Le 6 février, la compagnie alsacienne CroisiEurope annonçait qu’elle avait choisi Saint-Nazaire pour construire ses trois nouveaux navires avec le groupement d’entreprises Neopolia Marine. Alors que les caractéristiques de deux de ces unités demeurent pour le moment secrètes, de même que les régions où elles seront exploitées, le premier bateau, dont la mise en service est prévue en avril 2015, naviguera sur la Loire. Une grande nouveauté pour les croisières fluviales mais aussi un véritable challenge. En effet, si le grand fleuve est pratiqué par les navires de commerce jusqu’à Nantes, la navigation y devient ensuite plus délicate et, au-delà d’Ancenis, est même réputée localement comme impossible pour les gros bateaux. CroisiEurope souhaitant proposer des traversées jusqu’à Angers, il a donc fallu imaginer un navire sur mesure, avec un gabarit calculé au plus juste. Cette pièce unique dans l’industrie sera baptisée Loire Princesse.

Le Loire Princesse (© SDI)
Pour mener à bien ce projet, un important travail a été réalisé avec les spécialistes du fleuve, notamment les équipes de Voies Navigables de France. Les statistiques portant sur la cote et le débit de la Loire, notamment pendant la période d’étiage, ont été passées au peigne fin, afin de déterminer le tirant d’eau maximal permettant une exploitation la majeure partie de l’année, à commencer bien entendu par le printemps et surtout l’été, là où le niveau de la Loire est le plus bas. Dans le même temps, il convenait de gérer la question du tirant d’air, afin de pouvoir passer sous les ponts qui jalonnent le parcours. Ces contraintes ont ensuite été intégrées aux impératifs commerciaux et économiques du projet, qui imposent différents services à bord et un certain nombre de cabines afin de respecter les standards de la compagnie, tout en disposant d’un bateau financièrement viable.
Des roues à aube de nouvelle génération
Le design final porte sur un navire avec coque en acier et superstructures en aluminium de 88.8 mètres de long pour 15.3 mètres de large, avec un tirant d’eau limité à 80 centimètres. Le tirant d’air maximal sera de 7.75 mètres mais il pourra être réduit à 5.3 mètres puisque la cheminée, les mâts et les tauds pourront être rabattus pour le passage sous les ponts les plus bas.
En dehors d’une faible profondeur de coque, l’autre solution actée pour permettre la navigation en Loire est celle des roues à aube. Une technologie ancienne puisque c’est avec elle que les premiers bateaux à vapeur ont pu se mouvoir au XIXème siècle, avant la généralisation de l’hélice. Aujourd’hui, les roues à aube sont devenues très rares. En dehors des bateaux traditionnels du Mississipi, il n’en existe que quelques exemplaires en Europe, dont ceux de la Compagnie des bateaux à roue, à Paris, ou encore en Suisse au sein de la Compagnie Générale de Navigation (CGN), sur le lac Léman. Cette technique s’est imposée pour le Loire Princesse dans la mesure notamment où les hélices risquaient d’être endommagées si le bateau était amené à toucher le fond vaseux ou un banc de sable.

Nouvelle roue à aube pour le Loire Princesse (© SDI)
La conception de nouvelles roues à aube constitue un défi technique puisque ces équipements se caractérisent traditionnellement par des écoulements de surface compliqués et ne sont pas réputés comme faisant partie des systèmes propulsifs le plus efficients, loin s’en faut. « Faire passer la puissance sur des roues à aube n’est pas évident. Elles n’ont pas de gros rendement et il faut se mettre sur les bonnes plages d’utilisation », explique Thibaut Tincelin, directeur de Stirling Design International, le cabinet d’architecture nantais qui a conçu le Loire Princesse, en collaboration avec les bureaux d’études spécialisés Arco Marine, Ship Studio et Hydrocean. Pour mettre au point les nouvelles roues, les architectes sont partis d’études menées en bassin d’essais des carènes dans les années 80. Les moyens d’Hydrocean ont ensuite permis de réaliser des maquettes numériques et d’effectuer différentes simulations. Les concepteurs se sont également inspirés de systèmes existants, à commencer par celui du Vevey, un navire à roues de la CGN construit en 1907 et remis en service en octobre 2013 après une importante rénovation. Un chantier sur lequel ont notamment travaillé Arco Marine et Mecasoud (qui réalisera les blocs constituant le Loire Princesse, dont l’assemblage sera mené à bien dans la forme de construction de STX France à Saint-Nazaire).

