Améliorer les performances, réduire les coûts, se développer à l’international et augmenter significativement le chiffre d’affaires. Ce sont les principaux axes du nouveau plan stratégique de DCNS, dont les grandes lignes ont été dévoilées le 23 juillet par Hervé Guillou. Moins d’un an après son arrivée à la tête du groupe naval français, le patron de DCNS avait dès l’an dernier entrepris de réorganiser l’entreprise afin d’en améliorer l’efficacité et accroître ses capacités de développement. « Dès la fin 2014, nous avons renouvelé une bonne partie du Comité exécutif et mis en place une nouvelle organisation, tout en reprenant en main un certain nombre de programmes difficiles. Nous avons ensuite pris le temps d’élaborer le plan de progrès nécessaire pour réaliser nos ambitions à 10 ans », rappelle le P-DG.
5 milliards d’euros de chiffre d’affaires d’ici 2025
Hervé Guillou l’affirme haut et clair : « DCNS est et restera le champion européen du naval de Défense ». Alors que le retour à la rentabilité est attendu en 2015, après une année 2014 marquée par des pertes, liées notamment au programme Barracuda et au nucléaire civil, le groupe veut, sous 10 ans, générer un chiffre d’affaires annuel de 5 milliards d’euros, contre un peu plus de 3 milliards aujourd’hui. Un résultat opérationnel supplémentaire de 100 millions d’euros est, en outre, espéré dès la fin 2018. Pour cela, DCNS entend se réorganiser et améliorer sa compétitivité pour soutenir sa croissance à l’international, qui doit représenter plus de 50% de son CA (moins de 30% aujourd’hui), ainsi que sa diversification dans les énergies marines, en phase de démarrage et appelées à générer 10 à 15% de son activité, pour moitié à l’export.
Afin d’y parvenir, les anciens arsenaux de la marine, qui ont depuis leur transformation en société de droit privé en 2003 connu une profonde mutation, vont continuer d’évoluer. « DCNS a toujours su s’adapter au changement et nous devons aujourd’hui accélérer notre développement en trouvant des ressources financières, humaines et industrielles ».
Pression de plus en plus forte de la concurrence
Une stratégie dictée notamment par la pression de plus en plus forte exercée par les industriels étrangers. « Malgré une loi de programmation militaire qui nous donne, en France, de la visibilité, les budgets consacrés à la défense en Europe sont bas et cette situation s’annonce durable. De ce fait, nos concurrents historiques se développent à marche forcée à l’international. TKMS, Damen, Fincantieri… Tous font aussi des efforts de productivité et de réorganisation considérables. Nous devons donc faire de même et plus vite. Car nous devons aussi faire face à de nouveaux concurrents, comme les Coréens, les Chinois, les Indiens et même les Russes, qui cherchent dans certaines branches à monter en gamme et créent une forte pression sur les prix ».
Réduire les prix des produits de 15 à 20%
Alors que la croissance des contrats à l’export constitue l’enjeu majeur du développement futur de DCNS, pour répliquer à cette pression européenne et internationale, il n’y a pas de miracle. Les coûts, déjà significativement réduits ces dernières années, vont devoir encore baisser. La direction de DCNS vise un gain de l’ordre de 15 à 20% dans les trois ans sur le prix de ses bateaux. « Nos produits doivent être adaptés au plus juste besoin du marché et s’appuyer sur des récurrences. Nous allons concentrer au maximum nos investissements sur les lignes de produits les plus modulaires possibles, avec notamment la future frégate de taille intermédiaire (FTI) et pour les sous-marins le Scorpene 2000 de nouvelle génération. L’idée est de réutiliser au maximum les développements déjà réalisés, ce qui a déjà commencé sur certains programmes, comme les Gowind vendues à la Malaisie et à l’Egypte, pour lesquelles les équipes projets travaillent ensemble ».
