Bloqués sur les navires depuis le début de la crise sanitaire, des dizaines de milliers de personnels travaillant dans la croisière sont encore dans l’attente de pouvoir rentrer chez eux, certains étant à bord depuis maintenant plus d’un an. La situation reste extrêmement difficile pour de nombreux membres d’équipage, tant sur le plan financier que psychologique, mais heureusement le calvaire s’achève pour certains.
Après des mois d’attente, des milliers d'employés indiens de différentes compagnies ont enfin pu, ces derniers jours, regagner leur pays. Pour cela, ils ont été nombreux à devoir traverser la moitié de la planète par la mer, l’Inde limitant drastiquement depuis mars les rapatriements par voie aérienne de ses ressortissants. Face à cette situation, plusieurs armateurs ont mobilisé une partie de leur flotte pour assurer le rapatriement des salariés, non seulement indiens mais également des personnels d’autres nationalités qui étaient eux aussi dans l’impossibilité de rentrer à leur domicile. Des milliers de membres d’équipage ont, dans cette perspective, été transbordés entre des dizaines de navires, avec un regroupement par nationalités et zones géographiques de destination des bateaux. Ils ont ensuite débuté un long voyage, parfois entrecoupé d’étapes pour embarquer d’autres personnels, ou en débarquer selon les régions traversées, avant d’arriver à destination. Les périples les plus longs sont partis des Etats-Unis le mois dernier et doivent s’achever d'ici juillet en Asie du sud-est, en passant par l’Europe (ou l’Afrique du sud) et l’Inde.
Pour rapatrier ses personnels indiens, le groupe américain RCCL a, par exemple, mobilisé les paquebots Anthem of the Seas et Celebrity Infinity. Le premier a mené à bien sa mission et est reparti de Bombay le 19 juin pour remonter vers la Méditerranée. Quant au second, lui aussi parti de la Zone USA-Bahamas, il était pour mémoire passé le 21 mai à Saint-Nazaire pour récupérer 130 Indiens de l’équipage du Celebrity Apex, avant de faire comme l’Anthem of the Seas une halte à Gibraltar et poursuivre vers le port indien de Goa, dont il est parti le 20 juin pour remonter vers Mumbai.
L’un des trois paquebots de Pullmantur a également mené une opération de rapatriement de personnels indiens. Il s’agit de l’Horizon, en provenance des Emirats arabes et qui est arrivé à Mumbai jeudi dernier, avant de repartir dans l’autre sens avec Oman comme destination annoncée.
Leader mondial de la croisière, le groupe américain Carnival Corporation, qui comptait environ 13.000 employés indiens sur la centaine de navires de ses différentes marques, a quant à lui mobilisé cinq paquebots. Le Veendam, d’Holland America Line, a ainsi rallié Cochin, d’où il est reparti le 12 juin pour rejoindre le Djakarta et y débarquer des personnels indonésiens. Quatre paquebots de Carnival Cruise Line ont également permis de rapatrier des personnels indiens. Le Carnival Splendor fait maintenant route vers Singapour après avoir quitté le 18 juin Mumbai, où le Carnival Liberty est au mouillage depuis plusieurs jours. Le Carnival Fascination était quant à lui arrivé le 17 juin à Mumbai et en est reparti hier, cap également vers Singapour. Son jumeau le Carnival Ecstasy, en provenance lui-aussi des Etats-Unis via le cap de Bonne Espérance, est arrivé hier à Mumbai. Les seuls Liberty, Fascination et Ecstasy ont permis de ramener dans leur pays quelques 3500 membres d’équipage indiens. Alors que 5500 autres ont pu rentrer en Inde depuis la mi-mai sur une quinzaine de vols affrétés par l’armateur, les plus de 7000 qui attendaient encore doivent tous rentrer chez eux d’ici le début du mois de juillet, grâce notamment à ces rapatriements par voie maritime.
La situation demeure néanmoins difficile pour d’autres cas, par exemple pour les 600 personnels indiens des paquebots de la compagnie britannique Cruise and Maritime Voyages présents au Royaume-Uni. Choqués suite à l’annonce du décès de l’un des leurs sur le Vasco de Gama le 17 juin, ces personnels indiens réclament leur rapatriement immédiat, certains ayant même débuté une grève de la faim à bord de l’Astoria, qui doit partir au Portugal. Une action qui s’inscrit dans le sillage de l’appel de la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF), qui a exhorté les marins internationaux ayant dépassé leur temps d’embarquement à cesser le travail et à se mobiliser pour exiger leur rapatriement. Chez CMV l’affaire a pris une tournure juridique puisqu’après avoir inspecté six navires de la compagnie, les garde-côtes britanniques ont décidé une saisie sur cinq d’entre eux jusqu'à résolution des problèmes constatés. La Maritime and Costaguard Agency (MCA) évoque notamment des contrats de travail expirés, des arriérés dans les paiements de salaires et des personnels présents à bord depuis plus de 12 mois. La compagnie explique de son côté qu’elle met tout en œuvre pour rapatrier ses personnels mais, comme les autres opérateurs, est confrontée depuis trois mois aux restrictions drastiques des possibilités de transport aérien et n’a pas encore pu trouver de solution pour tous. L’Inde en particulier pose problème et la pression internationale s’accentue sur New Delhi pour que le pays facilite les retours par avions.
Mais cette situation touche de nombreux autres pays et nationalités, qu’il s’agisse d’équipages de paquebots ou de navires de commerce, pour lesquels les relèves sont encore très compliquées. Ainsi, l’Organisation Maritime Internationale estime qu’à la mi-juin, 70.000 personnels employés à la croisière sont encore en attente de rapatriement, alors que 300.000 marins doivent chaque mois prendre l’avion dans le cadre des relèves d’équipage sur les navires marchands qui représentent une flotte mondiale de 60.000 bateaux armée par un million de marins.
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