drapeau chilien trône près de la façade nord du siège du gouvernement.

Avant que la journée s’achève par un incontournable « asado » (barbecue chilien) ou dans l’un des nombreux restaurants de grillades, les « parilladas », un détour par la colline San Cristobal s’impose. Située au cœur de Santiago, ce cerro (colline) de 860 mètres de hauteur permet de contempler aussi bien la cordillère des Andes que le cœur historique de la ville ou les nouvelles terres que l’urbanisation grappille peu à peu, faisant émerger tours de verre et centres commerciaux ultra-modernes. San Cristobal est surmontée d’une grande statue de la vierge de 14 mètres de haut. La colline est accessible en bus, à pied ou par un funiculaire. Elle trône au centre du quartier bohême de Santiago, Bellavista, lieu idéal où passer la soirée au son des guitares, accordéons et des percussions locales tels les panderos, tormentos ou les fameux tambours sud-américains, les bombos.

 

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La route 68 raconte un peu du Chili

Le jour suivant est consacré aux villes de la côte, à 120 kilomètres de Santiago, avec la découverte de Viña del Mar et bien entendu de Valparaiso. Durant les 1h30 de trajet pour rejoindre le Pacifique, le décor et l’atmosphère évoluent considérablement et à une vitesse étonnante. En empruntant la route 68, après avoir franchi la rivière Mapocho, on croise tour à tour ghettos ultra sécurisés pour riches, mines de cuivre, vallons et vignes, ou encore de tristes et sombres forêts carbonisées par les terribles incendies de ces dernières années. La route 68, c'est la route du week-end, celle que l'on prend pour aller à la mer. Ou plutôt, pour rejoindre l'océan: le Pacifique.

Des quartiers résidentiels huppés ont colonisés le pied des montagnes ou des collines, comme dans la ville de Colina. Des villes dans la ville prennent forme depuis le début du XXIè siècle. Au nord, des quartiers comme Piedra Roja ou Valle Norte ont par exemple été modelés pour accueillir chacun plus de 50.000 habitants. Et les projets se multiplient depuis une petite vingtaine d’années. Les entreprises immobilières tracent, avec l’aide de l’Etat, des autoroutes privées pour relier leurs zones résidentielles à l’agglomération de Santiago. Au détriment de toute mixité sociale, le centre-ville se vide de ses habitants fortunés qui s’établissent à l’écart de la capitale, "à l’abri" dénoncent certains Chiliens.

D’une autre manière, l’agglomération se développe très rapidement et ne semble trouver ses limites qu’à flanc de colline, comme avec les villes du Gran Santiago. La seule ville de Maipu a gagné 270.000 habitants en 20 ans. Une nappe urbaine qui s’écoule chaque année un peu plus le long de la route 68.

 

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Un peu plus loin, la montagne présente un visage creusé. Exploitée à partir de 1980, elle est fatiguée. Des tas de roches patientent depuis 2010 et verdissent au contact de l’air. Il s’agit de la mine de cuivre Lo Aguirre. Une mine à ciel ouvert située à seulement 8 km de l’agglomération de Santiago. Aujourd’hui fermée, il est envisagé de l’utiliser comme lieu d’étude pour les jeunes de la capitale, voire un jour en attraction touristique. Une manière peut-être de rappeler au monde que le Chili est le premier exportateur mondial de cuivre. Bien plus au nord, à 1500 km de la capitale, dans le désert d’Atacama, la plus grande mine à ciel ouvert du monde, Chuquicamata, concentre à elle seule 13% des réserves mondiales de cuivre.

Le long de la route 68, le climat ne cesse de surprendre. Il suffit de s’engouffrer dans un tunnel de quelques centaines de mètres pour passer du plein soleil à un épais brouillard. Une brume due à la proximité de la mer et au paysage vallonné façonné par la cordillère côtière. Un microclimat qui favorise les nombreux vignobles parsemés à travers la vallée de Casablanca et, plus bas, celle de San Antonio. Depuis trois décennies, ces deux vallées sont les grandes régions des vins blancs du Chili.

