Son annonce n’est pas passée inaperçue dans le Landerneau de la croisière. En décembre dernier, le capitaine et entrepreneur norvégien Rolf Sandvik annonçait le lancement de Northern Xplorer, la première compagnie de croisière zéro-émission. Il affiche ses ambitions avec l’annonce d’une série de 14 navires d’une capacité de 300 passagers, destinés à des croisières non seulement non polluantes mais également basées sur un tourisme plus local et plus authentique.
Alors évidemment, dans le milieu feutré de la croisière de luxe, et plus largement de la construction navale, l’annonce a fait son petit effet. Rolf Sandvik a bien conscience d’évoluer dans un milieu où le conservatisme règne encore. « En 2014, quand nous avons décidé de lancer le premier navire à passagers zéro-émissions dans les fjords, nous avons beaucoup entendu que c’était impossible. 16 mois plus tard, le Vision of the Fjords sortait des chantiers Brødrene Aa » raconte-t-il à Mer et Marine.
Là où il y a une volonté, il y a un chemin. Avec, en Norvège, un environnement peut-être plus favorable qu’ailleurs en matière d’innovation navale. Le fameux esprit de communauté qui règne, « concurrents quand il le faut, confrères le reste du temps ». « Ici, il n’y a pas de barrières entre les entreprises, les organismes gouvernementaux, les universités. On se parle beaucoup. Ce qui motive les gens c’est de trouver des solutions et des entreprises, même concurrentes, s’entraident. C’est ce qui a mené au succès des navires de The Fjords. En très peu de temps, le chantier a réussi à rassembler plein de personnes douées et compétentes. Et ce qui semblait infaisable a été réalisé. Nous avons tenté notre chance et cela a fonctionné ».

(© NORTHERN XPLORER)
C’est précisément cet esprit d’innovation et d’audace qui anime Rolf Sandvik dans sa nouvelle aventure. Ancien commandant de paquebots et ayant occupé plusieurs postes de responsabilités dans des compagnies de croisière, il réfléchit depuis longtemps à l’avenir de ce type de tourisme et comment le transformer dans un modèle plus vertueux. « Northern Xplorer est une évolution naturelle de The Fjords. Non seulement, il est absolument nécessaire que le transport à passagers devienne plus vert mais c’est aussi un business model qui fonctionne ».
La clientèle des croisières de luxe est exigeante. Voir des destinations ne lui suffit plus. Ce sont désormais les « expériences » qui sont recherchées. Et aussi, de plus en plus, son intérêt se porte sur le bilan environnemental de ce voyage. « Il y aura toujours une clientèle pour ce segment de luxe. Alors il est intéressant de lui proposer un voyage plus vertueux, que ce soit en terme environnemental ou en termes d’impact local. « Bien sûr, nos navires vont fonctionner avec des énergies renouvelables, de l’hydrogène, des panneaux solaires. Mais nous allons aussi essayer de proposer une nouvelle façon de découvrir une région. Un tourisme différent, des transits courts, des produits et une cuisine exclusivement locaux pour garantir là-aussi un bilan carbone responsable, des acticités authentiques ». Le premier navire de Northern Xplorer devrait naviguer sur la côte norvégienne d’ici deux à trois ans. « Bien sûr, nous allons naviguer dans les fjords et observer les aurores boréales mais nous allons aussi proposer des dîners chez l’habitant. Des embarquements sur un bateau de pêche pendant la saison du skrei avec un chef local qui expliquera comment préparer ce poisson. Les passagers doivent pouvoir être immergés dans la culture locale et la découvrir au-delà des classiques cartes postales. Et le tout sans avoir besoin de faire des heures de route ». Pour les pré et post acheminements, une compensation carbone sera mise en place dès que possible.
La même exigence devrait se retrouver dans la construction des navires. La consultation des chantiers, « en Norvège et à l’étranger », est en cours. Rolf a déjà fixé des critères sur les matériaux qui serviront à construire les bateaux, « de l’aluminium recyclé ou encore par la location et non l’achat de matériaux qui pourront être recyclé, comme certains fournisseurs le proposent déjà ».
Rolf va loin. Il sait déjà que sa série de navires ne reproduira pas à l’identique des sister-ships. « Nous allons suivre les évolutions technologiques. Nous ne pourrons sans doute pas fonctionner exclusivement à l’hydrogène pour les premières unités, notamment pour les transits. Mais ce sera sans doute le cas dans quelques années. Nous sommes donc prêts à faire évoluer nos spécifications techniques ». Il en est certain ce nouveau modèle est celui de l’avenir de la croisière de luxe. « Et son succès sera encore plus important que celui de The Fjords ». Un ou plusieurs navires de la série seront destinés au marché français. Dans cette perspective, Rolf Sandvik envisage de travailler avec des investisseurs français et peut-être de construire dans un chantier hexagonal.
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