Premières livraisons en cette fin d’année pour les aéronautiques navales mexicaine et indonésienne, contrat géant convoité avec la marine indienne et sérieux prospects en Amérique latine, au Moyen-Orient et en Afrique… La dernière évolution de l’hélicoptère Panther connait des débuts prometteurs.
L’AS565 MBe est l’ultime évolution d’une prestigieuse lignée, celle de la version militaire de la famille Dauphin, dont plus d’un millier d’exemplaires ont été vendus à plus de 200 clients dans 72 pays, totalisant 5.8 millions d’heures de vol. L’un des plus célèbres clients de la machine française est l’US Coast Guard, avec ses 101 Dolphin, dont le plus grand « fait d’arme » restera l’évacuation de 12.500 personnes par une quarantaine de machines suite au passage de l’ouragan Katrina en 2005.
Un design encore très moderne
Alors que le premier vol du Dauphin date de 1972, l’appareil, dans ses versions civiles et militaires, a connu depuis plus de 40 ans de nombreuses améliorations et mises à niveau technologiques. Imaginé à l’origine par les ingénieurs de Sud Aviation (d’où son nom initial de SA 365), puis d’Aérospatiale pour le Panther (1er vol en 1984), son design, particulièrement réussi et clairement en avance sur son temps, conserve à cette machine une étonnante jeunesse.

AS365 MBe mexicain (© : AIRBUS HELICOPTERS - ERIC RAZ)
Sur le gigantesque site Airbus Helicopters de Marignane, où quelques 10.000 personnes travaillent, dont 8500 salariés de l’hélicoptériste, les nouveaux AS565 MBe croisent ainsi, sans dépareiller, des machines à la conception plus moderne. Il y a là des NH90, des Tigre, des H225M, des H175… les hélicoptères sortent des halls d’assemblage, vont à leurs points de tests ou rejoignent la « flight line », là où les appareils, arborant ou non leur livrée finale suivant leur stade d’avancement, réalisent leurs premiers essais au sol, puis en vol, mènent leurs campagnes de développement, leurs qualifications ou leurs tests de réception.

Le quatrième AS565 MBe mexicain sur la Flight line (© : MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Mexicains et Indonésiens réalisés de front
Parmi ces machines en mouvement, il y a plusieurs Panther de nouvelle génération, destinés au Mexique et à l’Indonésie. La marine mexicaine a pris livraison le 28 septembre du premier des 10 hélicoptères de ce type qu’elle a commandés en 2014. Trois autres suivront d’ici la fin de l’année, les six derniers devant intégrer la marine mexicaine d’ici le début de l’année 2018. L’Indonésie, de son côté, a commandé 11 AS565 MBe, qui équiperont également ses forces navales et dont les trois premiers seront réceptionnés en novembre (les derniers en 2018). Les hélicoptères rejoindront l’Indonésie où PTDI assurera l’intégration des derniers systèmes, dont le sonar trempé HELRAS (Helicopter Long-Range Active Sonar) et les dispositifs de mise en œuvre de torpilles A244-S qui équiperont 2 des 11 machines, gréées pour la lutte anti-sous-marine.

MBe indonésien (© : MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

Le second MBe mexicain conduit à la Flight line (© : MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Une chaine d’assemblage finale dédiée à ces deux programmes a été aménagée à Marignane. « Nous menons les deux programmes de front avec une production simultanée pour le Mexique et l’Indonésie. Nous avons mis en place un process et des moyens spécifiques afin d’optimiser et d’accélérer la production, qui va être d’un peu plus d’une machine par mois en moyenne », explique Janick Blanc, responsable des programmes Dauphin et EC155 chez Airbus Helicopters. Ce jour-là, les techniciens s’activent sur deux appareils indonésiens, au stade de l’assemblage final, alors qu’un tracteur vient chercher un troisième Panther, mexicain cette fois et arborant une livrée impeccable, pour l’emmener vers la flight line où se trouve déjà l'un de ses homologues, pas encore peint.

Janick Blanc (© : MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
La ligne d’assemblage Dauphin se prépare au H160
Cet espace dédié aux deux programmes est physiquement séparé de la ligne d’assemblage Dauphin/Panther, située à un autre endroit du site et dont une partie est actuellement en travaux. Airbus Helicopters y aménage, en effet, l’unité d’assemblage expérimentale du tout nouvel H160. Souvent présenté comme le successeur du Dauphin, cet appareil très innovant, dont un prototype a réalisé son premier vol en juin 2015, doit voir sa production débuter l’an prochain en vue d’une mise en service fin 2018/début 2019. Les enjeux de l’industrialisation son énormes puisque le constructeur veut réduire de moitié la durée d’assemblage et qu’avec le H160, Airbus va pour la première fois déployer sur un programme d’hélicoptères le concept d’interdépendance qui a fait le succès de ses avions. Ainsi, l’Allemagne produira le fuselage, l’Espagne la poutre de queue et la France les éléments dynamiques, Marignane accueillant la chaine d’assemblage finale et réalisant les essais.

