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A partir d’aujourd’hui et jusqu’à jeudi, Marseille est la capitale européenne de la croisière et de la grande plaisance. Pour la première fois, la cité phocéenne accueille le Seatrade Med, le grand rendez-vous annuel des professionnels de la croisière, qui rassemble 150 exposants venus de 45 pays. Profitant de cet évènement, le salon français Top Cruise se déroule aujourd’hui aux côtés du Seatrade Med, au Palais des Congrès du parc Chanot. Et c’est également là que se tient, simultanément, la seconde édition de la convention d’affaires SYRREN, dédiée aux professionnels du yachting. En tout, plus de 4000 participants sont attendus. Alors que Marseille était en compétition avec d’autres villes, comme Gênes et Barcelone, pour accueillir le Seatrade Med, la balance a d’ailleurs penché en faveur du port français en raison justement de la possibilité d’intégrer le SYRREN à l’évènement. « L’intégration de la refonte et de la maintenance des superyachts sous le pavillon du SYRREN fut un des éléments qui a beaucoup intéressé l’organisation du Seatrade, lorsque nous avons présenté notre candidature en 2010 », confie Jacques Truau, président du Club de la Croisière Marseille Provence.

 

Maintenance de yachts (© PORT DE MARSEILLE-FOS)

 

Plus de 200 entreprises inscrites au SYRREN

 

Lancé pour la première fois en 2011, le SuperYacht Repair & Refit Networking rencontre un beau succès, avec quelques 200 entreprises inscrites et plus de 1000 rendez-vous d’affaires programmés cette semaine. Organisé à l’initiative du PRIDES Grande Plaisance Riviera Network et du pôle de compétitivité PRIDES (Pôle Mer PACA), le SYRREN permettra de faire valoir le savoir-faire et les capacités de la région Provence Alpes Côte d’Azur dans le secteur de la grande plaisance, qu’il s’agisse d’accueil, mais aussi d’entretien, de réparation et de refonte de navires. En plus des rencontres au Parc Chanot, des délégations pourront visiter différents chantiers, comme ITM à Marseille, Monaco Marine et Compositeworks à La Ciotat, ou encore Foselev Marine à La Seyne-sur-Mer. Cette activité industrielle fait, d’ailleurs, le lien entre le yachting et la croisière, de nombreuses sociétés travaillant sur les deux secteurs, qui représentent un fort potentiel de développement économique pour la région.

 

Le chantier Monaco Marine de La Ciotat (© MONACO MARINE)

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

Paquebot en cale sèche chez CNDM (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

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© CNDM

Paquebot en cale sèche à Marseille (© CNDM)

 

Développer l’activité de maintenance et de refonte des paquebots

 

Ainsi, Marseille compte devenir le plus grand pôle européen de réparation de paquebots. Déjà, Chantier Naval De Marseille (CNDM), filiale de l’Italien San Giorgio del Porto, exploite depuis 2010 les formes 8 et 9, longues de 350 et 250 mètres. Une quarantaine de navires, dont 16 grands paquebots, y ont effectué un arrêt technique ces 24 derniers mois. « L’activité y est très soutenue et les délais de livraison ont toujours été inférieurs aux délais contractuels, ce qui démontre une fiabilité très importante, à laquelle tiennent beaucoup les opérateurs », affirme Jacques Truau. Le prochain grand projet du port est la remise en service de la forme 10, la plus grande cale sèche de Méditerranée, longue de 465 mètres pour une largeur de 85 mètres. Une convention d’exploitation de cette infrastructure a été signée avec un groupement solidaire comprenant CNDM, la société génoise Mariotti et STX France (chantiers de Saint-Nazaire). Après les travaux d’aménagement des terre-pleins et de remise en état de la cale, ainsi que la construction d’un nouveau bateau porte (les travaux coûteront au global 22 millions d’euros), la forme 10 doit être opérationnelle d’ici 2015. Marseille pourra alors accueillir les plus grands paquebots du monde, comme l’Oasis of the Seas et l’Allure of the Seas (365 mètres, 225.000 GT de jauge) dont la venue en France est espérée pour leurs futurs arrêts techniques. Plusieurs compagnies de croisière, comme Royal Caribbean et Carnival, mais aussi MSC, auraient d’ailleurs manifesté leur intérêt pour entrer au capital de la société d’exploitation de la forme 10. « Les opérateurs ont besoin de constituer une grande station service en Méditerranée, compte tenu du nombre croissant de navires qui y sont déployés et de leur taille grandissante. Cette année, nous avions pas moins de 171 paquebots en Méditerranée ».

