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Malgré la perte de deux contrats de MCO au profit de STX France, qui pose question et appelle des réactions comme on le verra plus loin, DCNS a enregistré une très belle année dans le domaine des services. Ceux-ci représentent en effet 40% des prises de commandes du groupe en 2016, qu’il s’agisse de contrats nationaux ou de l’international. « 2016 fut une excellente année pour DCNS, en particulier dans le domaine des services. Cela préfigure d’ailleurs de notre niveau d’activité au cours des deux prochaines années, au cours desquelles les services vont représenter plus de 40% de la charge, en particulier grâce au second arrêt technique majeur du Charles de Gaulle et à la refonte du SNLE Le Téméraire », se félicite Nathalie Smirnov. Pour la directrice de la division Services du groupe naval, « ces bons résultats sont liés à l’amélioration continue des processus, à l’adaptation de l’outil industriel de DCNS et de ses sous-traitants, ainsi qu’à une écoute accrue des clients ».

Malaisie, Maroc, Egypte et Arabie Saoudite

Sur le plan international, le groupe poursuit son développement. En Malaisie, la première indisponibilité périodique pour entretien et réparations (IPER) du sous-marin Tunku Abdul Rahman, livré en 2009, a débuté au mois de janvier sur la base de Kota Kinabalu et bat son plein actuellement : « C’est une très belle expérience de transfert de compétences et les équipes locales montent en puissance, avec de plus en plus de Malaisiens au sein de BDNC, notre filiale commune avec Boustead. Nous achèverons ce chantier fin 2017 et enchainerons avec le second Scorpene de la marine malaisienne, qui continue de naviguer et a d’ailleurs largement dépassé son contrat opérationnel en termes de jours à la mer, ce qui est une réelle satisfaction ». Alors que l’arrêt technique de la frégate multi-missions (FREMM) marocaine Mohammed VI s’est déroulé avec succès à Casablanca au mois d’octobre, DCNS voit ses activités augmenter en Egypte, où le groupe compte maintenant une vingtaine de collaborateurs et développe ses partenariats locaux. Là aussi, DCNS assure le maintien en conditions opérationnelle d’une FREMM, la Tahya Misr, mais aussi des bâtiments de projection et de commandement (BPC) Gamal Abdel Nasser et Anwar al-Sadat livrés cette année. Enfin, en Arabie Saoudite, le programme de modernisation des frégates issues des programmes Sawari I et Sawari II se poursuit à Djeddah.

 

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© DCNS

Le Tunku Abdul Tahman en IPER  (© : DCNS) 

 

Déploiement du concept des bases avant

En France, « les contrats sont globalement renouvelés et le niveau de satisfaction que nous enregistrons auprès du Service de soutien de la flotte, de la DGA et des équipages est en augmentation. C’est la preuve que le nouveau modèle que nous avons mis en place, avec un dispositif industriel et un mode d’organisation optimisés, fonctionne et commence à porter ses fruits ». Le maintien en condition opérationnelle des cinq frégates du type La Fayette (FLF), conduit de 2010 à 2016 à Toulon, fut le laboratoire de la profonde évolution lancée par le groupe dans le domaine de la maintenance. Celle-ci a vu la création d’un véritable chantier dédié autour de l’îlot Castigneau, avec des moyens industriels et des équipes spécialisées dédiées au MCO de ces frégates. Il en a résulté un concept de « bases avant », déployé cette année sur d’autres contrats français et étrangers, avec en arrière-plan un back office commun qui assure le pilotage global des ressources et plans de charge, les fonctions transverses ainsi que les décisions d’intervention. « Le concept a fait ses preuves avec les La Fayette, dont le taux de disponibilité a terriblement augmenté sur la période, au-delà de l’engagement contractuel. Les équipages nous ont d’ailleurs largement témoigné leur satisfaction. Cette expérience a ensuite bénéficié à d’autres types de bâtiments et nous avons notamment d’excellents résultats sur les SNA, qui n’ont jamais effectué autant de jours à la mer depuis 1993 ».

