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Vendredi 23 novembre, la Marine nationale a réceptionné l’Aquitaine, tête de série du programme des frégates multi-missions (FREMM). DCNS, qui a conçu et réalisé ce bâtiment, l’a officiellement livré à l’Organisation Conjointe en matière de Coopération d’Armement (OCCAR) au nom de la Direction Générale de l’Armement (DGA), qui a délégué à cet organisme européen la maîtrise d’ouvrage des 11 FREMM françaises. Du lancement du programme en octobre 2005 à cette livraison, en passant par la mise sur cale de l’Aquitaine, en décembre 2007, son lancement en avril 2010, le début des essais en mer un an plus tard et, entre temps, la mise en chantier de ses premiers sisterships, cela fait plus de 7 ans que DCNS et ses partenaires travaillent sur cet ambitieux programme. « Grâce à ses capacités de conception, de construction et d’intégration de systèmes innovants, DCNS a créé une nouvelle référence mondiale en matière de systèmes navals de surface. Nous nous félicitions de la livraison de la première frégate FREMM à la Marine nationale. Cette réussite conforte les ambitions internationales du groupe, dont les systèmes navals de surface suscitent plus que jamais l’intérêt de nombreuses marines étrangères »,  explique Vincent Martinot-Lagarde, directeur des programmes FREMM.

 

La FREMM Aquitaine (© DCNS)

 

Des bâtiments plus économiques que leurs aînés

 

Pour DCNS, l’Aquitaine représente un grand défi industriel et technique. Le groupe français a, en effet, conçu un bateau de guerre très innovant et doté de technologies de pointe, notamment en matière d’électronique et d’armement. Mais le bâtiment se distingue aussi par un évident souci de réduction des coûts d’utilisation. Ainsi, son niveau d’automatisation, très élevé, permet de limiter l’équipage à 108 marins (détachement aérien compris), moitié moins que les frégates de la génération précédente. Pour la marine,  le coût d’exploitation des bâtiments, constitué pour une part importante des soldes de l’équipage, sera donc significativement diminué. Il en sera de même pour le poids financier de la maintenance. Les FREMM ne nécessiteront un grand carénage de six mois que tous les dix ans, contre un arrêt technique majeur de quatre mois tous les trois ans pour les frégates des types F67 et F70. Les périodes d'entretien courant seront elles-aussi diminuées, avec seulement deux à trois mois d'Indisponibilité pour Entretien (IE) tous les trois ans.

 

La passerelle de la FREMM Aquitaine (© DCNS)

 

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© DCNS
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Le Central Opération de la FREMM Aquitaine (© DCNS)

 

Concentré de technologie

 

L’armement sera, également, nettement plus puissant que celui des actuelles frégates. Les FREMM pourront, ainsi, mettre en œuvre 16 missiles surface-air Aster 15, 16 missiles de croisière naval (MDcN/Scalp Naval) et 8 missiles antinavire Exocet MM40 Block3, tous fournis par MBDA, une tourelle de 76mm OTO-Melara, deux canons télé-opérés de 20mm Narwhal de Nexter (non encore installés) et des tubes lance-torpilles pour MU90 (Eurotorp). Sans oublier l’embarquement d’un hélicoptère NH90 et à l’avenir de drones. Côté électronique, l’Aquitaine dispose d’un radar multifonctions Herakles, d’un sonar de coque UMS 4110 CL et d’un sonar remorqué Captas 4, livrés par Thales, ainsi que d’importants moyens de guerre électronique (brouilleurs, détecteur, intercepteur de transmissions, lance-leurres NGDS, leurres antitorpille…) L’ensemble est géré par un système de combat de nouvelle génération, le SETIS, développé par DCNS. Afin d’éviter les difficultés rencontrées lors de précédents programmes, le groupe français s’est appuyé sur des plateformes d’intégration à terre afin de faciliter la mise en service et la capacité à travailler de concert des différents équipements. Cette organisation a permis au programme d’être globalement à l’heure, ce qui constitue un beau tour de force compte tenu de sa complexité.

