Trois annonces importantes sont intervenues ces dernières semaines concernant les futurs systèmes de drones aériens français. D’abord, dans le domaine des drones tactiques, la France a annoncé fin juillet qu’elle procèderait à des évaluations opérationnelles et à des essais du Watchkeeper de Thales, en coopération avec le Royaume-Uni, qui prend actuellement livraison des premiers systèmes. Construit entièrement en Europe, cet engin, qui remplit le critère européen de navigabilité, est conçu pour apporter des capacités opérationnelles et des capacités de surveillance pour protéger les troupes déployées en opérations. Proposé dans une configuration à double charge utile, le Watchkeeper est équipé de senseurs électro-optiques/infrarouges avec désignation de cibles par laser, ainsi que d’un radar avancé I-Master à synthèse d’ouverture et radar indicateur de cibles terrestres mobiles.
Le Watchkeeper (© THALES)
Pré-études pour le développement d’un UCAV
Toujours dans le prolongement du traité franco-britannique de Lancaster House, signé en 2010 pour renforcer la coopération entre les deux pays dans le domaine de la défense, Paris et Londres ont, également, décidé d’unir leurs efforts dans le domaine des futurs drones de combat aériens (UCAV) en lançant des pré-études au travers d’une coopération entre Dassault Aviation et BAE Systems. L’objectif est de réunir les efforts des deux groupes, qui travaillent chacun, en ce moment, sur un démonstrateur d’UCAV (le Neuron pour Dassault et le Taranis pour BAE). Même si, à priori, les drones de combat ne seront pas mis en service avant 25 ans dans les forces françaises et britanniques, les travaux menés sur ces engins sont extrêmement importants pour les industriels, puisqu’elles permettent de maintenir les compétences des bureaux d’études dans le domaine de l’aviation de combat.
Le Taranis (© BAE SYSTEMS)
Rapprochement avec Berlin sur les MALE
La plus grande surprise est, toutefois, venue du changement de cap effectué par Paris dans le domaine des drones de surveillance de type MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance). L’an dernier, la France et la Grande-Bretagne avaient annoncé une coopération en vue de développer un nouveau système pour une mise en service à la fin de la décennie. A cet effet, BAE Systems et Dassault Aviation avaient proposé de développer le Telemos. Et, pour assurer la relève du MALE Harfang de l’armée de l’Air française, en fin de potentiel, Dassault proposait¨une solution intérimaire portant sur une francisation du drone israélien Heron TP. Seulement voilà, le gouvernement a fait volte-face en annonçant la semaine dernière un rapprochement avec les Allemands sur les projets de MALE.

Le MQ-9 Reaper (© GENERAL ATOMICS)
Un drone américain comme solution intérimaire
Le 12 septembre, le ministère de la Défense a indiqué que la France et l’Allemagne s’étaient mises d’accord « sur un ensemble commun de besoins opérationnels clés en vue d'une possible solution européenne », ajoutant que, grâce à cet accord, elles étaient « en mesure de favoriser une coopération pour la réalisation d'un drone MALE ». Ce revirement implique semble-t-il le fait que la France, pour la solution intérimaire, optera pour le drone américain Reaper, que les Allemands comptent acquérir et qui a la faveur des aviateurs tricolores, soucieux de combler au plus vite un besoin capacitaire majeur. EADS, à défaut d’avoir obtenu la modernisation du Harfang et, d’autre part, de ne pas être parvenu à imposer en Europe son biréacteur Talarion, serait en charge de l’adaptation du Reaper aux besoins franco-allemands, tout en travaillant sur le futur système.
Le Telemos (© GENERAL ATOMICS)
Entre le marteau économico-industriel et l’enclume de la souveraineté
La solution intérimaire du drone américain pourrait toutefois, de l’avis de certains spécialistes, poser des problèmes de souveraineté. Alors qu’EADS assure être en mesure de pouvoir adapter la plateforme américaine aux équipements français et allemands, on affirme chez Dassault que les Américains ne laisseront pas les Européens accéder au cœur du système du Reaper. Des experts pointent également du doigt le fait que le drone pourrait être dépendant des satellites américains, ce qui serait susceptible de poser des problèmes pour certaines missions sensibles. Reste que les finances publiques obligent les gouvernements à faire des choix, parfois douloureux, entre de nombreux besoins jugés prioritaires, le tout au milieu d’enjeux industriels et politiques très complexes au plan européen. Le projet de fusion entre EADS et BAE Systems, ébruité le 13 septembre, provoque par exemple de nombreux remous actuellement dans le Landerneau industriel franco-allemand.