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A l’occasion du Seatrade de Miami, l'Association Internationale des Compagnies de Croisières (CLIA) a publié hier ses statistiques sur l’évolution du marché européen. Ce dernier continue de croître, quasiment 6.7 millions d’Européens ayant opté en 2016 pour des vacances maritimes, soit 3.4% de plus qu’en 2015. 

Très dynamique ces dernière années, le marché français, qui avait doublé en l’espace de six ans, accuse en revanche, et pour la première fois, une baisse. Celle-ci est d’ailleurs assez sensible (-6.2%), faisant retomber le nombre de croisiéristes français sous la barre des 600.000, soit 574.000 passagers en 2016 contre 615.000 l’année précédente.

Réduction des capacités et contexte électoral

Cette décrue semble essentiellement liée à une baisse de capacités, avec moins de départs proposés depuis les ports hexagonaux. Costa avait ainsi un navire de moins à Marseille l’an dernier, alors que Croisières de France, qui vient de disparaitre, annulait à l’automne plusieurs départs. S’y sont ajoutés, en fin d’année, les premiers effets de l’attentisme de la clientèle tricolore à l’approche des élections. Ce qui n’est d’ailleurs pas une surprise, l’Hexagone étant connu pour subir un fléchissement de la consommation avant les grandes échéances électorales. « 2016 a été une année charnière pour le développement de l'industrie de la croisière en France où, de toute évidence, les ajustements temporaires de capacité proposée ainsi que des crispations à la consommation structurelles au contexte particulier de notre pays ont eu un impact direct sur la croissance de notre filière », confirme le président de CLIA France. Erminio Eschena se montre néanmoins optimiste pour l’avenir : « Dans un marché aux perspectives de pénétration parmi les plus importantes en Europe où les croisières se sont installées durablement dans l'éventail de choix des vacanciers français, nous regardons avec confiance les années futures grâce à l'excellence de la qualité de l'offre et à la diversité de son contenu ».

Encore deux années peu prometteuses

Cela étant, sauf redéploiements de navires non prévus pour le moment, 2017 et 2018 ne s’annoncent pas non plus comme de grands crus en France puisque de nouvelles réductions de capacités sont à prévoir. La disparition de Croisières de France, qui représentait environ 80.000 passagers, sera difficile à compenser, malgré l’arrivée en juin d’un nouveau paquebot géant au départ de Marseille, le MSC Meraviglia, en cours de construction à Saint-Nazaire et qui s’ajoutera aux unités déjà déployées localement par MSC Cruises. Leader du marché français, Costa, dont un tiers des 15 navires est désormais exploité en Chine, va encore perdre une unité cet été avec le transfert en Asie du neoRomantica. La compagnie italienne, dont le bateau le plus récent date de la fin 2014, devra attendre 2019 pour mettre en service son prochain fleuron. MSC, de son côté, recevra une unité neuve pour l'été 2018 en Méditerranée (le MSC Seaview, repositionné au Brésil à l'automne) et deux en 2019.

L’offre continue de tirer la demande

Moins de bateaux à remplir, c’est aussi mécaniquement une baisse de la pression commerciale et des actions marketing, qui pourraient par exemple se traduire par une réduction des campagnes publicitaires et donc de la visibilité de cette offre de voyages. La croisière, qui s’est démocratisée depuis une décennie et a bien mieux résisté que d’autres segments de l’industrie touristique aux difficultés économiques et sécuritaires, garde néanmoins, pour l’heure, une caractéristique assez spécifique : celle de voir l’offre tirer la demande et non l’inverse. En clair, plus il y a de bateaux et de départs, plus le nombre de passagers à choisir ce type de vacances est important. Et c’est un phénomène que l’on retrouve sur tous les grands marchés européens, comme on le verra ensuite.

C’est ce qui fait dire à Erminio Eschena qu’après un « rééquilibrage » du marché dans les deux ans qui viennent, on devrait assister de nouveau à une forte croissance à partir de 2019 et l’arrivée d’une nouvelle génération de paquebots exploités notamment au départ des ports français. « Les investissements colossaux lancés par les compagnies dans de nouveaux navires tireront l’ensemble de la filière vers le haut dans la prochaine décennie », assure le président de CLIA France.

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

Erminio Eschena (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

Ne pas se contenter des départs nationaux

Les effets de yoyo des marchés liés aux variations de capacités posent néanmoins une question de fond : Comment réduire la dépendance aux départs proposés dans des ports nationaux ? « La croisière est une belle offre, très qualitative et désormais bien installée dans les réseaux de distribution. La proximité des ports de départ, comme Marseille, est fantastique et a été un élément clé pour amoindrir les coûts d’acheminement et créer l’adhésion du public à ce mode de vacances. Toutefois, s’il faut continuer à s’appuyer sur les ports français pour capter les néophytes notamment, nous devrons aussi développer pour ceux qui connaissent et apprécient la croisière des offres plus lointaines, des destinations qui ne sont pas de proximité, en travaillant en particulier sur les packages avec l’aérien ». En clair, il s’agit de décloisonner les différents marchés émetteurs (4 croisiéristes européens sur 5 partent en Europe, en majorité au départ de leur pays) : «  Ce sera je pense l’un des grands défis des années qui viennent, où comment faire en sorte que les Européens découvrent grâce à la croisière autre chose que la Méditerranée, l’Europe du nord et les Caraïbes. Tout comme nous avons défriché le marché asiatique en emmenant cette clientèle en Europe avec l’argument que la croisière permettait de découvrir plusieurs pays en une semaine, il faudra convaincre les Européens de venir avec nous pour découvrir l’Amérique du nord, l’Amérique du sud, l’Afrique du sud, l’océan Indien, les Emirats ou encore l’Océanie ».

A l’instar des clubs de vacances, l’idée est donc de convaincre un nombre croissant de vacanciers de choisir d’abord un voyage en croisière, et ensuite une destination.

L’Allemagne et le Royaume-Uni en forte hausse

Concernant l’Europe, le marché de la croisière poursuit donc globalement sa croissance. L’Allemagne, devenue leader devant le Royaume-Uni en 2015, a confirmé sa position avec une hausse de 11.3%, lui permettant de dépasser la barre des 2 millions de passagers. Cela s’explique par la forte hausse de capacité offerte aux croisiéristes germanophones, avec en particulier l’entrée en service de nouveaux paquebots chez AIDA Cruises et TUI Cruises. Les mêmes causes ont provoqué les mêmes effets sur le marché britannique qui, après avoir reculé en 2014 suite à une réduction des départs depuis l’Angleterre, a progressé de 9% en 2015 et de 5.6% en 2016 grâce au redéploiement de capacités. Il en résulte un record, avec près de 1.9 million de passagers l’an dernier.

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

Le port de Barcelone (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

L’Espagne remonte lentement

L’Espagne, quant à elle, confirme son redressement débuté en 2015 après des années de difficultés liées aux lourdes conséquences de la crise économique sur la péninsule ibérique. Ainsi, en 2016, 486.000 Espagnols sont partis en croisière, soit une hausse de 4.2% par rapport à 2016. Même si l'augmentation des prix est aussi un très bon indicateur, le marché espagnol, encore convalescent, est encore loin d’avoir retrouvé son niveau de 2012 (576.000 passagers).

Italie : 172.000 passagers de perdus depuis 2011

Le marché italien, troisième d'Europe, poursuit quant à lui sa décrue. De 923.000 passagers en 2011, il est tombé à 751.000 l’an dernier, soit une nouvelle baisse de plus de 7% par rapport à 2015. Après avoir souffert du naufrage du Concordia en 2012, ce marché dominé par l’offre méditerranéenne a souffert de la dégradation de la situation sécuritaire au sud et à l’est de la Grande Bleue, limitant l’offre et donc les capacités proposées. Des problématiques d’infrastructures et de règlementations pour les grands paquebots, par exemple à Venise, pèse également sur le déploiement des flottes.

123 navires dans les eaux européennes l’an dernier

Sixième grande zone émettrice en Europe, la Scandinavie et la Finlande ont elles aussi marqué le pas, avec 226.000 passagers en 2016, (-2.2% par rapport à 2015).

Alors que la Méditerranée reste la destination la plus populaire pour les Européens, le nord du continent est de plus en plus prisé. 39 compagnies de croisière ont opéré dans la région l’an dernier, pour un total de 123 navires. En tout, 18% de la flotte mondiale a sillonné la Méditerranée en 2016 et 11% le reste de l’Europe.

Pour 2017, les capacités vont être renforcées par les armateurs, avec 26 nouveaux navires, laissant espérer une poursuite de la croissance européenne.

Pour mémoire, le marché mondial de la croisière devrait se situer autour de 24 millions de passagers en 2016, les projections tablant sur 34 millions à l’horizon 2026.

 

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