 

La forme 10, la passe nord et la digue de Mourepiane (© PORT DE MARSEILLE_FOS)

 

Décision imminente pour l’élargissement de la passe nord

 

En parallèle de la remise en état de la forme 10, le port de Marseille va améliorer l’accès à ses bassins, la passe nord, empruntée par les paquebots faisant escale au terminal croisière, étant considérée comme trop étroite compte tenu de la taille de plus en plus importante des navires. Ainsi, trop d’escales sont aujourd’hui annulées lorsque les conditions météorologiques sont mauvaises, certains commandants de grands paquebots préférant se dérouter plutôt que d’effectuer une manœuvre délicate avec un puissant Mistral (même si les craintes ne sont pas toujours justifiées). Dans ces conditions, la passe nord va être élargie, alors que la digue de Mourepiane sera rabotée. Dans le même temps, afin de limiter l’agitation des eaux dans les bassins, la digue du large doit être prolongée, comme l’ont démontré les études réalisées par la société Arteria. La construction d’un tronçon supplémentaire de 60 mètres est imaginé (non rectiligne par rapport à la digue actuelle mais légèrement incliné vers le large). Toutefois, la construction de ce prolongement serait relativement onéreuse, car les fonds tombent rapidement à une trentaine de mètres à cet endroit. La longueur de cette extension de digue sera donc peut-être limitée s’il s’avère que l’agitation dans les bassins est gérable. En tout, cette amélioration des accès nautiques devrait coûter 30 millions d’euros.

 

Paquebot dans la passe Nord (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

Le port de Marseille, qui attend une décision de cofinancement de la part des collectivités locales, pourrait annoncer vendredi, à l’occasion de son prochain Conseil d’administration, la décision finale de lancement du chantier, qui devrait être bouclé pour la fin 2015. On notera que celui-ci a été étudié en étroite collaboration entre les professionnels du port et les compagnies de croisière. Des capitaines de paquebots se sont, ainsi, rendus au simulateur de la station de pilotage de Marseille (qui a reçu les simulations initiales réalisées au Danemark), où ils ont pu tester et discuter de la future configuration de la passe nord.  « Les études de trajectographie ont été conduites en coopération avec les plus grands armements. Des capitaines de Princess, de NCL, de Carnival, de Costa, de MSC ou encore de Royal ont, ainsi, travaillé avec les pilotes du port, ce qui a permis de préparer au mieux le projet et de renforcer la confiance entre les acteurs. Cette implication des opérateurs dans les études est d’ailleurs une première», explique Jacques Truau.

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

Le simulateur des pilotes marseillais (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

Le terminal croisière de Marseille (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

Paquebot de Costa à Marseille (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

Paquebot de MSC à Marseille (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

Plus de 900.000 passagers accueillis à Marseille cette année

 

Premier port français pour la croisière, Marseille ne sera pas parvenue, cette année, à atteindre le cap du million de passagers, comme elle l’espérait initialement. Le retrait de Louis Cruises, en 2011, puis le naufrage du Concordia en janvier (navire qui était en tête de ligne dans le port phocéen) expliquent en grande partie ce retard. « Nous atteindrons cette année les 910.000 passagers mais, dès 2013, le cap du million de passagers sera allègrement dépassé », annonce Jacques Truau. Le Club de la Croisières Marseille Provence s’attend, ainsi, à ce que 1.15 million de croisiéristes soient accueillis l’an prochain, dont 350.000 en tête de ligne (embarquements et débarquements pour des traversées au départ de Marseille), soit 40.000 de mieux que cette année. Croisières de France, Costa et MSC constitueront le gros des troupes, mais Marseille bénéficiera aussi du développement de Royal Caribbean, qui proposera de nouveaux départs du port français, tout comme NCL qui a réalisé pour la première fois, cette année, des embarquements à bord du Norwegian Epic et relance cette initiative en 2013.

 

Le Norwegian Epic à Marseille cet été (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

Une nouvelle activité mais pas un substitut aux autres trafics

 

Le développement de cette activité est soutenu par les investissements consentis par les acteurs locaux et les opérateurs pour améliorer l’accueil des navires et des passagers, avec la construction de nouveaux terminaux, l’aménagement des quais  ou encore l’élargissement de la passe nord, mais aussi l’accroissement des capacités de maintenance de paquebots. Surfant sur l’essor de l’industrie de la croisière, Marseille peut, ainsi, redynamiser cette partie de son port historique, qui a connu une lente dégradation de son activité ces dernières années. Pour autant, même si les paquebots prennent de plus en plus de place, Jacques Truau, ancien président du port de Marseille, estime que la croisière ne se substituera pas aux autres trafics des bassins phocéens, qui s’appuient toujours sur la forte activité des ferries, mais aussi d’autres types de navires. « L’activité marche bien dans le domaine du shortsea (transport maritime à courte distance, ndlr) vers le Maghreb, notamment la Tunisie, avec de gros rouliers rapides offrant des rotations courtes. Même dans le domaine des conteneurs, je pense que Mourepiane peut se positionner sur le marché intra-méditerranéen, avec un potentiel de 1 à 1.5 million de conteneurs, notamment vers les pays émergeants. Je crois qu’il y aura toujours un courant de trafic conteneurisé non massifié entre le nord et le sud, un marché sur lequel Marseille a un rôle à jouer ».