Modernisation de l’outil industriel
Evidemment, la « compétitivité prix » passe aussi par la « compétitivité coûts ». En clair, faire en sorte que l’entreprise et sa production coûtent moins cher. D’abord, sur les coûts directs, avec une maîtrise accrue des programmes, destinée à éviter au maximum les problèmes et retards éventuels, mais aussi l’optimisation de l’outil industriel. Ce dernier doit bénéficier d’un important plan de modernisation, tant au niveau des moyens informatiques (systèmes de combat, cyber-sécurité, conception numérique) que dans les ateliers. Un investissement estimé entre 35 et 45 millions d’euros par an.
Réduction de 15% des effectifs fonctionnels et de soutien
En matière de ressources humaines, DCNS va, dans le même temps, poursuivre le rééquilibrage de ses compétences, en diminuant les effectifs « non productifs », pour privilégier l’embauche de personnels en production et dans les bureaux d’études. « Le rééquilibrage entre les effectifs en études et production et les effectifs fonctionnels et de soutien se fera sur la base du volontariat ou des départs naturels en retraite », souligne Hervé Guillou, qui vise une réduction de 15% des effectifs fonctionnels et de soutien dans les trois ans. Cette baisse sera-t-elle compensée par des recrutements dans l’opérationnel ? Rien de moins sûr. Alors qu’entre fin 2015 et fin 2016, quelques 2000 départs en retraite sont prévus, la direction l’assure, les effectifs ne seront pas réduits d’autant. Cela dit, lorsqu’on l’interroge sur l’évolution du nombre de collaborateurs, aujourd’hui de 13.200 (dont 12.800 en France), elle botte en touche. Une déflation n’est donc pas à exclure et c’est ce que redoutent les syndicats.
Réduction de voilure en région parisienne
Concernant le positionnement géographique des personnels, le groupe souhaite réduire la voilure en région parisienne, où travaillent un millier de collaborateurs. A cet effet, il compte recentrer les activités du siège sur les fonctions « régaliennes » et commerciales, ce qui se traduira par le transfert d’une partie des équipes travaillant actuellement à Paris vers les sites régionaux. Des établissements qui, eux-aussi, vont faire l’objet, selon les termes d’Hervé Guillou, d’une « optimisation de l’organisation et du coût de gestion ». Pour l’heure, le P-DG reste assez vague sur les éventuelles conséquences de ces mesures. « Nous privilégions le dialogue social et avons engagé une concertation avec le Comité central d’entreprise et les organisation représentant le personnel. Pour le moment, nous n’avons aucun chiffre très détaillé pour les différents sites, juste les grandes tendances. L’idée est de rapprocher les centres de décision du terrain et concentrer les investissements et les activités techniques sur la province, à l’exception de plateaux coopératifs, par exemple pour les FTI et les SNLE de troisième génération, que nous avons sur Paris afin de travailler au plus près de la DGA et de nos partenaires ».
Bagneux préservé
Le site de Bagneux, dans les Hauts-de-Seine, sera quant à lui préservé. Il y a effet eu des réflexions quant au transfert de ses activités vers le Var, où se trouve l’autre établissement de DCNS spécialisé dans les systèmes de combat. Mais cette hypothèse a été écartée puisque de nombreux collaborateurs de Bagneux ne souhaitent pas partir dans le Sud. Or, leurs compétences sont aussi indispensables que recherchées par d’autres industriels, qui ne manqueraient pas de les débaucher en cas de transfert contraint.
Pôles d’excellence
Alors que le mouvement décentralisation s’est déjà opéré pour différents services, comme l’informatique à Brest ou le soutien RH à Toulon, les personnels liés au développement de l’hydrolien seront concentrées à Cherbourg et Brest, alors que celles dédiées au nucléaire civil seront basées à Indret, près de Nantes. La capitale ligérienne, via l’Institut de Recherche Technologique Jules Verne (implanté à Bouguenais, en banlieue nantaise), devrait également devenir le nouveau centre de gravité de la direction Technique et Innovation de DCNS. Le groupe souhaite, ainsi, voir émerger de véritables pôles d’excellence.