Le Chili a tenu un rôle important dans la préservation des cépages français suite à l'invasion de phylloxéra en Europe. De nombreux cépages hexagonaux avaient été importés à partir de la fin des années 1830 et ont ainsi été sauvés pour être réimplantés plus tard. Avec Chypre, le Chili est l'un des très rares pays à avoir été épargné par l'insecte parasite.

L’air du Pacifique influence les températures dans toute la région et offre un climat tempéré souvent plus agréable qu’à Santiago. S’il faut toujours s’attendre à perdre 5 à 6 degrés en journée lorsque l’on passe de Santiago à Valparaiso, il fait invariablement plus chaud dans la cité portuaire la nuit ou durant l’hiver. N’oublions pas que les premières stations de ski ne sont qu’à une quarantaine de kilomètres de la capitale.

L’été, en revanche, les températures peuvent grimper et créer un terrain propice au développement du feu. Quasiment chaque année, Valparaiso et sa région sont touchés par de violents incendies.

 

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Le château Wulff de Viña del Mar devant le port de Valparaiso (© MER ET MARINE - KEVIN IZORCE)

 

Viña del Mar, station balnéaire de Valparaiso

S’il est assez aisé de deviner l’origine du nom de la ville (« Viña » : la vigne/ « Mar » : la mer), il faut avouer que la cité balnéaire de Valparaiso est assez méconnue en Europe. Le grand port de tous les fantasmes voisin l’aura absorbé dans son ombre.

Pourtant, la population de Santiago s’y presse tous les week-ends pour littéralement changer d’air. Loin de la pollution urbaine, le vent venu de l’océan et le fleuve Marga Marga, qui divise la ville en deux, assurent une fraîcheur bienvenue à celle que l’on surnomme « la ville jardin ».

Avec plus 300.000 habitants, Viña del Mar est forte de ses casinos et de son attractivité touristique. Elle est d’ailleurs parfois considérée comme la capitale touristique du Chili. Quoi qu’il en soit, elle en est au moins l’un des pôles essentiels. Son bord de mer et ses plages font le bonheur des touristes qui se pressent pour découvrir la ville en calèche. De nombreuses statues et œuvres d’art sont disséminées dans la ville. Les Français retiennent particulièrement la statue de bronze d’Auguste Rodin, La Defensa, près du Palais Carrasco. Tout près de là, une statue d’un tout autre genre attire le regard. Il s’agit d’un véritable Moaï de 2.81m de haut en provenance de l’île de Pâques. En effet, bien que l’île soit située à 3680 kilomètres des côtes chiliennes, elle est l’une des provinces de la région de Valparaiso, par laquelle elle est administrée.

 

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La ville accueille également la résidence d’été de la Présidence de la République, le Cerro Castillo. En contrebas du palais présidentiel, le Château Wulff baigne les pieds dans l’eau. Constamment entouré d’oiseaux, principalement des cormorans et des pélicans, ce bel édifice du début du XXème siècle est classé monument historique. La présence, au second plan, des collines de Valparaiso et des paquebots en escale en font l’une des vues les plus fameuses de Viña del Mar avec la célèbre horloge fleurie créée à l'occasion de la coupe du monde de football de 1962.

 

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Valparaiso (© MER ET MARINE - KEVIN IZORCE)

 

Valparaiso armée de couleurs pour combattre la brume

Jusque là, la « Vallée paradis » ne s’est laissée entrapercevoir qu’à travers quelques meurtrières formées par des immeubles, qu’aux détours de routes sinueuses ou par des interstices de verdure. Derrière les vitres du bus, elle est difficile à distinguer dans son ensemble. Il faut se tortiller, se lever, s’étirer pour l’entrevoir, pour voler un bout de paysage et satisfaire sa curiosité.