H160 (© : AIRBUS HELICOPTERS)
« Il y a encore un gros potentiel pour le Panther »
Si Airbus Helicopters fonde de très grands espoirs dans le H160, son aîné n’a pas encore abattu toutes ses cartes, comme le prouve la profonde modernisation dont il vient de bénéficier. « Il y a encore un gros potentiel pour le Panther, notamment en Inde, avec un projet de 110 hélicoptères légers pour la marine. Mais nous avons aussi de sérieux prospects en Amérique latine, au Moyen-Orient et en Afrique », précise Janick Blanc. Le projet indien est, bien entendu, suivi comme le lait sur le feu par Airbus, qui espère un coup d’accélérateur maintenant que le contrat Rafale, considéré comme prioritaire par New Delhi, est maintenant signé. Pour l’heure, le projet NUH (Naval Utility Helicopter) a fait l’objet d’une demande d’information (Request for information – RFI) de la part des autorités indiennes en juin 2015. Et les candidats internationaux s’attendent au lancement de la phase suivante, la RFP (Request for proposal), dans les six prochains mois. Dans le cadre de la politique « Make in India », au moins 50% des futurs hélicoptères devront être produits en Inde, où se trouvera la chaine d’assemblage finale. Dans cette perspective, Airbus s’est allié au groupe indien Mahindra Aerospace. L’accord de coopération prévoit que ce dernier fournisse notamment les éléments d’aéro-structure des MBe puis, progressivement, les industriels locaux devraient monter en puissance dans la fourniture des différents composants.
La chaine de production en Inde à l'avenir ?
A terme, si bien-sûr le nouveau Panther est retenu par la marine indienne et en fonction des commandes enregistrées, Airbus envisage éventuellement de délocaliser en Inde l’assemblage final de tous les hélicoptères de ce type qu’il sera amené à vendre. Il s’agirait d’une initiative voisine de ce qui se prépare en Roumanie, où l’ensemble de la production des H215 (anciens Puma) doit être transférée afin de concurrencer les hélicoptères russes avec une machine simple réalisée à des coûts très compétitifs en Europe de l’Est. A l’avenir, la France prévoit logiquement de se concentrer sur les machines de dernière génération, comme le H160, où la valeur ajoutée est la plus forte. Certaines pièces clés, comme les moteurs, boites de transmission et rotors, pourront toutefois rester produites en France, comme c’est le cas aujourd’hui pour différents programmes, dont les H225M réalisés au Brésil.
Plus de 150 Panther en service
Alors que plus de 150 AS565 Panther sont déjà en service dans plusieurs marines (France, Maroc, Mexique Chili, Emirats Arabe Unis, Bulgarie), les forces armées saoudiennes et brésiliennes ainsi que les garde-côtes américains et coréens, la nouvelle version suscite déjà beaucoup d’intérêt, d’autant que le programme se déroule conformément au calendrier. « La production et la livraison à l’heure du nouveau MBe est un signe très positif pour les clients potentiels. Entre le prototype et le premier de série, nous cumulons déjà 350 heures de vol, ce qui donne une bonne maturité au produit ».

Le premier AS565 MBe, livré le 28 septembre (© : MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Une vraie cure de jouvence
La modernisation dont vient de bénéficier le Panther a, en fait, été profonde et constitue une véritable cure de jouvence. La version MBe, qui succède au modèle MB, introduit en 2002 et amélioré en 2009, est équipée d’une avionique et de systèmes de nouvelle génération. L’hélicoptère, qui passe de 4.3 à 4.5 tonnes (2.4 tonnes à vide), a également été remotorisé, avec deux turbines Arriel 2N de Turbomeca (Safran), certifiées en 2014 et offrant une puissance de 800 kW, nettement supérieure aux Arriel 2C (625 kW) équipant précédemment les Panther. Il en résulte des performances accrues, par exemple dans les pays chauds et à haute altitude. Capable d’attendre la vitesse de 278 km/h, l’AS365 MBe peut franchir 780 km, et même jusqu’à 1100 km avec un réservoir supplémentaire, soit par exemple un trajet sans escale de la pointe Bretagne à l’extrême nord de l’Ecosse.

L’hélicoptère a été doté d’une nouvelle boite de transmission principale, d’un système numérique de régulation des moteurs (dual channel FADEC), d’un pilote automatique 4 axes de dernière génération, ainsi que d’un VEMD (Vehicle and Engine Multifonction Display) avec FLI (First Limit Indicator) permettant aux pilotes de disposer de tous les paramètres des moteurs et de l’appareil. A ce titre, le tableau de bord a été réorganisé afin une présentation plus simple des informations. « Tous les nouveaux systèmes viennent d’autres hélicoptères et sont éprouvés. L’ensemble permet de réduire la charge de travail des pilotes et d’améliorer la sécurité. Il y a beaucoup d’intelligence et la nouvelle planche de bord permet de pouvoir garder les yeux sur l’extérieur. Elle a été nettement simplifiée, le VEMD permettant par exemple de remplacer cinq cadrans par un seul. Le nouveau cockpit présente seulement au pilote ce sur quoi il doit se concentrer », explique Tim Williams, responsable du segment Naval Militaire chez Airbus Helicopters.