Réduire les coûts pour baisser les prix et investir
La réduction des coûts doit permettre à DCNS de proposer des prix plus attractifs afin de résister à la concurrence, mais aussi de dégager les marges de manœuvre financières nécessaires à son développement et sa modernisation. En plus des 35 à 45 millions d’euros devant être consacrés à l’outil industriel, le groupe estime ses besoins supplémentaires annuels entre 10 et 20 millions pour la R&D et entre 10 et 20 millions pour le développement à l’international.
Muscler la R&D
Sur la recherche et le développement, l’entreprise veut muscler ses efforts (aujourd’hui de 100 millions d’euros par an en autofinancement et 40 millions en externe), car ils sont essentiels pour obtenir les gains de compétitivité nécessaires à la croissance de l’activité. « Nous devons renforcer la R&D sur les produits qui porteront notre croissance dans les prochaines années. C’est le cas par exemple des systèmes de propulsion anaérobie pour les sous-marins et des batteries lithium-ion, dont nous devons accélérer le développement », note Hervé Guillou. Un effort considérable sera également consenti sur les logiciels, notamment ceux liés aux systèmes de combat. Dans un monde où la technologie évolue de plus en plus vite, les groupes navals sont en effet confrontés à des challenges majeurs en termes d’évolutivité et de traitement des obsolescences. Un défi qu’Hervé Guillou illustre avec la téléphonie : « Quand les FTI (dont la première doit être livrée en 2023) seront retirées du service, en 2060, nos enfants et petits enfants en seront à la 12G ! Une frégate ou un sous-marin sont conçus pour opérer 30 à 40 ans. La durée de vie du système de combat est au mieux moitié moindre et celle des équipements d’un tiers. Quant aux composants, leur durée de vie se situe aujourd’hui entre ¼ et 1/10ème de celle du bâtiment. Dans un tel environnement technologique, il est donc impératif d’anticiper les mouvements et d’investir dans les technologies du futur ». Une obligation pour demeurer dans la compétition internationale. Et, comme le rappelle Hervé Guillou, maintenir une industrie de pointe et innovante est également « une question de souveraineté » pour la France.
RH : des compétences qui évoluent
Un avenir technologique mais aussi humain car, avec les équipements et systèmes, les savoir-faire évoluent. « Nous avons développé une vision à 10 ans pour dimensionner nos effectifs et compétences. Il ne faut pas surinvestir dans des métiers peu porteurs et, au contraire, faire un effort sur des métiers nouveaux qui constitueront notre future valeur ajoutée », note Alain Guillou, directeur des ressources humaines de DCNS. Alors que les compétences devront être renforcées en matière de développement de logiciels et de cyber-sécurité, un centre de recrutement de « talents de haut niveau » doit voir le jour. Le DRH du groupe estime par ailleurs que de nouvelles technologies, comme l’impression 3D de composants, entraineront d’importantes évolutions au cours des prochaines années.
Accroître l’emprunte internationale
Concernant l’international, DCNS veut, comme son actionnaire industriel de référence, Thales, devenir un groupe multidomestique. En clair, accroître ses implantations dans différentes pays afin de s’intégrer dans le tissu économique et industriel local. « Il faut passer d’une société qui exporte à une société disposant d’une forte présence internationale à partir de hubs locaux. Nous devons nous implanter durablement dans les pays partenaires pour renforcer nos liens avec nos clients et, au-delà des contrats déjà engrangés, créer sur place de la croissance organique ». Cela, tant dans le domaine des constructions neuves que des services, à commencer par le maintien en condition opérationnelle (MCO). Par « hubs », le patron de DCNS entend se servir des implantations internationales du groupe pour rayonner sur différentes régions, par exemple l’Asie via les équipes installées en Malaisie.
Croissance externe : des partenariats plus que des rachats
Une croissance externe n’est pas non plus écartée par Hervé Guillou, même s’il pense que ce ne se fera probablement pas par l’acquisition d’entreprises étrangères : « Cela passera probablement par des partenariats plutôt que des rachats ».
