Quatre ans et demi après les premières ébauches, le projet de nouveau paquebot France est désormais « stabilisé », comme le dit Didier Spade, à l’origine de cette idée. Le design, les dimensions, la capacité et la disposition des aménagements intérieurs du navire ont été définitivement arrêtés. Campant fermement sur son idée originelle, Didier Spade, contre vents et marées, a conservé l’idée si particulière qu’il a imaginée pour ce paquebot, avec deux grandes structures dont la forme rappelle les cheminées de l’ancien France. De quoi faire s’étrangler les puristes de la construction navale ou les nostalgiques des transatlantiques d’antan. Les avis demeurent partagés sur ce choix mais Didier Spade ne manque pas d’audace et a, d’entrée de jeu, voulu que le futur navire soit unique, qu’il ne ressemble en rien aux bateaux construits jusqu’ici. Bref, que son design très moderne constitue une rupture par rapport au marché traditionnel de la croisière. Un premier pari évidemment réussi pour une approche très judicieuse puisque ce bateau, qu’il plaise ou non, fait immanquablement parler de lui et, progressivement, marque les esprits.

Le nouveau paquebot France (© : BEVIEW - SDI)
Une silhouette qui a gagné en élégance
On notera, de plus, que la silhouette a significativement évolué depuis les premiers dessins. Au fil des années, elle s’est améliorée. Plus équilibré, elle a clairement gagné en élégance. Dans le même temps, le navire a été optimisé pour offrir une meilleure rentabilité, alors que les aspects liés à la protection de l’environnement ont fait l’objet d’un travail très poussé. Les bureaux d’études de STX France, puis le cabinet d’architecture nantais Stirling Design International, sous la direction de Thibault Tincelin, y ont largement contribué. « Cette étape de maturité a nécessité de nombreuses itérations conceptuelles mais aussi financières afin de trouver l’offre la plus séduisante possible pour les investisseurs tout en restant réaliste dans un marché où on ne peut ignorer la concurrence, bien que celle-ci soit, en comparaison avec le segment du "mass-market", relativement contenue », explique Didier Spade, qui vise un produit très qualitatif, tant au niveau de la décoration que du confort, du service et de la nourriture.

Le nouveau paquebot France (© : BEVIEW - SDI)

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398 suites dans les cheminées et la coque
Il en résulte, aujourd’hui, un vaisseau de 260 mètres de long, 32 mètres de large et 64.000 GT de jauge. Une unité de grand luxe pouvant accueillir jusqu’à 790 passagers, servis par 600 membres d’équipage. En tout, le navire compte 398 suites, qui disposent toutes d’un balcon avec vue sur la mer. Elles se répartissent en deux grands types : celles situées dans les deux structures en forme de cheminées, et celles intégrées dans la coque. Toutes disposent du même confort et du même service, celui d’une première classe. La seule caractéristique qui les différencie est leur surface. Alors que les cabines de la coque présentent une surface de 36 m², balcon inclus, les plus grandes suites sont situées dans les cheminées et s’étalent au minimum sur 41m² hors balcon, la surface des balcons allant de 13 à 48m². Au pont 16 de la cheminée avant, la suite de l’armateur, hors catégorie, offrira un espace de 190m² auxquels viendra s’ajouter une terrasse de 68m². « Cette nouvelle configuration du navire s’est appuyée sur des études complémentaires menées au cours de l’année 2013 par Stirling Design International et en collaboration avec Tomas Tillberg et son équipe de Tillberg Design International, qui a travaillé notamment sur la recomposition des espaces publics afin d’optimiser les flux, rendre le navire plus pratique et confortable pour ses passagers et plus rationnel pour l’équipage ».

Le nouveau paquebot France (© : BEVIEW - SDI)

Le nouveau paquebot France (© : BEVIEW - SDI)
Une palmeraie et une grande piscine à débordement
Didier Spade explique qu’au cours de l’année qui vient de s’écouler, l’aménagement des espaces qui rendent ce paquebot si singulier a également été approfondi : « la palmeraie, au pont 9, a été travaillée afin qu’elle reste dans la continuité des ambiances de détente offertes par le Spa mitoyen ; plutôt que la traditionnelle piscine entourée d’un amas de chaises longues, et trop souvent bruyante, il a été préféré un espace plus aéré ponctué de vasques reliées par un petit « cours d’eau, l’ensemble étant traité sur le thème du jardin méditerranéen ».
On trouve néanmoins une grande piscine, mais sur l’arrière, au pont 8. Cet imposant bassin, à débordement, surplombe la magnifique poupe en gradins, qui évoque l’arrière des méga-yachts. Très protégée par la cheminée arrière et de grandes baies vitrées latérales, cette piscine est ouverte sur l’horizon et dispose d’un bar, qui sera baptisé « Poule Bar » pour le clin d’œil tricolore et permettra de servir une restauration légère. A noter également la présence de portes de poupe, près de la ligne de flottaison, qui donnent sur des garages où seront entreposés des équipements nautiques, comme des jet-skis.

