Tête de série du programme des bâtiments multi-missions (B2M), le D’Entrecasteaux a appareillé hier de Brest pour rejoindre Nouméa, où il sera basé à compter de cet été. Surveillance et protection des espaces maritimes, lutte contre la pêche et les trafics illicites, sauvetage en mer et assistance aux navires en difficulté, dépollution, soutien logistique, projection d’une force armée, évacuation de ressortissants, missions humanitaires… Le D’Entrecasteaux est, comme l’appelle son commandant, un véritable « couteau suisse », conçu pour faire face à des situations extrêmement variées. Avec ses trois futurs sisterships, il va permettre à la Marine nationale de renouveler et renforcer, enfin, ses capacités Outre-mer, où le besoin de nouvelles unités se fait cruellement sentir depuis plusieurs années, en particulier en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie.

Le D'Entrecasteaux (© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)
« Une très belle réussite »
A la passerelle du D’Entrecasteaux, le capitaine de corvette Benoit Bariller, pacha du premier B2M, ne cache pas sa satisfaction et son enthousiasme : « Ce bâtiment est une très belle réussite. Nous avions besoin de renouveler nos moyens Outre-mer avec la rupture capacitaire liée au retrait du service de deux bâtiments de transport léger, mais aussi le report du programme BATSIMAR (bâtiments de surveillance et d’intervention maritime, ndlr). C’est pourquoi les B2M arrivent à point nommé pour remplir toute la palette des missions dévolues à la marine dans les grands espaces maritimes ultramarins ». Ces missions comprendront notamment la surveillance et la protection de la zone économique exclusive autour de la Nouvelle-Calédonie (1.36 million de km²), où la France a besoin de sa marine pour faire respecter sa souveraineté.

Le D'Entrecasteaux (© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)
Une plateforme robuste et endurante inspirée des remorqueurs offshore
Premier bâtiment livré par Kership, société commune de Piriou (55%) et DCNS (45%), le D’Entrecasteaux arbore une imposante étrave et une vaste plage arrière qui rappellent le design habituel des supply, ces navires de service à l’offshore très robustes, endurants et polyvalents dont le B2M est inspiré. Long de 65 mètres pour une largeur de 14 mètres, il présente un déplacement lège de 1500 tonnes, qui atteint 2300 tonnes à pleine charge. « Grâce à son poids, sa largeur, son tirant d’eau (4.2 mètres, ndlr) et un système de stabilisation passif en U qui compense le mouvement de balancier à chaque roulis, il tient bien la mer, comme on a pu le constater cet hiver au large de la Bretagne, où les conditions météo n’étaient pas particulièrement clémentes », explique le commandant.

Le D'Entrecasteaux (© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)
Une propulsion très classique
Côté propulsion, le D’Entrecasteaux fait dans le classicisme. Ici, pas de diesel-électrique. Le bâtiment dispose de deux moteurs diesels Cummins de plus de 2000 cv chacun avec un alternateur attelé entrainant deux lignes d’arbres. S’y ajoutent deux diesels-générateurs pour compléter la production électrique et un troisième en secours, situé au-dessus du pont principal conformément aux normes SOLAS (les B2M sont construits selon la règlementation civile). « Cela nous offre une redondance électrique très importante et nous avons même, en plus, un système d’alimentation sans interruption qui, en cas de black-out total, nous donne 30 minutes d’autonomie sur batterie afin d’alimenter notamment les systèmes de communication ». Doté de deux hélices à pas variable, le d’Entrecasteaux se montre très manoeuvrant grâce à son propulseur d’étrave, très utile en particulier pour les manœuvres portuaires, mais aussi son gouvernail, constitué de deux safrans Becker avec bords articlés permettant d’accentuer le mouvement de giration.

Compartiment machines du D'Entrecasteaux (© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)
Pilote automatique et positionnement dynamique
Le bâtiment bénéficie d’un pilote automatique et d’un système de positionnement dynamique (DP1), qui est le bienvenu pour maintenir une position, par exemple au cours de la mise à l’eau et la récupération d’embarcations. « C’est aussi un atout pour stationner dans les zones naturelles protégées, où nous n’aurons pas besoin d’utiliser les ancres, susceptibles d’endommager les fonds marins ». Et puis, malgré les deux imposantes lignes de mouillage - forte chacune de 27 maillons de 12 mètres - actionnées par des guindeaux hydrauliques, « il faut se rappeler qu’Outre-mer, dans les lagons, les fonds sont rapidement très importants et ne permettent pas de mouiller ».

(© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)
Une grande autonomie
Si le B2M n’est pas un lévrier des mers, puisque sa vitesse maximale atteint seulement 14 nœuds, c’est un bateau très endurant, avec une distance franchissable de 5000 milles à 12 nœuds. Il est même possible d’embarquer des réservoirs supplémentaires pour atteindre une autonomie de 9000 milles. De quoi évoluer dans les immenses espaces océaniques ultramarins et réaliser de longues missions, le bâtiment pouvant opérer jusqu’à 30 jours sans ravitaillement.

Au poste de combat pendant le stage MECO (© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)
Armement
Pour son autodéfense, le B2M dispose sur chaque côté de la passerelle de deux postes protégés par une plaque de blindage, avec des sellettes conçues pour supporter des mitrailleuses de 12.7mm ou des affûts de 7.62mm comme l’ANF1 et la MAG 58. Le champ de battage, important, peut être complété par la mise à poste éventuelle, à l’arrière, de marins équipés de mitrailleuses légères ou fusils d’assaut. Il avait un temps été imaginé d’équiper les B2M avec des systèmes d’artillerie télé-opérés mais, finalement, le choix s’est porté sur des affûts manuels.

EDO NG (© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)
Deux embarcations semi-rigides de 7 mètres
Le D’Entrecasteaux peut également armer ses deux embarcations d’intervention semi-rigides, mises en œuvre avec leur équipage au moyen de bossoirs. Dotés d’un support pour une mitrailleuse de 7.62mm, ces EDO NG, des Zodiac de 7 mètres et 3.4 tonnes, sont capables de dépasser 30 nœuds. Ils serviront par exemple à intercepter des bateaux suspects et déployer une équipe de visite. « C’est un moyen très souple et efficace que l’on met en œuvre rapidement. Le fait de pouvoir déployer deux EDO nous permet de disposer d’une équipe de visite et de la seconde embarcation en soutien ».

A bord d'une EDO NG (© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)
Un vaste pont de travail
Toutefois, le « système d’armes » principal du B2M n’est pas militaire. Il se trouve au niveau de son pont de travail. Ce vaste espace constitue le cœur des capacités d’action du bâtiment. Conçu à l’image des remorqueurs offshore, le pont en bois, parsemé de saisines pour l’arrimage du fret, offre une surface de 220 m². Il peut accueillir jusqu’à six conteneurs de 20 pieds (EVP), deux véhicules 4x4 de type P4 ou Defender, ainsi qu’un engin de travaux publics de 12 tonnes positionné sur la zone Vertrep, située à l’arrière pour l’hélitreuillage de personnel ou de matériel. Alors que deux portes de bordé sont utilisées pour les transbordements, plusieurs panneaux donnent accès aux cales situées au niveau inférieur. Il y a là deux vastes espaces séparés par une porte étanche, aménagés avec des rayonnages et pouvant accueillir en plus de nombreuses palettes. Entre les cales et le compartiment propulsion se trouve par ailleurs un atelier permettant de réaliser à bord différentes réparations.

(© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)

(© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)
Grue et chaland
Conteneurs, véhicules et autres matériels sont manutentionnés au moyen d’une imposante grue d’une capacité de 12 tonnes à 14 mètres (ou 10 tonnes à 17 mètres). Celle-ci sert aussi à la mise à l’eau de l’embarcation de servitude, l’ « EMBSV » comme disent les marins, un chaland en aluminium de 9 mètres de long doté de deux moteurs Volvo. Grâce à cette embarcation, dotée d’une rampe à l’avant, le B2M dispose d’une capacité amphibie lui permettant de débarquer sur une plage du personnel (15 personnes en plus des 2 marins chargés de la conduite), du matériel et même des véhicules, l’EMBSV étant conçue pour pouvoir accueillir un P4 ou un Defender. « Ce chaland est très intéressant car il nous permet, en plus des EDO, de débarquer du matériel à terre et grâce à son tirant d’eau très réduit, qui n’est que de 40 centimètres, il peut franchir les récifs coralliens et nous donner accès à des îles que le bâtiment ne peut approcher ».

(© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)

(© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)
Capable de déployer des centaines de tonnes de fret
Sur bâbord du pont de travail, on trouve aussi des réservoirs à carburant largables, soit quatre fûts de 200 litres chacun. « Nos capacités de transport sont vraiment très importantes puisque le bâtiment peut embarquer plus de 220 tonnes de fret solide et 200 tonnes fret liquide. Nous pouvons donc intervenir avec du matériel lourd et offrir une vraie plus-value dans de nombreux types d’opérations, par exemple en cas de d’aide aux populations sinistrées suite à une catastrophe naturelle ». Pour donner un ordre d’idée, lorsque les forces armées françaises basées en Nouvelle-Calédonie sont intervenues au Vanuatu en 2015 après le passage du cyclone Pam, moins de 100 tonnes de fret humanitaire ont pu être expédiées malgré la mobilisation de tous les moyens disponibles à Nouméa : l’envoi de la frégate Vendémiaire, du patrouilleur La Glorieuse et des rotations effectuées par des avions de transport Casa.

Le D'Entrecasteaux (© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)
Installations médicales
En plus de ses capacités logistiques, le D’Entrecasteaux bénéficie de solides installations médicales. L’infirmerie comprend un lit médicalisé et une salle de soins avec trois places supplémentaires. En cas de besoin, il serait également possible de déployer un petit hôpital de campagne en utilisant des modules conteneurisés et en embarquant du personnel de santé. « Les territoires d’Outre-mer sont souvent situés dans des zones cycloniques et les bâtiments de la marine sont régulièrement amenés à participer à des opérations humanitaires. Les B2M se prêtent vraiment bien à ces missions car ils peuvent être projetés rapidement pour apporter un soutien médical, du matériel et des vivres. Avec la capacité d’effectuer la manutention à quai lorsque les infrastructures portuaires sont disponibles ou sur la côte avec la drome si ce n’est pas le cas », rappelle le commandant.
Projection d’une force armée et opérations spéciales
Les B2M sont, aussi, conçus pour la projection « intra-théâtre » d’une petite force avec son matériel (l’armement pouvant être stocké dans la vaste soute à munitions) et ses véhicules légers. Il peut s’agir d’un détachement de l’armée de Terre ou d’un renfort de gendarmes, par exemple dans le cadre d’une opération de maintien de l’ordre suite à des troubles sur une île. Mais ils pourront aussi servir de support aux opérations spéciales. Lors des expérimentations menées à Brest cet hiver, le pont du D’Entrecasteaux a été qualifié pour pouvoir accueillir trois ECUME (manutentionnées avec la grue). En cas de besoin, les nouvelles embarcations de 9 mètres des commandos marine et leur personnel pourraient rejoindre un B2M déployé Outre-mer par avion de transport et être récupérés en mer suite à un aéro-largage.

ECUME des commandos marine (© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)
On notera que le nouveau bâtiment multi-missions de la Marine nationale est gréé pour l’accueil de nageurs de combat. Il dispose en effet d’installations dédiées à la plongée, avec un vestiaire sec, un vestiaire humide, des espaces de stockage et d’entretien du matériel. Ces locaux donnent directement sur le pont arrière, d’où l’on accède sur tribord à une plateforme de mise à l’eau située près de la ligne de flottaison (et surmontée d’une herse rétractable pour éviter les intrusions). La « fonction plongée », qui est dimensionnée pour quatre plongeurs, ne comprend pas de caisson hyperbare. Toutefois, si cela était nécessaire, un équipement de ce type serait embarqué sous forme de module conteneurisé.
Pas de drone aérien pour le moment
Le même principe pourrait être adopté pour l’emport d’un drone aérien. Un outil qui servirait au bâtiment de capteur déporté afin d’étendre la zone de surveillance, identifier des objectifs et effectuer des missions de reconnaissance. L’intégration de la capacité drone a été étudiée lors de la conception de ces nouveaux bâtiments. Si les B2M ne dispose pas de plateforme ni de hangar pour un hélicoptère, la zone Vertrep est suffisante pour mettre en œuvre un petit drone à voilure tournante, alors que le pont est bien assez vaste pour un engin lancé au moyen d’une catapulte. Toutefois, l’emport d’un drone n’est pas encore d’actualité.

(© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)
Des locaux vie spacieux et fonctionnels
En matière de locaux vie, le D’Entrecasteaux se révèle confortable et très fonctionnel. L'équipage dispose de postes de un, deux ou quatre personnes, avec sanitaires privatifs. Il y a à bord un carré pour les officiers, une cafétéria et une salle de détente pour le reste de l’équipage. Pour les repas, tout le monde se sert à la rampe, du matelot au commandant. Derrière celle-ci, le cuisinier ne tarit pas d’éloge sur la conception de son lieu de travail. « C’est une très belle cuisine, comme dans tout le bateau il y a de l’espace et elle est très pratique. Pour l’avitaillement, nous pouvons faire une marche en avant depuis la plage arrière, qui est sur le même pont et donne accès directement à la zone de stockage des vivres ». Armé par un équipage de 23 marins, le D’Entrecasteaux est homologué pour recevoir 40 personnes.

La rampe (© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)
Deux salles de « rétention »
Une capacité qui peut en cas de besoin être étendue grâce à deux salles polyvalentes. Chacune est dotée de 10 couchettes rétractables, une table avec des chaises, ainsi que des sanitaires. Ces salles peuvent accueillir des commandos, mais aussi en cas de besoin des naufragés ou des ressortissants et même servir d’espace de rétention pour des migrants ou des individus interpellés dans le cadre de la lutte contre des activités illicites. « Ces salles peuvent être fermées et sécurisées, avec un système de vidéo-surveillance ».
Le bâtiment, qui sera amené à réaliser les traditionnelles « tournées administratives » Outre-mer, dispose également de cabines passagers, notamment une chambre « VIP » pouvant héberger une autorité. Une salle de briefing, où peuvent être installés six postes informatiques et qui dispose de moyens de communication, permet d’organiser des réunions ou d’embarquer un petit état-major.

(© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)
Assistance aux navires en difficulté
Conçu également pour l’assistance aux navires en détresse, qu’il s’agisse d’un bâtiment militaire ou d’un bateau civil, le B2M peut être utilisé comme remorqueur, avec un treuil disposant de 300 mètres de câble et une capacité de traction au point fixe de 30 tonnes. « Nous ne sommes pas l’Abeille Bourbon mais on est capable de tracter des bateaux assez importants. Nous avons fait des essais à Brest avec le navire plastron VN Partisan et un chasseur de mines, celui-ci n’ayant nécessité qu’1.5 tonne de capacité de traction. En fait, nous pourrions à minima remorquer une frégate de surveillance, qui constitue le plus gros bâtiment de la marine dans les bases Outre-mer ». Le bâtiment est également équipé, sur la partie supérieure de l’étrave, d’un renfort lui permettant, théoriquement, de servir de pousseur en s’appuyant sur la coque d’un navire en difficulté. Toutefois, les marins se montrent dubitatifs sur cette possibilité compte tenue de la hauteur de la proue et de la présence, à son aplomb, du bulbe d’étrave.

(© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)
Le B2M est, en outre, équipé d’un système de lutte contre les incendies (FiFi) avec au-dessus de la passerelle, d’où leurs mouvements sont pilotés, deux canons pouvant projeter chacun 500 m3 d’eau par heure. Pour sa propre protection contre le feu en cas d’intervention sur un sinistre en mer, le D’Entrecasteaux est en plus équipé d’un système de pulvérisation qui l’enrobe d’un brouillard d’eau.
Lutte contre les pollutions maritimes
Enfin, le bâtiment peut être employé dans le cadre d’une opération de lutte contre la pollution maritime. A Brest, il a notamment embarqué pendant la phase d’expérimentation l’ensemble du matériel utilisé par le Centre d’expertise pratique de lutte antipollution (CEPPOL) de la marine et qui sera pré-positionné Outre-mer. Il y a là des barrages flottants, des écrémeurs ou encore des produits dispersants. « Nous pouvons embarquer l’ensemble du matériel en modules conteneurisés et ce qui est intéressant, c’est que nous n’avons pas besoin d’un autre bateau pour mettre en œuvre des barrages flottants puisque nous pouvons utiliser notre embarcation de servitude pour les déployer depuis le pont arrière ». En plus du matériel embarqué en cas de pollution, on notera que le bâtiment dispose en permanence d’une cuve contenant 10.000 litres de produits dispersants, qu’il peut à tout moment déverser via des buses intégrées de chaque côté de la coque, simplement en naviguant au milieu d’une nappe d’hydrocarbures.

(© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)
Une vaste passerelle panoramique
L’ensemble des opérations est géré depuis la vaste passerelle. Très haute et panoramique, elle offre une véritable vue à 360 degrés autour du navire. La plage arrière est partiellement masquée par la grue lorsque celle-ci n’est pas déployée mais cette contrainte est compensée par la présence de caméras télécommandées qui retransmettent en passerelle une vision complète et en temps réel du pont et de ce qui s’y passe. Le bâtiment est d’ailleurs équipé d’un système complet de vidéosurveillance, qu’il s’agisse de ses extérieurs mais aussi des espaces intérieurs, à commencer par les machines, gérées directement depuis la passerelle. Le PC Propulsion, qui n’est pas isolé, sert seulement aux vérifications locales et en cas d’avarie empêchant le contrôle par le système principal.

(© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)
Globalement, la passerelle est répartie en plusieurs grandes zones. A l’arrière se trouve un pupitre de commande permettant de gérer le travail de remorquage, ainsi qu’une console portable tactile pour le positionnement dynamique, qui peut être installée sur des supports intégrés aux postes de manœuvre déportés installés sur l’aileron panoramique qui fait tout le tour de la passerelle.

(© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)
En allant vers l’avant, on trouve un espace d’où les marins supervisent les systèmes de communication, sachant qu’il manque encore au bâtiment son COMCEPT, antenne satellite qui sera protégée par un imposant radôme et dont l’installation est prévue en 2017. En attendant, le D’Entrecasteaux s’appuie sur une liaison Inmarsat dotée d’un lien vers le système Rifan 2, qui a pour fonction d'assurer les services d'échanges d'informations voix et données au sein des forces aéronavales françaises en garantissant un haut niveau de sécurité. Une demande a été formulée pour l’intégration du système d’information et de communication SIC 21 pour effectuer des partages en réseau de données classées confidentiel défense. En attendant, les informations sensibles sont transmises « manuellement » vers l’extérieur par le biais des liaisons sécurisées au PC Telec.

(© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)
Un autre espace de la passerelle rassemble les équipements du système mondial de détresse et de sécurité en mer (SMDSM) doublés d’un système SENIN de cartographie numérique (ECDIS). Ce dernier comprend trois consoles, la première à ce niveau dans un espace servant à la préparation des missions et aux briefings, la seconde et la troisième étant réservées au barreur-veilleur et au chef de quart.

La passerelle de nuit durant le stage MECO (© MARINE NATIONALE)

Ceux-ci travaillent sur la partie avant de la passerelle, d’où ils peuvent contrôler l’ensemble du bâtiment. En plus des commandes des gouvernes et de l’appareil propulsif, ainsi que les répétiteurs des radars (deux Sperry Marine) et les écrans des sondeurs (il y en a trois sur ce bateau), les marins disposent d’un système de supervision automatique qui gère l’ensemble de la sécurité du navire : alarmes, situation des portes étanches, lutte contre les incendies, vannes de ballastage… « C’est un bâtiment très simple à gérer et sa conduite ne nécessite que trois personnes : un chef de quart, un adjoint et un barreur veilleur, le chef mécanicien ayant un système de communication permettant d’assurer une astreinte alors qu’il n’y a personne en machine », explique le commandant du D’Entrecasteaux.

(© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)

(© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)
Des marins peu nombreux mais très qualifiés
Grâce aux automatismes, l’équipage n’est donc que de 23 marins, ce qui est peu compte tenu du nombre impressionnant de capacités dont le B2M dispose. « Dès que l’on fait quelque chose, tout le monde est mobilisé. Le personnel est multi-qualifié », souligne le commandant en second. Le D’Entrecasteaux, c’est un bateau de techniciens, avec trois officiers seulement et une forte proportion d’officiers-mariniers. « Les gens ont de l’expérience, ils ont souvent la trentaine et sont généralement loin d’en être à leur premier embarquement », assure un second-maître. Porte-avions, frégates, avisos, BPC, bâtiments hydrographiques, unités logistiques… Lorsque l’on discute avec les hommes et femmes du D’Entrecasteaux, on se rend en effet compte qu’ils ont une solide expérience, ce qui semble assez impératif sur ce bateau dont l’équipage doit être à son image : polyvalent.

