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36.7 milliards d'euros et 315.500 emplois, dont 153.000 emplois directs. C'est ce qu'a pesé, en 2011, le secteur de la croisière en Europe. Un poids économique qui a augmenté de 54% depuis 2006, surfant sur le développement considérable de ce mode de voyage. Ainsi, en 5 ans, le nombre de croisiéristes européens a progressé de 77% pour atteindre 6.2 millions de passagers, soit 30% des croisiéristes dans le monde, contre 23% en 2006. Dans le même temps, le nombre d'étrangers faisant escale dans des ports européens a lui aussi bondit, de 75%, pour atteindre 5.6 millions de passagers. A cela, il faut ajouter les membres d'équipage, soit 14.3 millions sur toutes les escales réalisées. Dans ce contexte, le marché français, cinquième du vieux continent derrière la Grande-Bretagne (1.7 million de passagers), l'Allemagne (1.38 million), l'Italie (923.000) et l'Espagne (703.000), est l'un des plus dynamiques. Longtemps à la traine, le marché français progresse enfin de manière soutenue, avec 441.000 passagers en 2011, soit 14% d'augmentation par rapport à 2010. « La moyenne de la progression française est plus importante que celle de l'Europe, ce qui illustre le dynamisme du marché français et de ses acteurs. Nous constatons une véritable évolution puisque c'est un produit qui se confirme comme un mode de vacances à part entière », souligne Erminio Eschena, porte-parole de l'European Cruise Council (ECC). Paquebots au Havre (© : JACQUES THYEBAUT) Des retombées importantes pour les ports Les retombées économiques sont palpables dans les ports accueillant des escales de paquebots. En France, Marseille, Ajaccio, Toulon et Le Havre sont aux premières loges, mais d'autres, comme Bordeaux, Cherbourg, Brest ou encore La Rochelle et Sète reçoivent également un nombre croissant de navires. En 2011, 2.2 millions de passagers ont, ainsi, débarqué dans les ports français, soit une hausse de 7.8% par rapport à 2010. Cinquième port d'escale européen après Naples, Dubrovnik, Livourne et Santorin, Marseille est, sans conteste, la capitale française de la croisière, avec 826.000 passagers en 2011 et probablement 1 million cette année. « Les premiers paquebots sont venus dans les années 90 et Marseille s'est servie de la croisière pour faire redémarrer son port et redorer l'image de la ville. Cette activité est d'ailleurs intéressante car elle impose une obligation de service et de satisfaction. D'un point de vue économique, les retombées sont également très importantes. Ainsi, en 2008, une étude a montré que chaque passager dépensait en moyenne 67 euros par jour d'escale à Marseille, la croisière générant 72 millions d'euros de retombées sur les Bouches-du-Rhône », note Georges Azouze, président de l'Association Française des Compagnies de Croisière (AFCC). Entreprises portuaires, commerces, voyagistes, hôtellerie, restauration, artisanat, musées et centres touristiques... De nombreuses secteurs économiques profitent des dépenses des passagers et des équipages, mais aussi des compagnies, notamment dans le domaine de l'avitaillement. Paquebots à Marseille (© : MER ET MARINE - VINCENT WISNIEWSKI) Le déclin de la construction navale En tout, la croisière a représenté en France 16.000 emplois et 1.2 milliard d'euros de dépenses directes en 2011, pour 153.000 emplois et 15 milliards de dépenses directes à l'échelle de l'Europe. « Ces dépenses ont trois origines : Les passagers et membres d'équipage dans les ports d'embarquement et d'escale, les biens et services, comme l'avitaillement et les équipements ; et bien sûr la construction et la réparation navale ». Les chantiers concentrent une grosse partie des investissements : 674 millions d'euros en France l'an dernier pour la construction et les arrêts techniques, soit plus de la moitié des dépenses directes. Sur l'ensemble de l'Europe, la navale a drainé 3.8 milliards d'euros, en baisse de 7.9% par rapport à 2010 et en recul pour la troisième année consécutive. Car la construction de paquebots, qui fut pour les chantiers européens un eldorado pendant plus de 15 ans, est un secteur en très fort recul. Après avoir été en proie à une frénésie de commandes, la plupart