Une curiosité tout ce qu’il y a de plus saine, forgée par des années de lectures, de chants de marins et de récits de voyages. C’est donc ici. C’est donc cela. Valparaiso.

Une ville-poème, pourrait-on penser. Pablo Neruda et tant d’autres l’avaient compris. Outre son « Ode à Valparaiso », qui a ô combien dépassé les frontières de la cité portuaire, il résumait simplement son amour pour « sa » ville : « Si nous parcourons tous les escaliers de Valparaiso, nous aurons fait le tour du monde ».

Une jolie manière d’exprimer le brassage culturel permanent, l’ambiance un peu folle, l’architecture incohérente et l’explosion des sens qui affecte le visiteur en parcourant ses ruelles. Les langues venues du monde entier s’entremêlent dans l’oreille qui les capte, les couleurs se reflètent par milliers dans les yeux qui se posent sur les façades de tôles ondulées, un peu plus loin les musiques surgissent et font danser de l’autre côté des fenêtres entrouvertes.

Valparaiso est tout et son contraire à la fois. D’un aspect fragile, perchée sur ses collines soumises aux feux, aux tremblements de terre, aux intempéries et colères du Pacifique, elle dégage pourtant l’impression d’une ville éternelle. Une ville où le temps a oublié de s’attarder. Ou n’a pas voulu. Une ville présente, marquée, qui laisse son empreinte dans le visiteur qui la parcourt. Une ville possessive, jalouse, qui ferait tout pour qu’on ne détourne pas le regard d’elle et qu’on en oublie les autres.

Pour en apercevoir les traits, longtemps il a fallu patienter, des semaines voire des mois. Il a fallu traverser l’océan, la désirer tant et tant qu’elle donnerait tout pour se faire mériter.

Une fois qu’on la pénètre, Valparaiso s’offre et se révèle généreuse. Qu’elle se donne sous un ciel bleu éclatant ou plongée dans une épaisse brume, il est impossible qu’elle laisse indifférent.

 

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Valparaiso (© MER ET MARINE - KEVIN IZORCE)

 

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Alors évidemment, comme tant d’autres villes et en particulier de grands ports de la Méditerranée, à l’image de Marseille, Naples, Palerme ou Gênes, Valparaiso a ses amoureux et ses détracteurs. On l’adore ou on la déteste, parfois pour les mêmes raisons. Oui l’anarchie architecturale ne rend pas la lecture de la ville facile et on a peine à en définir les contours exacts. Oui les chiens errants tiennent la cité et s’organiseraient presque en mafia pour défendre leur quartier. Oui nombre de façades sont couvertes de graffitis. Et quels graffitis ! Oui la ville est souvent plongée dans une brume persistante, lourde, qui a toutes les difficultés du monde à s’évanouir dans les hauteurs. Oui l’eau du Pacifique n’est pas réputée pour sa chaleur. Oui quelques bâtiments mériteraient un peu d’entretien et oui, certaines ruelles où les bars côtoient les poissonneries se laissent quelque peu envahir par les effluves du port.

 

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Les graffitis sont de vraies oeuvres d'art (© MER ET MARINE - KEVIN IZORCE)

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Dans les collines de Valparaiso (© MER ET MARINE - KEVIN IZORCE)

 

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En réalité, plusieurs villes dans la ville s’imbriquent pour former Valparaiso. Une seule cité mais plusieurs âmes. Les parties basses, près du port et de l’océan, forment la ville qui travaille, qui consomme. Les bars et commerces s’y regroupent. Dans les collines, une autre vie s’organise. Souvent un peu toute seule. Des associations ouvrent des lieux de vie, des communautés se créent, les idées s’associent sous diverses formes artistiques ou alternatives. De toute façon, les casitas, les maisons recouvertes de tôles ondulées, s’emmêlent les unes dans les autres. La vie en communauté s’impose quasi d’elle-même et il est difficile de ne pas connaître les ragots de la maison voisine. Le lien s'effectue grâce à des dizaines d'escaliers aux marches irrégulières, souvent peintes, ou par les célèbres funiculaires qui arpentent inlassablement les flancs des collines, les cerros. Ces "ascensores", ces ascenseurs ou plutôt funiculaires, sont encore aujourd'hui une quinzaine en service, le plus ancien datant de 1883.

