Les prochaines semaines s’annoncent socialement tendues chez DCNS. C’est aujourd’hui, à Paris, que la direction va engager les discussions avec les représentants du personnel sur le plan de performance annoncé cet été. Un premier rendez-vous au travers duquel les participants sont censés trouver un accord de méthode en vue de conduire les futures négociations.
Pour mémoire, le plan de performance vise à améliorer la rentabilité de l’entreprise et accroître sa compétitivité dans un contexte de concurrence internationale de plus en plus rude. DCNS entend ainsi être plus efficace, voir ses coûts de fonctionnement réduits et dégager les marges de manœuvre nécessaires pour financer la modernisation de son outil industriel et renforcer ses activités de R&D, l’innovation étant un facteur crucial de différenciation.
Un départ sur deux remplacé
Pour y parvenir, le groupe prévoit différentes mesures, à commencer par une réduction importante de ses effectifs, la première depuis une quinzaine d’années. Aujourd’hui, DCNS, qui emploie 13.130 collaborateurs, enregistrera sur la période 2015-2018 quelques 2000 départs naturels, liés aux mises en retraite et aux dispositifs amiante. Une démographie qui lui permet d’éviter tout plan de licenciement et d’adopter le système de l’administration française ou d’autres grandes sociétés : seul un poste sur deux devrait être renouvelé. C’est-à-dire que, d’ici quatre ans, seuls 1000 nouveaux collaborateurs seront recrutés, entrainant une réduction des effectifs globaux à environ 12.000 personnes. Comme annoncé en juillet par son président, Hervé Guillou, DCNS veut diminuer le nombre de postes dans les fonctions administratives et de support, pour concentrer ses recrutements sur la production et les études.
Plan de départs volontaires et filialisations
D’après les syndicats, la réduction des effectifs pourrait également passer par un plan de départs volontaires, notamment des ouvriers d’Etat via les IDV proposées par le ministère de la Défense. Une hypothèse qui fait partie des documents de travail reçus par les organisations mais qui ne serait pas encore actée par la direction. En revanche, DCNS souhaite clairement réduire sa main d’œuvre en filialisant un certain nombre d’activités liées au soutien des sites. Ainsi, quelques 230 collaborateurs appartenant aux 10 établissements hexagonaux de DCNS seraient transférés à Défense Environnement Services (DES). Cette société créée avec Veolia en 2009 et qui propose ses prestations (logistique, services aux occupants, nettoyage, transport, gestion des déchets, fourniture d’électricité…) sur des sites industriels, travaille actuellement à Creil, pour les implantations de la DGA à l’île du Levant et à Toulon, ou encore au CEA à Valduc. Avec 230 personnes de plus en provenance de DCNS (pour moitié des ouvriers d’Etat devant pour 50% d'entre eux partir à la retraite dans les trois ans), DES ferait plus que doubler ses effectifs, aujourd’hui forts de 200 salariés.
Réorganisation du temps de travail et mobilités géographiques
Les négociations sur le plan de performance doivent par ailleurs porter sur la réorganisation du temps de travail au sein de l’entreprise, ainsi que sur la mobilité géographique. La réorganisation de l’entreprise va, en effet, entrainer des transferts de personnel. Le site d’Issy-les-Moulineaux, où travaillent une centaine de personnes, va ainsi fermer ses portes et voir ses équipes travaillant sur les énergies marines déménager vers Brest alors que celles planchant sur le nucléaire civil rejoindront Indret, près de Nantes. Les directions de programmes, basées aujourd’hui au siège parisien, vont aussi faire leurs cartons (FREMM vers Lorient et Barracuda vers Cherbourg par exemple). Il en serait de même pour certains collaborateurs de Bagneux, un site que la direction avait un temps envisagé de fermer, avant d'y renoncer. En tout 250 à 270 personnes devraient tout de même quitter la région parisienne pour rallier la province.
D’après les syndicats, le plan de performance comprendrait par ailleurs un accord dit « expérimental » sur la compétitivité et l’emploi. Couvrant la période allant jusqu’à 2018, il serait censé, explique l’UNSA, « aider à anticiper les variations de charges de travail, notamment par la mobilité collective inter-établissements de nombreux personnels … voire des « migrations » externes à DCNS, le recours éventuel au chômage partiel, l’utilisation du CET (compte épargne temps, ndlr)»
Les syndicats réservent leur participation aux négociations
Face à ces perspectives, les personnels et leurs représentants sont sur le qui-vive. Dès cet été, la CGT s'est vivement opposée au projet de transfert de personnels vers DES. Alors que de nouvelles actions sont prévues ce mardi dans différents établissements, la CGT, la CFDT et l’UNSA devraient faire une déclaration commune. Au sein des organisations syndicales, on se montre en tous cas très réservé, voire hostile, et on attend de la direction qu’elle entre dans les détails et précise de nombreux points. L’UNSA a d’ores et déjà manifesté son désaccord avec ce projet, qu’elle qualifie de « traitement de choc » et considère « unilatéral ». Le syndicat dénonce en notamment le manque de temps alloué aux négociations, que la direction espère débuter fin septembre et boucler d’ici décembre en vue d’une mise en œuvre de son plan au premier semestre 2016. A la CFDT également, on rejette toute précipitation : « Nous voulons du temps pour évaluer la pertinence de ce plan. Des experts mandatés par le Comité d’entreprise doivent pouvoir analyser la situation économique de l’entreprise et nous permettre de juger si les mesures proposées sont nécessaires ». Et le syndicat de réserver à ces exigences sa décision de participer ou non aux négociations.