Le Loire Princesse (© SDI)
Au final, le futur navire de CroisiEurope sera équipé de deux roues latérales de 4.5 mètres de diamètre, qui seront probablement réalisées en aluminium afin, notamment, de réduire leur poids. Pour solutionner la problématique du rendement, il a été décidé de recourir à des moteurs diesels avec un entrainement direct des roues. Cette architecture, qui se démarque des systèmes traditionnels basés sur des moteurs hydrauliques ou des machines à vapeur, permet d’optimiser la puissance. « Le rendement est bien meilleur, l’autre avantage étant que les bruits générés sont beaucoup moins importants », note Thibaut Tincelin. Situés au milieu du navire, les moteurs seront logés dans deux compartiments séparés. Des zones tampon, comprenant par exemple des locaux techniques, s’ajouteront aux dispositifs d’insonorisation pour garantir un très faible niveau sonore.
Côté puissance, les moteurs, qui répondront aux normes les plus récentes en matière de protection de l’environnement, développeront chacun 500 cv, ce qui est important pour une propulsion de ce type. En plus des roues à aube, le navire, doté de safrans, sera équipé de deux propulseurs de type pump jet, situés à l’avant et à l’arrière. Orientables à 360 degrés, ils offriront une excellente manœuvrabilité et une capacité d’arrêt sur une très courte distance.

Le Loire Princesse (© SDI)
Cabines et espaces publics
Armé par 20 à 25 membres d’équipage, logés dans 9 cabines, le Loire Princesse pourra accueillir 96 passagers, qui disposeront de 48 cabines. Toutes auront une vue extérieures et 30 seront même dotées d’un balcon de 3 mètres de large sur 1.2 mètres de profondeur, ce qui est très inhabituel dans l’industrie de la croisière fluviale. Présentant une surface de 15 m², ces cabines doubles offriront un excellent niveau d’équipement, avec climatisation réversible, écran télé plasma, radio, sèche-cheveux, coffre-fort, minibar et liaison Internet sans fil. On notera que des réflexions sont actuellement en cours en vue d’une éventuelle reprise du savoir-faire nazairien en matière de réalisation de cabines préfabriquées avec bloc sanitaire intégré.
Pour en revenir aux espaces intérieurs du Loire Princesse, qui sera aménagé sur trois ponts, le navire disposera à l’arrière d’un grand restaurant permettant de recevoir simultanément tous les passagers, qui pourront profiter du paysage puisque cet espace vitré s’étalera sur toute la largeur. Grâce aux roues à aube, et donc à l’absence d’hélice, cette salle à manger sera très silencieuse et dépourvue de vibration. Le bateau comprendra également un vaste salon avec bar et piste de danse centrale. On pourra même y observer depuis l’intérieur les roues à aube à travers des baies vitrées. Enfin, le pont supérieur sera agrémenté de transats pour permettre aux passagers de profiter en plein air de leur traversée sur le fleuve.

Le Loire Princesse (© SDI)
De Saint-Nazaire à Angers
En partenariat avec différents acteurs locaux, notamment touristiques, CroisiEurope a travaillé sur un programme de croisières de 7 nuits qui se dérouleront sur la Loire d’avril à octobre. « Permettant de parcourir ce fleuve de caractère, le plus long de France, le Loire Princesse naviguera dès avril 2015 à la découverte d’escales riches en patrimoine culturel dont beaucoup sont classées par l’Unesco. Nantes, Saint-Nazaire, Ancenis, Angers, les Châteaux de La Loire, Saumur, Bouchemaine… La région des Pays de la Loire à fort potentiel est une nouvelle destination idéale pour répondre aux attentes des touristes en quête de culture et d’originalité », souligne la compagnie, qui élargit ainsi son offre déjà très vaste d’itinéraires, puisqu’elle exploite une quarantaine de navires sur de nombreux fleuves, comme le Rhin et ses affluents, la Gironde, la Seine, le Danube, la Volga ou encore le Guadalquivir et le Douro.
A bord du nouveau navire, les passagers pourront donc découvrir la Vallée de la Loire, avec des embarquements dans le port de Nantes, situé en centre-ville. Ce choix s’explique par les pré et post acheminements, facilités à Nantes par la présence d’un l’aéroport international et d’une ligne TGV directe qui met la Cité des Ducs de Bretagne à deux heures de train de Paris. Quant aux tarifs de la croisière, ils débutent à partir de 1299 euros par personne en avril et octobre (1399 de mai à septembre), comprenant la croisière en pension complète avec boissons pendant les repas. Les excursions, facultatives, seront évidemment en supplément et doivent être réservées au préalable.
Nantes (© WIKIPEDIA)
Une semaine sur le Loire Princesse
Voici, en avant première, le programme du navire sur une traversée de huit jours, avec les différentes excursions facultatives proposées au fil du voyage :
1er JOUR : NANTES
Embarquement entre 18h et 19h à Nantes. Installation dans les cabines. Cocktail de bienvenue au salon et présentation de l'équipage. Dîner à bord suivi d'une soirée de bienvenue. Croisière promenade facultative sur l’Erdre (avec un autre bateau), « la plus belle rivière de France » comme l’appelait François Ier, avec une découverte au fil de l’eau de cette voie navigable bordée de nombreux châteaux et qui se jette dans la Loire à Nantes.