Tous les cerros, 42 au total, ont leur propre identité. Les casitas ont poussé au fur et à mesure sans réelle organisation visuelle. Il serait d’ailleurs bien difficile de parler de l’architecture de Valparaiso sans mettre le mot au pluriel. Les influences, innombrables, sont autant de souvenirs et de bout de culture rapportés des quatre coins du monde.

 

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Les façades de tôles ondulées (© MER ET MARINE - KEVIN IZORCE)

 

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Cet urbanisme anarchique, cette architecture informelle dans les hauteurs, est en complète opposition avec le quadrillage de la ville basse. Un ensemble étonnant, classé depuis 2003 patrimoine culturel de l’humanité par l’Unesco. Un héritage de l’époque où Valparaiso était à son apogée.

Avant tout port de Santiago dès le XVIème sicèle, la ville connaît son âge d’or durant la seconde moitié du XIXème siècle. Valparaiso était alors l’escale incontournable de tous les navires qui franchissaient le détroit de Magellan pour relier l’Atlantique au Pacifique. Mais l’inauguration du canal de Panama, en 1914, va sonner le début du déclin pour la cité portuaire surnommée le « Joyau du Pacifique ». La distance entre New York et San Francisco est réduite de moitié. La plupart des navires n’ont alors plus besoin de risquer le passage par le sud et se détournent peu à peu du port chilien.

Sa célèbre baie surplombée par les cerros en amphithéâtre se vide peu à peu de ses navires de commerce.

 

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La baie de Valparaiso (© MER ET MARINE - KEVIN IZORCE)

 

Le premier port conteneurs et passagers du Chili

En contrebas des cerros aux mille couleurs, un des funiculaires débouche près du port. En même temps, tout tourne autour du port ici. Il est depuis toujours la raison d’être de la cité. Si Valparaiso est la seconde ville du Chili grâce à sa métropole, avec 800.000 habitants dans son agglomération et 276.000 dans sa commune, son port (conteneurs et passagers) est le plus important du pays. Entre 850.000 et 1 million de boites y transitent chaque année et près de 10 millions de tonnes de fret.

Portant à 1.15 million d'EVP (taille standard du conteneur) par an la nouvelle capacité du seul terminal 2, le projet d’aménagement du port, en cours, prévoit d’augmenter considérablement les capacités pour 2017. Certaines phases du projet se heurtent néanmoins actuellement à des oppositions liées au classement à l’Unesco d’une partie de la ville.

 

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Le port de Valparaiso (© MER ET MARINE - KEVIN IZORCE)

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Le port de Valparaiso (© MER ET MARINE - KEVIN IZORCE)

 

L’activité croisière, elle, y est stable avec une quarantaine d’escales de paquebots durant la saison et des pics de fréquentation des quais en janvier, février et mars. Sur la saison 2015-2016, près de 94.000 passagers ont ainsi pu voir se détacher les cerros de Valparaiso depuis la mer. Une arrivée dans ce port mythique à vivre au moins une fois.

 

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Ambiance sur le port de Valparaiso

 

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Dock flottant sur le port de Valparaiso (© MER ET MARINE - KEVIN IZORCE)

 

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L'Armada chilienne

Le port de Valparaiso accueille également le siège de la marine chilienne, l’Armada, forte de près de 25.000 militaires. Aujourd’hui, elle assure la protection de la zone maritime nationale, parfois remise en cause comme en 2005 par le Pérou.