Tim Williams (© : MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Un hélicoptère très marin
Ancien de la Royal Navy, cet ex-pilote de Lynx et de Sea King rappelle que le Panther est un hélicoptère véritablement conçu pour être embarqué sur différents types de bâtiments, y compris des plateformes de relativement faible tonnage. Et cela dans des conditions musclées : « Il peut décoller avec un roulis de plus ou moins 7 degrés et un tangage de 2 degrés, et apponter avec un harpon avec un roulis de 16 degrés et un tangage de 2 degrés, le tout avec un vent pouvant aller jusqu’à 50 nœuds de face et 35 nœuds de travers ».
Pouvant être gréé avec différents systèmes d’aide à l’appontage et au maintien sur la plateforme (par exemple un harpon sur les Panther français ou un système de crochet sur les appareils mexicains), le MBe est adapté aux usages prolongés dans un environnement maritime. Il dispose d’une partie supérieure de queue (plus haute que le rotor) repliable afin de faciliter son accueil dans un hangar.

Le fenestron d'un AS565 MBe (© : MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
L’appareil est, en outre, très robuste et offre un excellent niveau de survivabilité. Alors que les quatre pales en composite souple ont, lors de tests, décapité des poutres de bois de 200mm d’épaisseur sans rompre, les opérations militaires ont permis d’éprouver la résistance de l’appareil sous le feu adverse. Ainsi, le fenestron, carénage abritant en bout de queue le rotor anti-couple, a continué de fonctionner malgré des impacts de munitions de 7.62 et même 12.7mm.

Panther sur une frégate française (© : MARINE NATIONALE)
Tout le spectre des missions maritimes
Capable de transporter 10 passagers en plus de ses deux pilotes, le MBe, grâce à ses nouvelles turbines, gagne comme on l’a vu en puissance ce qui est, note Tim Williams, « important pour les performances de la machine et les capacités d’emport en passagers et en armement ». Conçu comme une plateforme extrêmement polyvalente, le Panther peut, rappelle l’ancien pilote britannique, « réaliser l’ensemble du scop des missions maritimes », de la protection des zones économiques exlusives à la lutte antinavire et anti-sous-marine, en passant par la chasse aux trafiquants et aux pirates, ou encore le déploiement de commandos. Equipé d’un puissant treuil, cet hélicoptère est, notamment, un outil très précieux pour le sauvetage en mer et le MBe dispose à ce titre de nouveaux modes SAR (search and rescue) automatiques permettant en particulier de ne pas perdre le paterne de recherche.

Panther et commandos marine français (© : MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE)
Pouvant être doté d’un puissant radar de surveillance maritime et d’un système optronique, afin de détecter, identifier et poursuivre une cible, l’hélicoptère est aussi apte au combat. Il peut transporter des troupes, par exemple dans le cadre d’opérations spéciales vers la terre ou de contre-terrorisme maritime, et embarquer un armement assez conséquent et varié. Alors qu’un tireur d’élite peut déployer une arme par les deux portes coulissantes de la cabine, l’appareil peut aussi être gréé avec une mitrailleuse de 12.7mm ou même un canon de 20mm, ou encore des roquettes.

Dauphin avec une maquette de l'ANL (© : DGA)
Missiles antinavire légers
Il sera également en mesure de mettre en œuvre le nouveau missile antinavire léger franco-britannique (ANL/Sea Venom), appelé à succéder au Sea Skua, à l’AS-12 (retiré du service en 1995) et à l’AS-15 TT. Débutés en décembre 2015, les tests de séparation puis de tirs de ce nouveau missile héliporté ont été confiés à la France, qui les réalise justement à partir d’un Dauphin du centre DGA Essais en Vol de la Direction Générale de l’Armement.

Panther équipé d'une torpille (© : AIRBUS HELICOPTERS)
Lutte anti-sous-marine
En dehors de la lutte antisurface, le Panther, qui peut bénéficier d'un système d'autodéfence avec leurres anti-missiles, est aussi utilisé pour la chasse aux sous-marins, avec différentes configurations. « Il peut embarquer une ou deux torpilles légères (Mk46, MU90, A244-S, Stingray, ndlr), quatre bouées acoustiques actives ou passives, ainsi qu’un sonar trempé », précise Tim Williams, qui rappelle avec un sourire que la lutte ASM, « c’est tout un art ». Concernant le sonar trempé, il peut s’agir d’une antenne HELRAS DS-100 du groupe L-3, option retenue par l’Indonésie, mais aussi de la version compacte du FLASH de Thales. Dans ce cas, l’hélicoptère est équipé d’un système de déploiement (treuil et enrouleur) ainsi que d’une console de mission installée dans la cabine afin de permettre à un opérateur de suivre les détections sous-marines. Le dispositif complet est néanmoins assez encombrant pour un appareil léger. C’est pourquoi la plupart des marines utilisant le Panther dans une fonction ASM se contentent généralement des torpilles, tirées sur des échos relevés par d’autres moyens, comme le bâtiment porteur, ou sur la base des relevés issus des bouées acoustiques.

Sonar trempé HELRAS DS-100 (© : L-3 OCEAN SYSTEMS)

Panther de la marine française (© : MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE)