Aucune décision officielle n’a encore été annoncée mais il semble bien que les jours de la compagnie espagnole Iberocuceros soient désormais comptés. Alors que l’un de ses deux derniers paquebots, le Grand Celebration, sera transféré en novembre prochain dans la flotte de Costa Croisières, l’ultime navire d’Iberocruceros, le Grand Holiday, pourrait selon certaines sources être vendu. La compagnie espagnole, qui ne donne aucune programmation au-delà de novembre 2014, serait alors mise en sommeil.
Cette société est contrôlée depuis 2007 par le groupe Carnival Corporation suite à un accord avec le voyagiste ibérique Orizonia et la branche croisière d'Iberojet, qui exploitait depuis 2003 le Grand Mistral et depuis 2004 le Grand Voyager. La flotte d’Iberocruceros avait été renforcée en 2008 avec le Carnival Celebration, transféré par Carnival Cruise Line, puis en 2010 avec le Carnival Holiday, autre unité provenant de CCL. Ces deux navires étaient devenus les Grand Celebration et Grand Holiday. Quant à la compagnie espagnole, elle avait été intégrée au groupe Costa, (également filiale de Carnival Corporation), qui la gère aux côtés de l’armement italien Costa Croisières et de l’Allemand AIDA Cruises.

Le Grand Celebration va devenir Costa Celebration (© COSTA CROISIERES)
L'effondrement du marché espagnol depuis la crise de 2008
Au même titre que son grand concurrent Royal Caribbean avec Pullmantur, Carnival, via Iberocruceros, comptait surfer sur l’essor significatif de la croisière en Espagne, devenue le quatrième marché européen. Les choses se sont néanmoins gâtées à partir de 2008, la crise financière, puis économique, touchant de plein fouet la péninsule ibérique. L'Espagne a vu le nombre de ses croisiéristes s’effondrer de 19% depuis 2009, passant de 587.000 passagers cette année là à seulement 475.000 en 2013. Et la situation ne s’est pas améliorée puisque le marché national a enregistré l’an dernier un nouveau recul de 18% par rapport à l’année précédente, elle-même déjà en retrait de 18% au regard de 2011.

Le Grand Mistral est devenu Costa neoRiviera en 2013 (© COSTA CROISIERES)
Dans ces conditions, tous les opérateurs ont réduits leurs capacités. C’est ainsi que le Grand Voyager a été basculé dans la flotte de Costa en 2011 (il y a été exploité jusqu’à l’automne 2013 avant d’être vendu en Chine). Puis ce fut au tour, l’an dernier, du Grand Mistral, devenu Costa neoRiviera, alors que le Grand Holiday, déployé en Méditerranée occidentale, a commencé à embarquer des passagers en France et en Italie afin de compléter son remplissage et tenter de séduire des clientèles étrangères avec le produit d’Iberocruceros.
La réduction de voilure et la tentative d’ouverture à d’autres marchés ne semblent donc pas avoir été suffisantes, entrainant la décision de transférer le Grand Celebration chez Costa et, in fine, de suspendre probablement les activités de la filiale espagnole en fin d'année. De l’aveu même de la direction du groupe, en novembre 2013, deux navires était en effet un minimum critique sous lequel il ne serait plus pertinent de maintenir Iberocuceros.

Le Grand Holiday (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Recentrage sur le produit international offert par la flotte de Costa
La fin présumée de la compagnie espagnole est, d’ailleurs, d’autant plus logique qu’elle rejoint la stratégie globale de Costa, consistant à se concentrer (en dehors du marché allemand avec AIDA) sur sa principale filiale. Bien qu’Italienne, celle-ci s’adresse en effet à une clientèle internationale avec un produit pouvant être facilement customisé pour les principales nationalités présentes à bord. Ainsi, les Espagnols, qui sont notamment avec les Français les principaux clients de Costa après les Italiens, bénéficient déjà, sur les navires de la compagnie, de personnels parlant leur langue et de multiples efforts de traduction (journaux de bord, menus, animations, excursions, annonces...) Autre avantage, la flotte de Costa Croisières comprend une quinzaine de paquebots, dont une partie très récente, avec une offre bien plus large, notamment au niveau de la diversité des itinéraires.

Le Costa Luminosa (© MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE)
Aujourd’hui, le groupe italien considère que son produit répond aux attentes de tous les marchés, la clientèle pouvant trouver son compte chez Costa sans avoir nécessairement besoin d’une offre purement nationale. Et l’armateur est d’autant plus enclin à suivre cette voie qu’elle simplifie grandement l’exploitation et la logistique de l’outil naval du groupe, tout en améliorant sa rentabilité. La seule exception est encore une fois l’Allemagne, qui bénéficie d’un important volume en étant le second marché d’Europe et, surtout, d’une clientèle bien particulière ayant globalement un pouvoir d’achat assez élevé. Des facteurs qui justifient économiquement le développement d’AIDA avec des paquebots dédiés et spécialement conçus pour le marché germanique.
C’est pourquoi, au regard des difficultés rencontrées sur le marché espagnol, il semble donc temps pour Carnival de mettre un terme à son aventure ibérique. Car il est aujourd’hui plus intéressant pour le groupe Costa de développer les ventes espagnoles sur les navires de sa principale filiale plutôt que de maintenir un produit local dont la pertinence économique n’est, pour le moment, plus avérée.