C’est typiquement ce que fait aujourd’hui DCNS au Brésil, où il s’est fortement implanté en créant une société commune avec le groupe brésilien Odebrecht. ICN est chargée de réaliser quatre sous-marins du type Scorpene en marge de la construction d’un chantier et d’une base navale à Itaguai, au sud de Rio. Une équipe d’ingénierie de DCNS est également installée à Sao Paulo, où elle assiste la marine brésilienne dans la conception de son premier sous-marin nucléaire d’attaque. Une présence et une collaboration locales qui permettent aussi au groupe de mieux se positionner en vue de futurs programmes.
Important potentiel en Inde
L’Inde constitue aussi, pour le groupe français, un potentiel stratégique. Alors que sa filiale DCNS India soutient le chantier Mazagon Docks Limited dans la réalisation de six Scorpene, dont la tête de série doit être livrée en 2016, l’industriel tricolore est en compétition sur un autre contrat de sous-marins. Mais aussi sur des bâtiments de surface. Après avoir livré les berceaux réducteurs des corvettes de la classe Kamorta, DCNS se positionne sur différents programmes ou projets, dont celui des futurs bâtiments de projection et porte-avions indiens. Et ce ne sont que quelques bateaux sur les 200 unités que la flotte indienne compte faire construire d’ici 2030. Pour emporter des marchés, DCNS joue la carte locale et veut amplifier ses alliances. En plus de MDL, le groupe collabore ainsi avec Reliance, l’actionnaire des chantiers Pipavav, et a dans le cadre du programme « Make in India » noué une quarantaine de partenariats avec des entreprises indiennes pour la production d’équipements et technologies critiques destinés aux Scorpene.
Montée en puissance en Malaisie
Le groupe français s’est aussi installé en Malaisie à la fin des années 2000 suite à la vente de deux Scorpene. Le MCO de ces sous-marins, dont le contrat a été récemment renouvelé, est assuré par une JV industrielle basée à Kota Kinabalu, sur l’île de Bornéo, alors qu’une autre équipe de DCNS travaille depuis Kuala Lumpur sur le programme des six corvettes du type Gowind 2500 qui seront réalisées par le chantier malaisien Boustead.
L’Egypte et l’Arabie Saoudite
En plus du Brésil, de l’Inde et de la Malaisie, DCNS compte développer son implantation dans d’autres pays. C’est le cas de l’Egypte, où une structure locale va assurer le MCO de la FREMM Tahya Misr, fraîchement livrée (voir notre article de mardi sur le départ de cette frégate), ainsi que l’assistance technique pour la réalisation à Alexandrie de trois Gowind 2500.
Les ambitions de DCNS sont également fortes en Arabie Saoudite, où le groupe a remporté l’an dernier le contrat LEX pour la maintenance et la modernisation des bâtiments des programmes Sawari I et Sawari II (frégates F2000 et F3000, ravitailleurs du type Boraida). « Nous avons déjà des contrats en Arabie Saoudite. Maintenant, il faut y établir des bases industrielles », affirme Hervé Guillou. Selon Nathalie Smirnov, directrice des activités Services de DCNS : « Nous discutons avec la marine saoudienne du renforcement de notre présence dans le royaume. Il s’agit de prendre une part plus importante dans l’entretien des bateaux en allant au-delà de l’assistance technique, en particulier pour les frégates Sawari II ». Au-delà du MCO et des plans de modernisation, l’industriel français est également en lice pour les futurs programmes de la flotte saoudienne. Des sujets traités dans le cadre du volet naval de l’accord de coopération entre Paris et Ryad. Et si l’on parle depuis longtemps de frégates multi-missions (projet Sawari III), d’autres opportunités semblent possibles, par exemple au niveau des corvettes. « Le travail sur le besoin opérationnel et l’analyse capacitaire est déjà très avancé. Il faut maintenant que l’Arabie Saoudite nous dise quelles capacités elle souhaite développer. Il y a le segment des grands navires, avec les FREMM, et ce peut être aussi le segment des corvettes avec des Gowind, bien adaptées à certaines missions, comme la lutte contre le terrorisme », explique Hervé Guillou.