 

Ferries dans les bassins marseillais (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

Navire roulier à Marseille (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

Le terminal conteneurs de Mourepiane (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

Des retombées économiques significatives

 

La croisière a donc vocation à se développer en parallèle des autres activités, pour le plus grand bénéficie du port et, surtout, de l’économie locale. Commerces, restaurants, hôtellerie, avitaillement, lieux culturels, transporteurs, guides… Les retombées financières sont significatives. « Sans compter la réparation navale, nous estimons qu’elles s’élèveront à 130 millions d’euros en 2012, simplement pour les dépenses des compagnies et des passagers. L’an dernier, la croisière à Marseille générait 468 emplois temps plein directs et indirects ». Pour la réparation navale, l’impact parait moindre, avec seulement 70 emplois pour le moment. Toutefois, comme le rappelle Jacques Truau, « il faut en plus compter les intérimaires, qui sont nombreux. Chaque fois qu’un paquebot est en arrêt technique, cela mobilise 300 ou 350 personnes, et nombre sont ceux qui viennent d’autres régions ou de l’étranger, ce qui se traduit chaque année, aussi, par des milliers de nuités dans les hôtels marseillais ».

 

 

Paquebots à Marseille (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

Le marché français définitivement sorti de son atonie

 

Ces dernières années, le secteur de la croisière a connu un développement considérable, avec une croissance assez impressionnante. Longtemps, le marché français, cinquième d’Europe derrière la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, est resté poussif. Avant de finalement se réveiller, stimulé par les actions marketing de ses acteurs et un développement significatif de l’offre. Ainsi, de 441.000 passagers en 2011, le marché hexagonal devrait franchir le cap des 500.000 passagers cette année. 60% des vacanciers ont transité par Marseille, mais la croisière concerne bien d’autres ports en France, comme Ajaccio, Toulon et Le Havre, mais aussi Villefranche-sur-Mer, Cherbourg ou encore La Rochelle. « Le marché français, qui est sorti de son atonie, va continuer de croître. Les spécialistes de l’Association Française des Compagnies de Croisière estiment que nous pourrions atteindre les 800.000 passagers d’ici 2016. Marseille va, évidemment, bénéficier de cette croissance, notamment du fait de ses moyens de pré et de post acheminement (liaisons TGV, aéroport de Marignane, ndlr), qui en font un passage obligé pour le marché français ».

 

Paquebots à Marseille cet été (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

Une activité florissante mais sous tension

 

De manière globale, l’industrie de la croisière poursuit sa croissance, avec néanmoins quelques difficultés cette année, notamment en Europe. Si le secteur a, en effet, très bien résisté à la crise de 2008, alors que le tourisme en général a particulièrement souffert, les vacances en mer doivent désormais composer avec les soubresauts économiques et leurs conséquences sur le pouvoir d’achat des consommateurs. Pour beaucoup d’opérateurs, 2012 restera comme une année sinon « noire », du moins « très difficile ». Car, si en nombre de passagers, l’augmentation demeure significative, il n’en est pas de même pour les bénéfices, qui se sont de manière générale contractés. Cette situation tient d’une part au contexte économique et à son impact sur les dépenses de la clientèle, notamment la consommation à bord des navires. Mais aussi à une certaine surcapacité de la flotte, avec la livraison d’un nombre impressionnant de grands paquebots en quelques années seulement, engendrant une concurrence exacerbée et un regain de tension sur les prix. Le naufrage du Concordia le 13 janvier n’a fait qu’aggraver les choses, non qu’il ait dissuadé les clients de partir en croisière, mais cet évènement tragique a interrompu l’action commerciale des compagnies jusqu’en mars, entrainant par la suite une vague sans précédent de rabais afin de rattraper le retard pris par les ventes et remplir les bateaux pour la saison estivale.  Tout l’enjeu est donc aujourd’hui, pour les opérateurs, de retrouver un niveau correct de rentabilité, ce qui ne peut passer que par un retour à des tarifs raisonnables. En cela, 2013 pourrait constituer une opportunité en Europe  puisque le nombre de nouveaux paquebots devant entrer en service est moins important, et que certaines compagnies ont décidé de redéployer une partie de leurs flottes vers d’autres régions émergeantes, comme l’Asie. Un appel d’air est donc envisageable l’an prochain pour rééquilibrer l’offre et la demande, permettant, il faut l’espérer, d’apaiser la tension régnant actuellement sur le marché.

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