 

La FREMM Aquitaine (© DCNS)

 

La FREMM Aquitaine (© DCNS)

 

Un bâtiment très polyvalent

 

Longue de 142 mètres pour une largeur de 20 mètres, l’Aquitaine, dotée de formes furtives pour réduire sa surface équivalente radar, présente un déplacement de 6000 tonnes en charge. Capable d’atteindre la vitesse de 27 nœuds sur turbine à gaz (LM2500+G4), elle s’appuie pour les transits et les petites vitesses, notamment les opérations de lutte ASM, sur une propulsion diesel-électrique particulièrement silencieuse. A cet effet, elle est dotée de quatre moteurs diesels (MTU) et de deux moteurs électriques de propulsion (Jeumont). Une propulsion de secours est également disponible, avec un propulseur rétractable (Brunvoll) permettant au bâtiment, au cas où sa propulsion principale serait hors service, de rejoindre un port à la vitesse de 6 nœuds.

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

Le sonar remorqué Captas 4 de l"Aquitaine  (© MER ET MARINE - V. GROIZELEAU)

 

L'Aquitaine tirant une torpille MU90 d'essai (© DCNS)

 

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© DCNS

Le BPC Dixmude et la FREMM Aquitaine (© DCNS)

 

La FREMM Aquitaine (© MARINE NATIONALE)

 

Totalement polyvalente, l’Aquitaine pourra mener des actions de défense aérienne (autodéfense ou protection à courte portée d’unités escortées), de lutte antinavire et d’attaque de cibles terrestres littorales (artillerie et Exocet dotés d’un mode GPS) mais aussi très éloignées (le Scalp Naval présente une portée d’environ un millier de kilomètres), ce qui constitue une première pour un bâtiment de surface européen. La lutte anti-sous-marine sera, également, l’une des grandes spécialités de la frégate, qui aura notamment pour mission de protéger les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) de la Force océanique stratégique (FOST), ainsi que le porte-avions Charles de Gaulle et les bâtiments de projection et de commandement (BPC) au sein d'un groupe aéronaval ou amphibie. C'est pourquoi elle dispose des meilleurs sonars embarqués disponibles sur le marché et, avec le NH90 doté du sonar trempé FLASH et de torpilles MU90, elle formera un couple redoutable pour chasser les sous-marins adverses.

On notera, par ailleurs, que le bâtiment pourra mettre en œuvre deux embarcations rapides et dispose de logements pour 37 passagers, par exemple des forces spéciales.

 

NH90 sur l'Aquitaine (© MARINE NATIONALE)

 

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© MARINE NATIONALE

NH90 sur l'Aquitaine (© MARINE NATIONALE)

 

Un programme en coopération qui a évolué depuis 2005

 

Pour mémoire, ce programme est mené en coopération avec l’Italie, expliquant le fait qu’il soit géré par l’OCCAR. Toutefois, contrairement aux frégates Horizon, précédemment livrées à la Marine nationale et la Marina militare, Paris et Rome ont, cette fois, opté pour une coopération beaucoup moins intégrée, se limitant finalement à l’achat en commun de gros équipements, notamment au niveau de la propulsion. Pour le reste, les FREMM italiennes (6 commandées, 10 prévues) et françaises sont très différentes, qu’il s’agisse de l’électronique et de l’armement, mais aussi du design.

 

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© ORIZZONTE SISTEMI NAVALI

FREMM italienne (© ORIZZONTE SISTEMI NAVALI)

 

Depuis le lancement du programme en 2005, la partie française a significativement évolué. Initialement, 17 FREMM devaient être commandés, avec deux versions : une à dominante anti-sous-marine et l’autre dédiée à l’action vers la terre (avec notamment un petit radier pour la mise à l’eau d’embarcations rapides par le tableau arrière, en lieu et place du sonar remorqué de la version ASM). Huit frégates ASM devaient être construites pour remplacer les F67 (Tourville) et F70 ASM (Georges Leygues), ainsi que 9 AVT pour succéder aux avisos du type A69. Pour des questions budgétaires, le programme a, néanmoins, été totalement remis à plat à l’occasion du Livre Blanc sur la défense de 2009. La version AVT a été abandonnée, le renouvellement des avisos étant renvoyée à plus tard (il fait désormais partie d’un projet de 18 nouveaux patrouilleurs hauturiers devant aussi remplacer d’autres bâtiments, comme les P400 et l’Albatros).