Des opportunités de contrats dans une quinzaine de pays
En fait, le marché est en ce moment très actif et les commandes potentielles importantes. « Il y a dans les tuyaux des affaires dans une bonne quinzaine de pays en Asie du Sud-est, dans la péninsule arabique ou encore en Amérique latine », confie le patron de DCNS. Egalement positionné au Canada et au Brésil (frégates), en Pologne (sous-marins et corvettes), le groupe français joue très gros, actuellement, en Australie. Un contrat géant de sous-marins océaniques (jusqu’à 12 unités) pour lequel le design Shortfin Barracuda Block 1A de DCNS est en compétition avec un sous-marin de l’Allemand TKMS et une version du Soryu japonais. « Nous avons face à nous deux concurrents très sérieux mais nous estimons avoir d’excellentes chances. Plus de 150 collaborateurs de DCNS travaillent aujourd’hui à temps plein sur ce projet, en Australie mais aussi à Cherbourg, Lorient, Indret et Ruelle ».
Australie : le contrat à ne pas manquer
Considéré comme le contrat naval du siècle, ce programme estimé à 25 milliards d’euros est crucial pour DCNS. Il permettrait en effet, particulièrement au niveau des études, d’assurer la jonction entre les sous-marins nucléaires d’attaque français du type Barracuda et la montée en puissance des SNLE 3G. Et il pourrait apporter une charge importante en production puisque l’Australie pourra difficilement réaliser un nombre aussi conséquent de bâtiments dans un délai raisonnable. DCNS, ses partenaires et le gouvernement français ont donc décidé de mettre le paquet sur cette affaire et de proposer un produit innovant basé sur le design du Barracuda, mais avec une propulsion conventionnelle. De ce point de vue, c’est aussi pour cela que DCNS souhaite accélérer le développement de ses nouveaux systèmes anaérobie et des batteries lithium-ion, qui doivent lui donner avantage sur ses concurrents.
La préservation des compétences liées aux sous-marins est en tous cas considérée comme primordiale par le président de DCNS. Et, au cas où le groupe échouerait en Australie, des réflexions ont été menées avec la DGA pour assurer le « tuilage » entre Barracuda et SNLE 3G. Avec par exemple l’idée d’un démonstrateur.
Energies marines : les priorités fixées
En dehors du naval de Défense, DCNS mise beaucoup sur sa diversification dans le domaine des énergies marines. Un secteur que le groupe explore depuis cinq ans et pour lequel il a décidé de faire des choix. « Nous avons réalisé l’état des lieux des différentes filières et avons fait un tri en fonction de deux critères. Il s’agit d’abord de se concentrer sur des filières où à long terme, c'est-à-dire à horizon 10 ans, les zones géographiques retenues ont des chances d’être compétitives sans subvention. C’est le cas de l’hydrolien au Royaume-Uni, en France, au Canada et au Chili. Le second critère repose sur notre capacité de différenciation technologique et en termes de compétences pour éviter de nous lancer sur des marchés où il y aurait un nouvel entrant tous les quatre matins », souligne Hervé Guillou.
Maître d’œuvre sur l’hydrolien
Partant de ce constat, le nouveau plan stratégique de DCNS maintient les efforts dans le domaine de l’hydrolien, où le groupe est entré dans une phase de production. « Dans ce domaine, nous avons choisi d’être maître d’œuvre et d’accélérer notre déploiement puisque nous faisons partie, je crois, des trois leaders mondiaux du secteur. Nous avons actuellement deux hydroliennes en cours de montage à Brest et deux autres dans la baie de Fundy, au Canada ». Après la R&D, les prototypes et la période préindustrielle qui s’achève, DCNS passera dans les toutes prochaines années à la production en série grâce à sa nouvelle usine de Cherbourg.
En partenariat sur l’éolien flottant
Le groupe a également décidé de poursuivre son investissement dans l’éolien flottant. Mais, contrairement aux hydroliennes, il ne le fera pas seul. « Nous allons nous positionner aux côtés d’un grand maître d’œuvre qui bénéficiera de nos compétences dans le naval ». Même s’il n’a pas été cité, ce grand industriel devrait être Alstom, avec lequel DCNS a conclu un accord. La mise en œuvre de ce dernier a, toutefois, été retardée du fait de la reprise d’Alstom par l’Américain General Electric, un dossier qui n’est toujours pas bouclé.