Le coup dur des La Fayette

Pour autant, le SSF n’a pas reconduit le marché emblématique des FLF au profit de DCNS. Après le contrat de MCO du bâtiment d’essais et de mesure Monge, à Brest, le groupe a perdu le nouvel appel d’offres des FLF face au Nazairien STX France, qui va assurer la maintenance des frégates à Toulon à compter du 1er janvier. Certes, DCNS conserve la haute main sur les équipements critiques des bâtiments, comme l’armement et l’électronique, mais la perte de l’entretien de la plateforme est significative car c’est elle qui génère le plus d’activité et de main d’œuvre. « Le fait d’attribuer ce marché à STX nous pénalise », reconnait Nathalie Smirnov, qui donne son explication quant au différentiel de compétitivité avec la concurrence : « Le modèle est différent. STX met en place une excellente équipe de management de programme avec une structure légère, agile et autonome. Ensuite, il s’appuie sur le tissu industriel local. Or, ce dernier s’appuie lui-même sur DCNS, qui forme et entretient les compétences de ces sous-traitants dans un système global et pérenne ».

 

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© DCNS

Le chantier dédié des La Fayette  (© : FABIEN MONTREUIL) 

Des coûts de structures plus lourds car globaux

Tout le problème réside d’ailleurs ici. Si la perte du Monge et des FLF n’est financièrement pas dramatique pour DCNS, ces deux marchés représentant en cumulé moins de 100 millions d’euros, pour environ 1.5 milliard d’euros de prises de commandes dans le MCO en 2016, ils contribuent à la structuration globale d’une filière. « DCNS a des structures beaucoup plus lourdes pour assurer des arrêts techniques majeurs extrêmement complexes, comme ceux des sous-marins ou du porte-avions. Cela joue sur nos coûts car il faut pour répondre à ces besoins des process et outils, ainsi qu’une structure globale de services forcément plus lourde. Et nous avons absolument besoin de nous appuyer sur un réseau de sous-traitants extrêmement pointus, et qui conservent leurs compétences et habilitations dans la durée, pour gérer les variations de charge que l’on peut avoir à subir. L’équilibre global a bien fonctionné jusqu’ici mais si on modifie trop l’équilibre en réduisant le volume de MCO attribué à DCNS, l’amortissement de toutes ces structures ne sera plus assuré et il faudra le faire porter sur d’autres contrats, comme ceux des SNA, des SNLE, du porte-avions et des frégates de premier rang ». En clair, si la tendance se poursuit, les marchés qui ne peuvent être ouverts à la concurrence risquent de voir leur coût augmenter, rendant, au passage, moins évidentes les économies pouvant être réalisées sur les contrats attribués à des prestataires plus compétitifs. Se pose, de plus, la question de certains services, comme le soutien logistique initial ou la transmission du retour d’expérience, historiquement fournis à la marine avec ses bâtiments neufs. Or, si le groupe n’est plus assuré de conduire le MCO des unités qu’il produit, il pourrait être tenté de revoir sa position afin que de précieuses données ne bénéficient pas « gratuitement » à ses concurrents. Enfin, il y a l’enjeu du maintien des compétences sur le long terme, alors que l’ouverture d’une partie du MCO de la flotte depuis une dizaine d’années est marquée parfois par des changements réguliers de prestataires pour les mêmes bâtiments, à l’image des ravitailleurs ou encore des frégates de surveillance.

Politique industrielle à long terme

C’est pourquoi, la direction de DCNS a souligné il y a plusieurs mois déjà la nécessité d’évaluer la politique industrielle à long terme de l’Etat au sujet de l’entretien de la flotte. « C’est une question globale qu’il va falloir revoir avec la Marine nationale et le SSF car des choix opérés découlera la structure et les effectifs mis en place. Avec en toile de fond la nécessité de maintenir de façon pérenne les compétences à Brest comme à Toulon. Il ne s’agit pas de remettre en cause la concurrence, mais de veiller à la réalité d’un équilibre et prendre conscience que si les marchés sont trop distribués, on ne saura pas dans la durée comment maintenir certains savoir-faire ou garantir leur disponibilité quand nous en aurons besoin ». Or, selon le groupe, des efforts significatifs sont dans cette optique déjà consentis sur certains contrats de MCO, comme celui des chasseurs de mines, conservé par DCNS moyennant des prix très bas : « C’est un véritable laboratoire d’optimisation car c’est un contrat extrêmement dur financièrement qui nous oblige à regarder absolument tout et gérer notre organisation au plus juste ».