 

Frégate du type F70 ASM (© DROITS RESERVES)

 

Frégate du type F67 (© MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE)

 

Frégate du type F70 AA (© MARINE NATIONALE)

 

Aviso du type A69 (© MARINE NATIONALE)

 

Seules 11 FREMM ont été conservées, trois FREMM étant notifiées en 2009 pour s’ajouter aux 8 commandées en 2005. Avec une subtilité puisque, si les 9 premières, de la classe Aquitaine, doivent remplacer nombre pour nombre les frégates des types F67 et F70 ASM, les deux dernières seront différentes. Appelées FREDA, elles doivent remplacer en 2021 et 2022 les frégates antiaériennes Cassard et Jean Bart (type F70 AA), auxquelles devaient initialement succéder deux Horizon supplémentaires, finalement abandonnées car jugées trop onéreuses. Différentes de l’Aquitaine, les FREDA embarqueront 32 missiles Aster 15 et Aster 30 (les 16 cellules supplémentaires étant prises sur celles dévolues aux Scalp Naval, qu’elles ne mettront donc pas en œuvre), ainsi que des moyens de détection aérienne renforcés. A ce titre, elles disposeront soit d’un radar Herakles plus puissant, soit d’un nouveau radar à quatre faces planes Sea Fire 500 installé dans une mâture intégrée. C’est le nouveau design qu’a dévoilé en octobre DCNS, qui a travaillé sur ce sujet avec Thales, afin de présenter la nouvelle FREMM ER (Extended Range) proposée pour le moment à l’export.

 

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© DCNS

La FREMM ER avec mâture intégrée et radar SF 500 (© DCNS)

 

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© DCNS

La FREMM ER avec mâture intégrée et radar SF 500 (© DCNS)

 

La marine française attend 10 autres frégates d’ici 2022

 

Huit sisterships de l’Aquitaine et deux FREDA sont donc en cours de construction ou commandés. Le site DCNS de Lorient, qui a bénéficié d’importants investissements pour moderniser son outil industriel et mener à bien le programme, est le berceau de ces frégates. La Normandie, mise à flot le 18 octobre, devrait débuter ses essais en mer à la fin de l’année prochaine et sera la première à tirer un missile de croisière naval, en 2014. La Provence est en cours d’assemblage dans la forme de construction lorientaise. Quatrième frégate française, la Languedoc a vu sa construction débuter en septembre 2011 et figure aujourd’hui à l’état de blocs en pré-armement. Quant à la première tôle de la frégate suivante, qui sera baptisée Auvergne, elle a été découpée au mois d’août. Suivront l’Alsace, la Bretagne et la Lorraine, dont les mises sur cale sont prévues entre 2013 et 2015, puis les trois derniers bâtiments, dont les deux FREDA, dont on attend toujours l’attribution des noms. Les sisterships de l’Aquitaine doivent être mis en service d’ici 2020, les FREDA suivant en 2021 et 2022. Les nouvelles frégates de défense aérienne seront basées à Toulon, de même que les Provence, Languedoc, Auvergne et Alsace. Les cinq autres FREMM auront Brest pour port d’attache.  

 

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© DCNS

La FREMM Aquitaine quittant Lorient (© DCNS)

 

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© MARINE NATIONALE

La FREMM Aquitaine à Brest (© MARINE NATIONALE)

 

Différentes variantes pour l’export

 

En plus du marché français, FREMM représente également une activité et un fort potentiel à l’export pour DCNS. Commandé en 2008 par le Maroc, la première frégate de ce type vendue à l’international est en cours d’achèvement à Lorient. Des problèmes techniques sur l’appareil propulsif ont retardé les essais en mer du futur Mohammed VI mais le bâtiment, second dans le plan de charge industriel de DCNS (entre l’Aquitaine et la Normandie) devrait être livré comme prévu en 2013. Le groupe français espère décrocher d’autres commandes de FREMM à l’export. En dehors de la Grèce, dont la situation économique ne permet plus de lancer son programme de 6 nouvelles frégates, différentes versions de la FREMM sont proposées à plusieurs pays, dont le Brésil, l’Arabie Saoudite et le Canada. Modulaire, la frégate est présentée dans plusieurs configurations. C’est le cas de la FREMM ER, mais DCNS a également travaillé sur l’intégration de nombreux équipements comme des missiles VL Mica en plus des Aster, une tourelle de 127mm en lieu et place du 76mm (solution qui pourrait être retenue pour certaines FREMM françaises), ou encore un canon télé-opéré de 35mm Oerlikon Millennium sur le toit du hangar. Ce dernier peut également être double pour l'embarquement de deux machines ou d'un hélicoptère et un drone aérien (UAV).

 

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© DCNS

FREMM avec double hangar, 127mm et Millennium (© DCNS)

 

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© DCNS

Mise à l'eau de la FREMM marocaine en septembre 2011 (© DCNS)

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