La flotte aligne notamment trois anciens bâtiments de la Royal Navy, une frégate du type 22 et trois du type 23, ainsi que quatre ex-néerlandaises : deux de type L (Jacob van Heemskerch) et deux autres de type M (Karel Doorman). Elle possède en outre deux pétroliers et deux remorqueurs de haute mer. Ses sous-marins se chiffrent à quatre, dont deux de la classe « Scorpene » réalisés en France et en Espagne, ainsi que deux du type allemand 209/1400. Le reste de la flotte comprend différents patrouilleurs, dont des unités lance-missiles des types Saar IV et La Combattante II, l'ancien transport de chalands de débarquement français Foudre, devenu Sargento Aldea en 2011 ou encore deux bâtiments de transport léger cousins des Batral de la Marine nationale. 

Enfin, l'Armada exploite un ancien brise-glace canadien, le Contra-almirante Oscar Viel Toro, qui doit être remplacé en 2021 par une unité neuve commandée au constructeur norvégien Vard. 

 

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La frégate Almirante Cochrane, du type 23, rentre à Valparaiso (© MER ET MARINE - KEVIN IZORCE)

 

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Un officier de marine, justement, est à l’honneur sur la place Sotomayor, le cœur de Valparaiso. Un monument commémoratif de la bataille navale d’Iquique se dresse au cœur de la place et abrite depuis 1888 le corps d’Arturo Prat. Ce capitaine chilien est devenu héros de la nation après que sa corvette en bois, « l’Esmeralda » première du nom, fut coulée en 1879 devant Iquique par le navire péruvien Huascar. Cette bataille navale est un moment important de la guerre du Pacifique qui opposa de 1879 à 1884 le Chili à une alliance formée par le Pérou et la Bolivie.

De nos jours, alors que l'une des frégates chilienne porte le nom de Capitan Prat, le voilier-école Esmeralda est régulièrement présent dans son port d’attache. Sixième navire à porter ce nom, ce beau quatre-mâts de 113 mètres sert entre autres de centre de formation pour les élèves-officiers de la marine chilienne. Lancée en Espagne en 1953, l'Esmeralda est cédée au Chili en guise de remboursement suite à des dettes contractées durant la guerre civile espagnole. Sa longue carrière est ternie à partir de 1973 et l’arrivée du général Pinochet au pouvoir. Le voilier sert alors de prison et de centre de torture pour les prisonniers politiques qui s’opposent au dictateur chilien. Des années sombres qui valent au navire-école d’être régulièrement l’objet de manifestations de la part d’exilés chiliens lors de ses escales à travers le monde.

 

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Si, lors de ce voyage, une seule journée est consacrée à Valparaiso, il faut évidemment considérer cela comme une invitation à revenir pour y déguster à nouveau un ceviche de fruits de mer marinés, visiter le musée maritime national ou le palacio Baburizza, découvrir de nouveaux cerros ou simplement flâner dans les ruelles propices aux rencontres en tous genres.

 

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Le Palacio Baburizza (© MER ET MARINE - KEVIN IZORCE)

 

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Aujourd’hui, certaines casitas ont laissé la place à des petits magasins de souvenirs ou d’artisanat plus ou moins local. Certaines maisons deviennent chambres d’hôtes et les touristes prennent toujours un peu plus la place des habitants des cerros. Les bars à marins accueillent davantage de jeunes touristes en quête de wifi pour trouver le bon plan où passer la nuit.

Mais en même temps, si Valparaiso nous faisait rêver, ses habitants eux rêvaient du restant du monde entier. Ils en ont longtemps eu qu’une image tronquée, colportée par les marins habitués à traverser les océans. Avec l’arrivée du tourisme, la ville a découvert un pan plus important de la société et s'est davantage encore ouverte au monde. Ce qui a toujours été sa vocation finalement.

En 2016, on ne se fait plus poser un anneau à l’oreille pour clôturer un long voyage vers le grand port chilien. On prend l’avion pour le rejoindre en moins d’une journée. Mais si le voyage n’a plus le goût d’aventure qu’il a pu avoir, la destination, elle, reste mythique.