B. Bariller et M. Ruf, commandants des équipages A et B du D'Entrecasteaux (© MER ET MARINE - VG)
Deux équipages pour naviguer jusqu’à 250 jours par an
Comme sur d’autres unités modernes armées avec des effectifs réduits, les journées sont donc très remplies et, les B2M étant conçus pour naviguer jusqu’à 250 jours par an, il a été décidé d’y affecter deux équipages, le A et le B. Une formule déjà éprouvée sur d’autres bateaux de la flotte, comme le bâtiment hydro-océanographique Beautemps-Beaupré ou le patrouilleur hauturier L’Adroit. Les marins se relaieront à bord tous les quatre mois. « L’objectif est de faire un maximum de mer et d’être complètement disponible pour pouvoir intervenir rapidement. L’équipage qui n’est pas à bord effectue, pendant sa période de quatre mois à terre, des entrainements, de la formation, des taches organiques, la préparation des prochaines missions et des arrêts techniques ou encore le soutien à quai de l’équipage embarqué ».
Batral (© MARINE NATIONALE)
Du Batral au B2M
A Nouméa, le D’Entrecasteaux va succéder au bâtiment de transport léger (Batral) Jacques Cartier, retiré di service en 2013 et dont le désarmement n’a pas pu être compensé plus tôt. Longs de 80 mètres, les Batral, dont cinq exemplaires ont été livrés à la marine française entre 1974 et 1987 (deux seulement sont encore opérationnels aux Antilles et à La Réunion, le Dumont d’Urville et le La Grandière), des unités amphibies, capables de s’échouer sur une plage et d’y débarquer des troupes et des véhicules, y compris des chars légers. Ils ont été conçus durant la guerre froide, spécifiquement pour assurer la protection des territoires d'outre-mer. A cet effet, les Batral devaient, à l'époque, pouvoir mettre en oeuvre une compagnie d'intervention Guépard de l'armée de Terre, soit 140 soldats et 12 véhicules, dont des blindés.

Batral (© MARINE NATIONALE)
Même si, dans les faits, le D’Entrecasteaux et ses sisterships vont prendre la relève des Batral, le commandant Bariller se veut très clair : « Le B2M n’est pas le remplaçant du Batral, c’est un outil différent, plus adapté aux besoins d’aujourd’hui. Nous avons certes perdu une partie de la capacité amphibie qu’offraient les Batral, mais en réalité nous ferons beaucoup plus de choses et, comme vous avez pu le constater en naviguant avec nous, les bâtiments multi-missions portent vraiment bien leur nom ».
Passage aux Antilles et en Polynésie avant d’atteindre Nouméa
Alors que le D’Entrecasteaux va poursuivre la vérification de ses capacités militaires lors de son long transit vers la Nouvelle-Calédonie, son équipage, qui suivi en mars un stage intense de mise en condition opérationnelle, est désormais apte à assurer tout type de missions. Le premier B2M profitera de ce long positionnement de deux mois et demi, via le Cap Vert et le canal de Panama, pour s’arrêter aux Antilles et en Polynésie française (Marquises, Tahiti, Wallis et Futuna). Des exercices sont prévus avec les forces armées qui y sont stationnées pour que celles-ci anticipent l’arrivée des prochains bâtiments de ce type. Le D’Entrecasteaux devrait également faire escale en Colombie et au Guatemala, ainsi qu’à Clipperton, afin d’affirmer la souveraineté de la France sur cette petite île déserte située au large du Mexique.

(© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)

(© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)
Deux autres B2M livrés dans l’année qui vient
Le second B2M, le Bougainville, dont les essais à quai ont débuté à Concarneau avant sa première sortie en mer, rejoindra en fin d’année Papeete. Viendra ensuite le Champlain, qui ralliera en 2017 La Réunion. Quant au quatrième bâtiment, prévu pour Fort-de-France, il doit être commandé cette année à Kership en vue d’être opérationnel aux Antilles fin 2018/début 2019.

Le D'Entrecasteaux (© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)

Le D'Entrecasteaux (© MER ET MARINE-VINCENT GROIZELEAU)