Le nouveau paquebot France (© : BEVIEW - SDI)

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Le nouveau paquebot France (© : BEVIEW - SDI)
Un Spa avec salon panoramique intégré dans l’étrave
Une seconde piscine est située au sein même du Spa, dans l’espace thalassothérapie. Elle se présente comme un labyrinthe d’eau dont le parcours est agrémenté de jets massant, de geysers et d’un parcours de marche à contre-courant. Le centre de bien-être, qui s’étend sur plus de 1200 m² et deux ponts, offrira une importante variété de soins dispensés par plus de 20 praticiens. « Le pourcentage élevé du personnel de soin par passagers (2.5%) est représentatif de l’importance du Spa à bord du France, qui se veut être un navire privilégiant le ressourcement et le bien-être », souligne Didier Spade.

Le nouveau paquebot France (© : BEVIEW - SDI)
Toujours en matière de nouveautés, on distingue à l’extrême avant du navire les baies vitrées d’un salon de relaxation attenant au Spa et qui permettront aux curistes de se détendre tout en disposant d’une vision panoramique exceptionnelle au sein même de l’étrave. Cet espace situé de manière atypique est l’un des points différenciant du nouveau France.

Le nouveau paquebot France (© : BEVIEW - SDI)
Les ailettes
Un second salon panoramique est situé en hauteur, au pont 15 de la cheminée avant. Cet espace intègre les ailettes, ou « wings », qui sur l’ancien paquebot France renfermaient les échappements des machines. Il a été revisité sur le nouveau navire pour constituer une extension du salon panoramique, avec comme idée de donner aux passagers la sensation de se trouver en dehors du bateau, avec une vue plongeante sur la mer. On notera que la partie supérieure de ces ailettes sert de terrasses aux suites du pont 16. Quant aux grandes baies vitrées situées en dessous, elles correspondent à des suites en duplex.

Le nouveau paquebot France (© : BEVIEW - SDI)

Plan du salon panoramique de la cheminée avant (© : BEVIEW - SDI)
8 restaurants à bord
Didier Spade porte une attention toute particulière à la gastronomie. Une évidence puisque l’entrepreneur parisien souhaite que le navire soit un ambassadeur flottant de l’art de vivre français. Il y aura donc, à bord, pas moins de 8 restaurants, situés à l’arrière et dont la mise en œuvre a été confiée au chef Alain Ducasse. « Un navire comme le France se doit de proposer une restauration extrêmement qualitative et variée, afin de surprendre les passagers tout au long de leur croisière. Dans cette perspective, le principe d’une grande salle de restaurant a été écarté au profit de restaurants plus nombreux et plus petits, afin de conserver une certaine intimité chère au concept de "free-seating" (placement libre, ndlr) qui a été privilégié à bord du navire ».
On retrouve sur les ponts 4 et 5 l’essentiel des lieux publics de divertissement pour les passagers. Ces ponts sont reliés par deux atriums, l’un vers l’avant, l’autre à l’arrière, afin de favoriser la circulation à bord et créer « un parcours attractif et dynamique». A noter que le pont 5, celui-sur le lequel sont disposées les embarcations de sauvetage, présente une hauteur sous plafond de plus de 4 mètres sur toute sa longueur. Pour l’heure, on ne dispose pas encore de vue de ces locaux. Et pour cause, ils ne sont pas terminés : « Le plan d’aménagement étant désormais figé, les designers qui suivent le projet vont pouvoir commencer ou continuer à travailler à la réalisation des esquisses qui vont illustrer la personnalité du nouveau France ».

Le nouveau paquebot France (© : BEVIEW - SDI)
Un an pour boucler le financement
Même si l’on peut considérer que la phase financement a débuté il y a plus d’un an avec la finalisation d’un Business Plan très abouti, conçu en coopération avec les équipes de V. Ships et des consultants spécialisés, Didier Spade n’a pas souhaité concrétiser immédiatement la phase de présentation aux milieux financiers. Il souhaitait, d’abord, avoir « fait évoluer le modèle pour le rendre optimisé et équilibré et s’être entouré des bons partenaires pour la recherche d’investisseurs ». Selon lui, « C’est aujourd’hui chose faite, et les premiers actionnaires pressentis vont pouvoir être contactés afin qu’il leur soit présenté la documentation financière complète du projet ». Le porteur du projet s’est laissé un an pour boucler le financement, ce qui permettra de lancer un appel d’offres auprès des chantiers. L’objectif est d’initier la construction du navire début 2015, en vue d’une livraison au cours de l’année 2017. Quant au coût, il est encore trop tôt pour le connaître précisément mais un budget d’environ 400 millions d’euros avait été évoqué l’an dernier. Didier Spade maintient également son idée de permettre à qui le souhaite, une fois le navire construit, d’acheter des actions : « Cette stratégie financière participative doit permettre à tous les Français qui le souhaitent de s’approprier "leur" France en acquérant à terme des actions de la société propriétaire du navire ».

Le nouveau paquebot France (© : BEVIEW - SDI)
Souscription et « Club de passionnés »
Enfin, concernant la souscription d’obligations dans un cadre restreint initiée au démarrage du projet pour l’accompagner jusqu’à la phase de financement, elle s’est déroulée conformément au calendrier prévu : « Sur les 2.5 millions d’euros ouverts, il reste un peu plus de 300.000 euros à souscrire, ce qui, au rythme de souscription constaté, devrait être atteint avant la fin de l’année ». Ces dispositions ont en outre permis de créer un « club de passionnés » dont beaucoup, selon Didier Spade, « ont apporté au projet leur contribution par leur expérience de navigant, de croisiériste, d’ingénieurs etc. rendant ainsi le projet encore plus « vivant » et collectif ».

Le nouveau paquebot France (© : BEVIEW - SDI)