 

La cordillère des Andes comme repère avant Punta Arenas

Après l’atmosphère latine de Santiago et Valparaiso, il est désormais temps de rejoindre le but premier de ce voyage : la Patagonie. Un vol de près de 2200 km qui offre durant 3h30 une vue époustouflante sur la cordillère des Andes. Le Chili porte décidemment bien son titre de "pays le plus long du monde". Parfois le pilote se permet quelques mouvements d’appareil pour assurer à tous les passagers la meilleure vue possible. Dans tous les cas, le survol des sommets enneigés et des glaciers se jetant dans la mer, peu de temps avant l’atterrissage, impressionne. Les passagers observent et le silence se fait dans l’avion qui descend sur Punta Arenas.

Chacun commence à se rendre compte, à plus de 13.000 km de Paris, de la chance qu’il a d’assister à ce spectacle et de venir dans ces terres lointaines. Si lointaines…

 

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© MER ET MARINE - KEVIN IZORCE

Les glaciers se formant dans la cordillère des Andes (© MER ET MARINE - KEVIN IZORCE)

 

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Punta Arenas : porte d'entrée du bout du monde

Punta Arenas est la capitale de la région de Magallanes et de l’Antarctique chilien. Ses 130.000 habitants connaissent les rudes hivers et le vent glacial. La végétation s’adapte et se fait parfois rare. Cela se voit depuis l'avion sur les derniers kilomètres avant l'atterrissage.

Pourtant, ici, on connaît bien le soleil. On ne le connaît que trop bien même et on sait ses dangers. En effet, le trou de la couche d’ozone est tout près, au-dessus de l’Antarctique. Cet amincissement de l’épaisseur de la couche, entre 15km et 20 km d’altitude, est mouvant, instable, et ses limites viennent parfois frôler Punta Arenas. Durant le printemps austral, la quantité d’ozone diminue de 30% à 50%. Les habitants du bout du monde subissent un trou dans la stratosphère formé par le restant de la planète. Ils sont alors obligés de se protéger, de s’exposer le moins possible au soleil.

 

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© MER ET MARINE - KEVIN IZORCE

Punta Arenas (© MER ET MARINE - KEVIN IZORCE)

 

L’histoire de Punta Arenas est bien entendu étroitement liée à celle du détroit de Magellan.

Le 1er novembre 1520, le jour de la Toussaint, Ferdinand de Magellan et son expédition entrent dans un détroit qu’ils baptisent « Estrecho de Todos los Santos », le « Détroit de tous les Saints ». L'explorateur portugais ne sait évidemment pas encore que cette découverte portera son nom par la suite.

Près de cinq semaines plus tard, il atteint l’océan Pacifique qu’il nomme ainsi à la vue de cette étendue d’eau particulièrement calme ce jour là. Un océan bien mal nommé.

Magellan, agissant pour le compte du roi Charles Quint, inaugure ainsi pour l’Espagne une nouvelle route par l’Ouest qui sera désormais particulièrement convoitée, notamment par la Grande Bretagne. Après une incursion violente et remarquée du corsaire anglais Francis Drake sur la côte Pacifique, facilitée par son passage dans le détroit, les Espagnols voient leurs nouvelles terres exposées à toutes les attaques de leurs adversaires. Ils initient alors une nouvelle expédition colonisatrice en 1581 dans le but de fonder deux villes en Terre de Feu.

Une idée malheureuse qui causa la perte de la quasi-totalité des 3000 personnes qui tentèrent l’aventure. Seules 500 survivants et 5 bateaux sur 23 arrivèrent à bon port après un an et demi d’une traversée interminable. Les deux nouvelles cités fondées sous la bannière espagnole ne tardèrent finalement pas à souffrir de l’hostilité du territoire qu’elles tentaient de coloniser. A tel point que leurs habitants moururent de faim et finirent abandonnés à leur sort par la couronne.

