Le chantier cherbourgeois CMN a procédé hier à la cérémonie de mise à l’eau des deux premiers d’une série de 38 intercepteurs commandés par l’Arabie Saoudite. L’évènement s’est déroulé en présence d’officiels saoudiens et de medias du royaume, mais pas de la presse française ni de membres du gouvernement. Il faut dire que le sujet demeure tendu dans l’Hexagone, sur fond de polémique autour des ventes d’armes à Ryad et de leur utilisation potentielle dans le conflit au Yémen.
Dans les tuyaux depuis cinq bonnes années, ces intercepteurs ont finalement été commandés en 2018. Des bateaux en aluminium de 32 mètres de long pour 6 mètres de large du type HSI 32, un modèle déjà réalisé à six exemplaires par le constructeur normand pour le Mozambique. La propulsion de ces derniers leur permet de dépasser la vitesse de 43 nœuds, la barre des 47 nœuds ayant été largement franchie pendant les essais, où tous les matériels n’étaient cependant pas embarqués.
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July 24, 2019
On ne connait pas les caractéristiques et performances exactes des HSI 32 saoudiens mais la mise à l’eau du premier permet de constater que leur armement principal est apparemment un Narwhal, canon télé-opéré de 20mm produit par la société française Nexter. Ils embarquent par ailleurs sur une rampe arrière un semi-rigide d'environ 5 mètres.

(© MINISTERE SAOUDIEN DE LA DEFENSE)

(© MINISTERE SAOUDIEN DE LA DEFENSE)
Sur les 39 intercepteurs commandés par l’Arabie Saoudite, 21 seront fabriqués à Cherbourg, les autres étant réalisés à Dammam en transfert de technologie. Un accord avec le groupe saoudien Zamil Offshore Services a été signé en ce sens.
En dehors de ces intercepteurs, qui représentent trois ans de travail pour CMN, Cherbourg réalise aussi trois grands patrouilleurs lance-missiles du type La Combattante FS 56 pour la marine saoudienne. La construction a débuté en 2017 en vue d’une livraison à partir de 2020, le projet ayant néanmoins été pour le moment arrêté dans l'attente d'une décision finale quant aux équipements dont seront dotés ces bateaux. Il s’agit des bâtiments de 56 mètres initialement commandés par le Liban (en 2015) dans le cadre du défunt programme DONAS, qui devait être financé par les Saoudiens et portait sur de nombreux matériels militaires français (bateaux, hélicoptères, véhicules, missiles…). Toutefois, compte tenu de la situation complexe au Levant et de l’influence grandissante du Hezbollah, hostile à l’Arabie Saoudite, Ryad a décidé en 2016 de suspendre le contrat tel que prévu, tout en reprenant à son compte les commandes signées, moyennant certaines évolutions. DONAS est alors devenu le programme SFMC (Saoudi French Military Contract).

Le modèle habituel de La Combattante FS 56 (© CMN)
Ces 41 unités produites sous l’égide de CMN vont porter à 120 le nombre de bateaux militaires vendus depuis 2015 par les chantiers français à l’Arabie saoudite. Il faut en effet y ajouter les 79 intercepteurs du type 1650 FIC réalisés par le constructeur girondin Couach pour les garde-côtes saoudiens. Livrés entre 2016 et 2018, ces bateaux en composite de 16.5 mètres équipés d’artillerie légère sont capables de dépasser la vitesse de 60 nœuds.
On peut également ajouter la rénovation par Naval Group des principales frégates de la marine saoudienne, des unités également produites en France, à savoir les trois F3000 entrées en service entre 2002 et 2004, ainsi que deux des quatre F2000 mais aussi les ravitailleurs Boraida et Yunbou, mis en service entre 1984 et 1986. Ce programme de modernisation doit s'achever en 2020.
Des contrats qui impliquent évidemment un certain nombre d’équipementiers français, à commencer par l’électronicien Thales et le missilier MBDA.
La France n’est toutefois pas l’unique fournisseur des forces navales saoudiennes, loin s’en faut. Le chantier allemand Lürssen a notamment remporté en 2015 un contrat géant avec le ministère saoudien de l’Intérieur : jusqu’à 140 bateaux de 15 à 90 mètres (intercepteurs, vedettes, patrouilleurs, unités de soutien…), dont les 79 intercepteurs sous-traités à Couach.
Mais c’est l’Espagnol Navantia qui a décroché le « gros lot » l’an dernier avec l’entrée en vigueur d’un contrat portant sur cinq corvettes de 100 mètres et 2500 tonnes lourdement armées. La construction de la tête de série a débuté en janvier dernier à Cadix, en vue d’une livraison en 2022.