Saint-Nazaire et ses chantiers navals (© MSC CRUISES)
2ème JOUR : NANTES – ST NAZAIRE
Petit déjeuner buffet à bord. Départ pour la visite guidée facultative de Nantes. Au programme, les ruelles du Bouffay, le quartier médiéval de la ville, puis la cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul (extérieurs) et son style gothique flamboyant. La visite se poursuivra vers l’île Feydeau, ensemble architectural exceptionnel datant du XVIIIe siècle, où résidaient les grands armateurs de la cité. Ensuite, découverte des nouveaux quartiers commerçants créés avec l'industrie naissante du XIXe siècle autour du théâtre Graslin et du passage Pommeraye. Direction ensuite le château des Ducs de Bretagne. Dernier château des bords de Loire avant l’océan, ce monument, avec ses remarquables bâtiments des XVe et XVIIe siècles, a été construit par François II, dernier duc de Bretagne, puis par sa fille Anne de Bretagne, deux fois reine de France. Derrière ses puissants murs de forteresse moyenâgeuse, le château abrite un palais résidentiel aux façades raffinées avec ses loggias Renaissance. A l’issue de cette matinée de visite, les passagers retourneront à bord pour le déjeuner. Ils profiteront ensuite de la très belle navigation vers l’estuaire de la Loire et Saint-Nazaire, que ne navire atteindra en soirée. Il y réalisera une escale de nuit avec dîner à bord suivi d’une soirée animée.
Le château des Ducs de Bretagne (© VILLE DE NANTES)
La place Graslin à Nantes (© VILLE DE NANTES)
Les Machines de l'ïle de Nantes (© VILLE DE NANTES)
3ème JOUR : SAINT NAZAIRE – ANCENIS
Petit déjeuner buffet à bord. Départ en autocar pour l’une des deux excursions facultatives de cette journée à Saint Nazaire. La première commencera par une visite débutera par Escal’Atlantic, qui retrace avec ingéniosité l’histoire des grands paquebots transatlantique. Puis les passagers partiront à la découverte des chantiers navals STX France, où sont nés les plus grands paquebots du monde, comme le Normandie, le France et, en 2016, un nouveau géant (Oasis 3) qui battra tous les records établis jusqu’ici et qui sera l'an prochain en pleine période d’assemblage. Grâce à un parcours spécialement conçu, la visite permettra d’apprécier l’immensité du site industriel (108 ha), l’étonnante logistique et la haute technologie mises en œuvre pour réaliser ces géants des mers. Elle permettra aussi de comprendre les différentes étapes de la construction de ces navires.

(© STX FRANCE - BERNARD BIGER)
La seconde excursion proposée par CroisiEurope sur cette escale nazairienne sera totalement différente. Elle se consacrera en effet sur la ville fortifiée de Guérande, dont les remparts dominent les marais salants. Les passagers pourront découvrir cette cité médiévale et son histoire qui ont séduit d'illustres écrivains, tels Flaubert, Gracq et surtout Balzac. Après Guérande, la visite se poursuivra dans les marais salants, l’une des grandes spécialités de la région. On y découvrira le processus de formation du sel de Guérande ainsi que le fonctionnement des marais. Il sera ensuite temps de rejoindre le Loire Princesse pour déjeuner. Le navire appareillera pour un après-midi de navigation vers Ancenis, en amont de Nantes. Animation à bord en soirée et escale de nuit à Ancenis.

Guérande (© DROITS RESERVES)

Marais salans (© LABAULE-GUERANDE.COM)
4ème JOUR : ANCENIS - ANGERS
Après le petit déjeuner, départ pour l’excursion facultative de la route du Muscadet. Passage par de nombreux villages témoignant de la forte identité viticole de la région. Continuation vers La Chapelle Heulin et arrêt au château Cassemichère (ou similaire). Un lieu d’exception qui invite à découvrir son vignoble rempli d’histoire, à visiter ses caves et à déguster ce vin blanc sec, léger, fruité, bouqueté. Puis route vers Clisson, charmante petite cité médiévale où cohabitent des vestiges du XVe siècle et un parfum d’Italie. Retour à bord pour le déjeuner. Le Loire Princesse appareillera pour prendre la direction d’Angers, qu’il atteindra dans la soirée. Dîner à bord suivi de la soirée de l’équipage. Escale de nuit.

La Loire (© ANGERS LOIRE VALLEY)
5ème JOUR : ANGERS
Petit déjeuner buffet à bord et départ pour l’excursion facultative d’Angers. Ville d’art et d’histoire, la capitale de l’Anjou se distingue autant par la richesse de son patrimoine que par son inscription dans la modernité. Foyer des Plantagenêt, cité florissante de la Renaissance, Angers abrite les murailles colossales de la célèbre forteresse médiévale du roi René et l’extraordinaire tenture de l’Apocalypse. Visite de la forteresse du XIIIe siècle et découverte de la tenture de l’Apocalypse. C'est le plus important ensemble de tapisseries médiévales existant au monde. Les passagers traverseront ensuite la cité des chanoines, vestiges de l’art roman et du style gothique Plantagenêt. Enfin, ils découvriront la Doutre, un village au cœur de la ville d’Angers, avant de revenir à bord pour le déjeuner.

Le château d'Angers (© ANGERS LOIRE VALLEY)
L’après-midi sera consacré à la visite facultative du Cadre Noir et de la ville de Saumur. En 2011, l’UNESCO a inscrit au patrimoine Culturel Immatériel de l'Humanité l’équitation de tradition française et le Cadre de Noir de Saumur, école d’équitation unique en France. L’équitation de tradition française est l’art de monter, établi sur une relation harmonieuse de l'homme et du cheval, qui exclut l'emploi d'effet de force physique. A découvrir l’histoire de cette école, fondée en 1825, en passant par le grand manège, les écuries et la sellerie Prestige. Continuation de la visite par une promenade dans la ville fortifiée de Saumur dominée par son château (extérieurs). Dîner à bord suivi d'une soirée dansante. Escale de nuit.

Saumur (© WIKIPEDIA)

(© LE CADRE NOIR)

Les vignobles du Saumurois (© OT-SAUMUR.FR)
6ème JOUR : ANGERS – CHATEAUX DE LA LOIRE
Après le petit déjeuner buffet, journée d'excursion aux châteaux de la Loire. Départ en autocar en direction d’Azay-le-Rideau. Édifié sur une île au milieu de l’Indre, l’édifice, tel qu'il se présente aujourd'hui, fut élevé sous le règne de François Ier par un riche financier, Gilles Berthelot, qui souhaitait concilier innovations venues d’Italie et art de bâtir à la française. Classé monument historique, le château d’Azay-le-Rideau exprime tout le raffinement d’un château de la première Renaissance française. Direction ensuite Villandry pour le déjeuner et, à l’issue, une promenade dans les jardins du château : répartis sur trois niveaux, ils allient esthétisme, diversité et harmonie. Continuation vers Rigny-Ussé pour la visite du château d’Ussé. Edifié aux XVe et XVIe siècles, ce superbe monument, avec ses tours fortifiées, ses tourelles et ses clochetons, ressemble à un château de conte de fées. Aujourd’hui, Ussé est toujours habité, il offre au visiteur un voyage dans le temps au cœur des contes et légendes. Il aurait d’ailleurs inspiré à Charles Perrault « La Belle au bois dormant ». C’est en tous cas la dernière étape de cette journée, qui se termine par un dîner à bord du navire et une nouvelle nuit à quai à l’issue d’une soirée dansante.

Azay-le-Rideau (© WIKIPEDIA)
7ème JOUR : ANGERS – BOUCHEMAINE – ANCENIS – NANTES
Petit déjeuner buffet à bord. Tôt le matin, départ du bateau en direction de Bouchemaine, point de départ de l’excursion facultative de la corniche Angevine. Départ en autocar vers la route de la levée de la Loire Angevine. Cette route permet de découvrir de nombreux points de vue sur le grand fleuve, classé au Patrimoine Mondial par l'UNESCO. Arrêt au château des Vaults (ou similaire), un site authentique au milieu d’un parc paysagé. Dégustation de vins d’Anjou. Continuation par la corniche Angevine qui dévoile ses villages pittoresques et ses nombreux points de vue le long de la Loire. Les participants à cette excursion rejoindront le bateau à Ancenis pour le déjeuner. L’après-midi sera consacrée à la navigation, au cours de laquelle les passagers pourront apprécier le paysage. Les bords de la Loire, dernier fleuve sauvage de France, forment en effet un véritable jardin naturel façonné par l’eau au cours des siècles. Cette ultime journée s’achèvera par un dîner de gala à bord, suivi d’une soirée dansante. Le navire fera escale pour la nuit à Nantes.
Le port de Nantes (© VILLE DE NANTES)
8ème JOUR : NANTES
Le huitième jour sera celui du débarquement, qui interviendra après le petit-déjeuner. Les passagers devront avoir quitté le Loire Princesse à 10 heures.