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Arrivée de nouvelles capacités, évolutions de différents marchés sur lesquels travaille Costa Croisières, acceptabilité de paquebots de plus en plus gros, initiatives pour réduire les émissions polluantes…

A l’occasion de la livraison la semaine dernière du Costa Venezia, nous avons interviewé Niel Palomba, président de la compagnie italienne.  

MER ET MARINE : Avant le Venezia, le dernier paquebot neuf mis en service par Costa était le Diadema, fin 2014. Pourquoi avoir attendu si longtemps avant de recevoir un nouveau navire ?

NEIL PALOMBA : Il ne faut pas voir Costa comme une seule compagnie. C’est un groupe qui compte trois marques : Costa Europe, Costa Asia et AIDA en Allemagne. Depuis 2014, nous avons bel et bien continué d’investir, mais nous avons fait le choix de construire de nouveau bateaux sur le marché où la croissance était la plus importante. Ce marché c’est l’Allemagne, qui est devenu le premier d’Europe et a connu la croissance la plus rapide.

AIDA a en effet réceptionné trois paquebots depuis 2016, portant sa flotte à 13 navires, auxquels s’ajoutent les 15 désormais en service chez Costa et Costa Asia. Comment évoluent les différents marchés à travers le monde ?

L’Europe est poussée par l’Allemagne, qui bénéficie d’une économie forte et occupe une position de leader dans l’industrie de la croisière. C’est un marché où nous sommes très présents, qui a connu une forte progression et continue à grossir. Vient ensuite le marché britannique, le second d’Europe, qui est en croissance et où nous avons une position assez forte et de belles opportunités. Et puis il y a bien sûr l’Italie, la France et l’Espagne, où il y a un grand potentiel de développement, avec aussi une recomposition du marché suite à la sortie de Croisières de France et d’Iberocruceros. Globalement, nous sommes confiants sur tous les marchés européens car la croisière, qui offre le meilleur rapport qualité/prix, a encore un taux de pénétration faible par rapport à l’ensemble des voyages organisés. Notre objectif reste de convaincre les gens de faire une croisière pour la première fois pour découvrir cette expérience. Après, ils reviennent naturellement.

Qu’en est-il justement du taux de répétiteurs?

Les études que nous menons montrent que 95% de nos clients se disent satisfaits. Et globalement, la moitié des passagers sont des gens qui ont déjà fait au moins une croisière auparavant.

La situation s’améliore-t-elle sur le marché sud-américain, qui est réputé complexe et a connu des difficultés ces dernières années ?

Nous y avons une grosse activité avec actuellement deux navires dans cette région, un au Brésil et un en Argentine, mais il est vrai qu’il est difficile de faire du business en Amérique du sud. Cependant, les choses sont en train d’évoluer favorablement et nous allons pouvoir mettre de la capacité dans un environnement plus facile. Les gouvernements et les ports ont en effet compris l’intérêt pour les économies locales de développer la croisière.

Et il y a bien entendu l’Asie, où vous allez exploiter le nouveau Costa Venezia avec trois autres navires déjà sur place. Bien que ce marché n’ait pas eu une croissance aussi rapide qu’escomptée ces dernières années, demeure-t-il stratégique ? N’est-il pas, finalement, trop imprévisible ou compliqué pour des armateurs occidentaux ?

L’Asie ce n’est pas compliquée, c’est une opportunité extraordinaire. Le marché potentiel est énorme si l’on considère le nombre de Chinois qui voyagent pour leurs vacances, soit 146 millions, dont seulement 2.5 millions de croisiéristes l’an dernier. Je suis persuadé que l’Asie deviendra dans les 10 à 15 ans le premier marché mondial de la croisière.

Vous exploitez aujourd’hui depuis la Chine des paquebots pour des croisières régionales en Asie. Envisagez-vous de dédier à l’avenir des navires à la clientèle chinoise sur des itinéraires internationaux, par exemple en Europe ?

Nous ne prévoyons pas de dédier exclusivement des navires à cet effet. Quand les Chinois viennent sur nos croisières internationales, ils le font aussi pour l’expérience que cela leur apporte, c’est une valeur ajoutée pour eux.

Concernant l’évolution de la flotte, vous avez aujourd’hui, outre le sistership du Venezia qui sera livré à Costa Asia l’année prochaine, uniquement en commande des paquebots de plus de 180.000 tonneaux et 5000 passagers en base double. L’avenir est-il uniquement à des mastodontes de cette taille ou Costa sera aussi amenée à construire des bateaux plus petits ?

Tout dépend du marché. Le groupe Carnival compte dix compagnies très différentes, qui vont des navires ultra luxe de Seabourn aux grands bateaux que nous exploitons. Le futur sera sans doute de continuer de construire des navires d’au moins 2000 cabines.

Une certaine partie de la clientèle, habituée à des unités de moyenne taille, ne risque-t-elle pas de bouder ces gros bateaux ?