L’ETM pas encore mature et le houlomoteur en sommeil
Pour ce qui est de l’énergie thermique des mers, DCNS maintient sa présence. Mais, reconnait Hervé Guillou, cette technologie, malgré les projets de démonstrateurs, n’est pas encore prête. « Le niveau de maturité est relativement faible et nous nous concentrons pour le moment sur la levée de verrous technologiques, comme la mise au point de l’échangeur basse température et le tuyau de 1000 mètres dans lequel doivent circuler plusieurs centaines de m3 d’eau par minute. Quand ces verrous technologiques seront levés, nous prendrons des décisions industrielles ».
Et le patron de DCNS d’ajouter que, « pour les autres filières, nous nous positionnons en veille technologique ». L’énergie houlomotrice ne fait donc plus partie des priorités du groupe.
En position défensive sur le nucléaire civil
En dehors des énergies marines, DCNS s’est lancé à la fin des années 2000 dans une autre source de diversification : le nucléaire civil. Avec cette fois beaucoup moins de succès puisque le groupe, malgré son savoir-faire sur la propulsion des sous-marins et du Charles de Gaulle, a rencontré des difficultés sur certains projets et a enregistré des dépassements de coûts significatifs. Toutefois, malgré des pertes financières importantes, DCNS n’a pas l’intention de jeter l’éponge, bien que le groupe joue désormais en « position défensive », comme l’explique Hervé Guillou : « Le nucléaire, pour lequel 1000 collaborateurs de DCNS travaillent, est une activité vitale pour le groupe. Cependant, les ruptures de charge sont fortes entre deux programmes militaires. Or, s’il faut de la R&D, cette activité nécessite surtout de la pratique pour garder les compétences et une culture de sûreté. C’est pourquoi nous allons continuer de prendre le minimum nécessaire de contrats dans le nucléaire civil, quelques dizaines de millions d’euros, pour assurer la transition entre les programmes militaires ». En dehors des composants réalisés pour les grands donneurs d’ordres du secteur, DCNS semble, en outre, ne pas avoir abandonné son concept Flexblue de petite centrale nucléaire immergée. Mais, insiste le président du groupe, « nous n’avons aucun objectif visant à contester le leadership d’Areva et EDF dans la fourniture de centrales nucléaires, fussent-elles petites ».
Pas de grande révolution et un diagnostique récurrent
Au final, le nouveau plan stratégique de DCNS est loin de la « révolution » attendue par certains en 2014. Il faut dire que la direction n’a peut-être pas eu la possibilité de restructurer l’entreprise aussi profondément qu’elle le souhaitait. Malgré tout, s’il n’y a pas de mesure drastique ni de grand bouleversement à l’horizon, la réorganisation du groupe est bel et bien en marche et les différentes mesures annoncées sont la traduction pratique de la stratégie de développement initiée l’an dernier par Hervé Guillou. Dans la lignée de ses prédécesseurs, l’actuel président de DCNS semble donc jouer la carte de l’évolution déterminée mais progressive. Cela étant, les apparences sont parfois trompeuses et, même si le style est différent d’un patron à l’autre, on se rappelle qu’une stratégie analogue avait été employée en leur temps par Jean-Marie Poimboeuf et Patrick Boissier. Et qu’elle s’était traduite à l’arrivée par une transformation considérable de l’entreprise une décennie.
Force est en tous cas de constater que l’histoire a tendance à se répéter : Remise en ordre de marche et optimisation, obligation d’améliorer la compétitivité et d’innover face à une concurrence exacerbée, nécessité de se développer à l’international pour compenser la baisse du marché domestique… Au fil des ans et des présidents, les diagnostiques se ressemblent. La différence réside sans doute dans la méthode, les remèdes préconisés et l'efficacité du traitement...