Un coût bien moindre par rapport aux Britanniques

En termes de compétitivité, Nathalie Smirnov estime d’ailleurs que « de très importants efforts ont déjà été réalisés » et que la concurrence « force à nous améliorer sans cesse et continuer d’optimiser nos coûts ». Toutefois, note la directrice des services de DCNS, le poids financier global de l’entretien de la marine française se situerait déjà à un très bon niveau par rapport à ce que l’in observe à l’étranger. « Il y a deux ans, nous avons mené une étude comparative avec la Royal Navy. Il en est ressorti que nous étions 25 à 30% moins chers que les industriels britanniques pour une flotte équivalente, et avec un taux de disponibilité supérieur ».

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

SNA en cale sèche à Toulon (© : MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU) 

Compétitions à venir sur une série de contrats

Alors que DCNS a vu renouvelés récemment un certain nombre de contrats de MCO avec la marine française, comme celui des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) en 2015, ces questions sont considérées par le groupe comme cruciales au moment où toute une série de marchés va prochainement être remise en compétition. C’est le cas par exemple des chasseurs de mines, en 2018, et avant cela des avisos, que DCNS avait perdu au profit de CNN MCO. Il y aura aussi les frégates de surveillance, où le groupe travaille, comme pour les bâtiments de projection et de commandement (BPC), en groupement avec STX France. Une collaboration dont on verra d’ailleurs l’évolution à la lumière de l’affaire des FLF, sur laquelle les deux industriels ont encore bien des discussions à mener, notamment en ce qui concerne la reprise des installations toulonnaises, où de lourds investissements ont été consentis ces dernières années, ainsi que la gestion de la refonte des frégates, programmée à la fin de la décennie. DCNS, qui en assurera la maîtrise d’œuvre, ne fera sans doute aucun cadeau à Saint-Nazaire. 

Les bases arrière, le grand chantier de 2017

En attendant d’y voir plus clair sur ce sujet, le groupe poursuit sa stratégie de réorganisation de sa division Services. « 2016 a été l’année de la mise en place des bases avant, qui sont désormais opérationnelles. En 2017, nous nous attaquerons aux bases arrière. Nous sommes très bons en matière de support aux interventions mais nous devons renforcer notre proactivité pour proposer des solutions aux clients, par exemple des refontes, une amélioration des cahiers de maintenance, de la gestion des pièces de rechange… Cela, en tenant compte des familles de bateaux, par exemple les La Fayette produites pour différents pays et pour lesquelles il peut y avoir des sujets communs. Nous allons retravailler notre modèle d’ingénierie avec la nomination de chefs de file techniques par grands types de bateaux. Ils seront chargés de structurer et alimenter toutes les questions transverses pour avoir une réflexion par lignes de produits en matière de modernisation ou encore de rénovation des systèmes ».

L’enjeu de la digitalisation

Parmi les autres grands enjeux des années à venir en termes de maintenance, il y aura aussi la numérisation des systèmes, non seulement ceux embarqués sur des bâtiments modernes et de plus en plus connectés, mais aussi au niveau de la structure de soutien. DCNS, qui se fixe pour objectif d’améliorer ses référentiels techniques de maintenance, investit dans les data centers. Afin de mieux capitaliser le retour d’expérience et faciliter l’accès en détail aux différentes interventions menées et aléas rencontrés durant la vie d’un bateau, le groupe déploie actuellement des Centres opérationnels de soutien intégré numérique (Cosin), alimentés par les bases arrière et avant. « Il faut capitaliser l’expérience et structurer les données, notamment celles qui à l’époque étaient sous forme de plans papiers. La numérisation et la digitalisation sont un enjeu majeur pour renforcer l’efficacité des équipes d’ingénierie en leur permettant de s’appuyer sur des données fiables, complètes et utilisables directement sur les bases avant. Le tout avec une architecture sécurisée ».

 

 

 

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