En fait, la taille des paquebots n’est pas un problème, ni le nombre de cabines et donc de passagers à bord. Ce n’est pas ça qui compte. Sur l’AIDAnova, par exemple, il y a plus de 6000 personnes à bord et on ne s’en rend pas compte. Ce qui est important pour les passagers et les agents de voyages, c’est que ces grands navires, qui offrent d’énormes espaces, permettent de bénéficier d’une variété d’expériences nettement plus grande, sans avoir l’impression d’avoir autant de gens à bord.

La question environnementale devient prépondérante dans la société et la croisière est régulièrement montrée du doigt à cause des rejets atmosphériques produits par les moteurs des navires. Le groupe Costa est le premier au monde à mettre en service des paquebots fonctionnant au Gaz Naturel Liquéfié, carburant qui permet d’éliminer ou de réduire drastiquement les émissions. L’AIDAnova a été le premier du genre à entrer en service fin 2018, puis il y aura à la fin de cette année le Costa Smeralda et au moins trois autres suivront d’ici 2023. Ces navires au GNL constituent une réponse évidente aux problématiques environnementales. Mais il reste les bateaux plus anciens. Peut-on en convertir certains avec une propulsion au gaz ? Sinon, quelles sont les solutions, en dehors des systèmes de lavage des fumées déjà installés pour traiter les rejets sulfurés ?

Nous investissons continuellement dans l’environnement et, en effet, l’arrivée des premiers navires fonctionnant au gaz est une avancée majeure. Il est cependant très difficile de convertir des navires existants et ce n’est pas une option que je pense possible. Il faut donc assurer une transition, car ces bateaux ont une durée de vie et, au bout d’un moment, tous les nouveaux navires fonctionneront au GNL ou avec d’autres solutions respectueuses de l’environnement. C’est le futur, dans une quinzaine d’années. En attendant, il y a d’importants efforts consentis dans la R&D, par exemple sur les batteries, une technologie dont nous suivons avec attention le développement et que nous allons expérimenter sur le prochain navire d’AIDA. Nous voulons aussi développer le courant quai, qui permet aux navires d’arrêter leurs générateurs lorsqu’ils sont en escale et, ainsi, stopper toute émission durant ces périodes. Le Costa Venezia est équipé en ce sens et pourra se brancher sur le réseau électrique terrestre lorsqu’il sera à Shanghai. Le Costa Smeralda sera aussi doté des systèmes nécessaires et nous regardons comment retrofiter nos navires existants pour leur permettre de recevoir le courant quai. Ce n’est cependant pas simple, pas tant pour équiper les navires, mais du fait qu’ils demandent beaucoup d’énergie. Tout dépend donc de la capacité des villes et des ports à pouvoir fournir le courant nécessaire. Et il faut en plus, si l’on veut être logique jusqu’au bout et vraiment vertueux, que cette électricité terrestre soit une énergie propre.

L’acceptabilité du développement de la croisière par les populations des ports visités passe par la question environnementale mais aussi, manifestement, par la taille des paquebots. Ceux-ci sont de plus en plus gros et pas moins d’une trentaine d’unités de plus de 5000 passagers vont entrer en service dans les prochaines années. Et ils seront souvent positionnés sur les mêmes itinéraires. Comment pourra-t-on gérer les afflux massifs de passagers dans certains ports quand plusieurs de ces mastodontes feront escale simultanément ?

Prenons l’exemple de Venise, où l’on a beaucoup parlé de la croisière concernant la problématique de sur-tourisme. La réalité, c’est que la croisière représente chaque année 1.5 million de passagers à Venise, dont la moitié embarque et débarque sur place. Un chiffre à comparer aux 25 millions de personnes qui visitent la ville chaque année. La croisière ne représente donc que 5% de ces visiteurs et donc le vrai problème ce ne sont pas ces 5% mais les 95 autres.

Reste quand même que la démultiplication des très gros navires peut poser de sérieux problèmes en termes d’infrastructures, ne serait-ce par exemple que pour les flux de circulation liés aux excursions…

Les ports sont prévenus deux ans à l’avance de nos escales, ils ont donc le temps de s’organiser. Je rappelle aussi qu’ils ne peuvent accueillir qu’un nombre limité de navires, défini par leurs infrastructures. Mais nous allons travailler avec eux, ainsi qu’avec les régions et les acteurs locaux du tourisme, afin d’optimiser les flux et, par exemple, proposer de nouvelles excursions pour éviter de saturer certains sites. Il s’agit d’avoir une vraie stratégie en matière de mobilité, y compris en soutenant le développement de moyens de transport propres, comme le train ou les bus électriques.

Vous n’avez donc pas d’inquiétude quant à un risque de limitation du développement de la croisière dans certaines zones ?

C’est dans notre intérêt commun de faire en sorte que les choses se passent bien. Quand un paquebot visite un port, les passagers qui descendent génèrent des retombées importantes, c’est un vrai levier économique puisque les études montrent que ces retombées sur les économies locales sont en moyenne de 80 euros par passager et par port visité. Mais bien entendu, il faut que ce développement se fasse de manière durable, ce à quoi nous nous employons.

 

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