S’en suivent deux siècles et demi avant de voir de nouvelles tentatives de coloniation. Entre temps, une nouvelle nation a été formée en 1810, le Chili. Cet Etat indépendant conçoit une nouvelle colonie dès 1843 mais une fois encore, les conditions de vie paraissent trop difficiles. Il faudra alors attendre fin 1848 pour que la colonie de Punta Arenas soit créée, plus au nord.

D’abord destinée à recevoir des prisonniers dans une garnison militaire, la ville accueille petit à petit durant des dizaines d’années des colons attirés par l’extraction du charbon ou la chasse des mammifères marins.

Comme Valparaiso, la ville se développe grâce aux nombreux passages de bateaux par le détroit de Magellan jusqu’à l’ouverture du canal de Panama. Néanmoins, l’élevage prend une place de plus en plus essentielle dans la région à partir des années 1970 et le port gagne en importance. D’autant que pétrole et gisements de gaz ont créé de nouvelles richesses dans cette zone au premier abord si isolée.

Depuis, Punta Arenas règne sur le détroit de Magellan. Au centre de la ville se dresse un mémorial consacré à Ferdinand de Magellan. Le monument est connu pour l'une de ses statues, celle d'un indigène local dont la légende veut que le visiteur qui vient dans la ville pour la première fois doit embrasser le pied s'il souhaite y revenir. Le polissage du pied nu de la statue confirme que la légende est suivie.

 

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Le transfert entre l'aéroport et le navire dure une trentaine de minutes. Les regards cherchent et alternent entre cette terre au nom magique qui se laisse apercevoir de l'autre côté de l'eau, la Terre de Feu, et le bateau qui apparaît peu à peu. Jusque là effectuées sur le Via Australis, les croisières de Rivages du Monde en Patagonie ont désormais lieu sur le Stella Australis, de la compagnie chilienne Cruceros Australis. Un navire un peu plus gros que précédemment, avec 89 mètres de long et commercialisé pour 194 passagers, mais plus récent et confortable. En effet, le Stella Australis a été construit en 2010. Il se démarque par un pont supplémentaire et la vue exceptionnelle qu’offrent de larges sabords situés dans ses confortables cabines, certaines proposant carrément des ouvertures, véritables fenêtres, sur toute la hauteur du pont. Comme toujours, ces voyages sont entièrement francophones.

La croisière que nous vous proposons de découvrir a été effectuée à bord des deux navires. Ce reportage n’est pas une publicité et présente une découverte de la Patagonie à travers un itinéraire qui est susceptible d’évoluer chaque année. Le Stella Autralis fait aujourd’hui un itinéraire légèrement différent de celui que faisait le Via Australis et certaines excursions ne sont par exemple réalisées que dans le cadre des affrètements de Rivages du Monde. Plusieurs opérateurs touristiques peuvent proposer des voyages semblables et des escales différentes.

 

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© MER ET MARINE - KEVIN IZORCE

Le Stella Australis affreté par Rivages du monde (© MER ET MARINE - KEVIN IZORCE)

 

Après les procédures dans le petit terminal du port de Punta Arenas, les passagers sont enfin autorisés à embarquer. Bientôt, la silhouette de Punta Arenas s'évanouira sous la lumière du soleil couchant, internet n'existera même plus, les barres de réseau du téléphone s'effaceront peu à peu.

Chacun a conscience d'être à bord d'un navire avec, pour destination, rien de moins que le bout du monde...

 

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Le Stella Australis (© MER ET MARINE - KEVIN IZORCE)

 

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Une croisière vers la Patagonie à découvrir ici en six volets :

1. la découverte de Valparaiso et Santiago du Chili 

2. le glacier Brookes, la baie Ainsworth et la cordillère Darwin

3. le sanctuaire marin de l'île Carlos III et le Cap Froward

4. quand les glaciers forment une avenue

5. le Cap Horn, la baie Wulaia et Ushuaia

6. Buenos Aires, Tigre et le Rio de la Plata

 

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