des grands armateurs ont marqué une pose dans leur développement. Tant et si bien que le carnet de commandes des chantiers européens, qui a compté jusqu'à une trentaine de navires dans les années 2000, a été réduit de moitié. Paquebot de MSC en construction à Saint-Nazaire (© : STX FRANCE - BERNARD BIGER) Actuellement, il ne reste plus aux constructeurs européens que 14 navires à livrer d'ici 2015, un maigre butin que se partagent le chantier STX France de Saint-Nazaire (2 navires pour MSC et Hapag-Lloyd), trois chantiers de l'Italien Fincantieri (5 navires pour Princess, P&O, Costa et la Compagnie du Ponant), le chantier allemand Meyer Werft (6 navires pour NCL, Royal Caribbean, Celebrity et AIDA) et le chantier STX Finlande de Turku (1 navires pour TUI). Les perspectives de commandes étant relativement minces, il est fort probable que tous les sites ne survivent pas dans les années à venir. Des milliers d'emplois sont en tous cas clairement menacés. D'autant que la concurrence asiatique devrait se développer. Après une première incursion dans la croisière dans les années 90 et 2000, le Japonais Mitsubishi a décroché la commande des deux prochains paquebots de la compagnie allemande AIDA, filiale du géant américain Carnival. Et, alors que les chantiers sud-coréens veulent également se lancer sur ce marché, on entend de plus en plus parler d'une commande en Chine, pour un armateur local, d'un navire de 100.000 tonneaux. Le Costa neoRomantica (© : JACQUES THYEBAUT) Un potentiel de développement intéressant dans la réparation Bien que drainant encore beaucoup mois d'argent et d'emplois, le secteur de la réparation navale pourrait, toutefois, compenser au moins partiellement cette baisse d'activité dans la construction. Une partie très importante des paquebots étant exploités en Europe, notamment en Méditerranée, les opportunités sont réelles de développer les opérations de maintenance et de réparation. D'autant que la flotte de cesse de grossir et que la taille des navires a augmenté significativement depuis la fin des années 90. Des ports comme Marseille, qui va remettre en service d'ici début 2015 l'énorme forme 10, avec ses 465 mètres de long et 80 mètres de large, ont de belles cartes à jouer. Surtout qu'en plus des simples arrêts techniques, le marché des refontes devrait se développer. On constate, en effet, que malgré les entrées en flotte de navires neufs, très peu de bateaux partent à la casse. La plupart des paquebots âgés de 15 à 20 ans étant même invendables dans le contexte économique actuel, les armateurs s'orientent vers d'onéreux programmes de rénovation pour remettre à niveau des unités plus ou moins anciennes. La refonte du Costa neoRomantica, menée à Gênes chez San Giorgio del Porto l'hiver dernier pour plus de 90 millions d'euros, est symbolique de cette tendance, tout comme le sera l'an prochain celle du Carnival Destiny, qui deviendra Carnival Sunshine après un chantier de 120 millions d'euros chez Fincantieri. Paquebots à Marseille (© : MER ET MARINE - VINCENT WISNIEWSKI) Une année difficile Après un très bon cru en 2011, l'année 2012 s'annonce plus complexe pour le secteur de la croisière. Le naufrage du Costa Concordia, qui a perturbé les actions commerciales au premier trimestre, a vu une très forte accentuation des offres promotionnelles au printemps. Cette politique tarifaire très agressive a permis de combler le retard en termes de passagers, et même de dépasser les chiffres de 2011, mais au prix semble-t-il d'une baisse de la rentabilité, d'autant que la crise dans la zone euro pèse lourd sur le pouvoir d'achat des vacanciers. A cela s'ajoute la problématique du coût du combustible, qui plombe les frais d'exploitation des bateaux lorsqu'il atteint des sommets. Et puis il y a plus que jamais la question des montages financiers pour commander de nouveaux navires, de plus en plus durs çà boucler, d'autant que certaines banques se désengagent du secteur maritime. Malgré tout, en termes de nombre de passagers accueillis, les professionnels assurent que le secteur demeurera en croissance en 2012, avec peut-être même, encore, une hausse à deux chiffres en France.

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