Le président de la République a effectué hier une longue visite à bord du porte-avions français, à bord duquel il a présenté ses vœux aux armées. Une allocution qui avait évidemment une consonance très particulière suite aux attentats meurtriers qui ont frappé la France la semaine dernière. En plus des opérations extérieures, l’armée est d’ailleurs massivement appelée en renfort pour épauler les forces de police et de gendarmerie. Ainsi, en trois jours, le dispositif est passé de 1000 à 10.500 soldats affectés à la protection des sites sensibles sur le territoire national. « C’est une opération intérieure d’une ampleur inégalée. Jamais dans notre histoire il n’y a eu un tel déploiement avec une telle rapidité », a rappelé François Hollande qui, face à la situation, a décidé de revenir sur les déflations d’effectifs prévues au sein des armées dans le cadre de la loi de programmation militaire.

Le président avec le général de Villiers et l'amiral Rogel (© EMA)
Inflexion dans la politique de réduction des effectifs
Il n’est pas pour le moment question de gel mais, selon les propos du chef de l’Etat, il est nécessaire « de revenir sur le rythme de réduction des effectifs qui avait été programmé pour les trois prochaines années ». Les modalités de cette décision seront actées dans les prochains jours, à partir des propositions élaborées par le ministre de la Défense. Un exercice qui s’annonce délicat puisqu’il devra se faire « en tenant compte évidemment des nécessités budgétaires ». Pour autant, cette adaptation ne se ferait pas au détriment des programmes d’équipements, assure le président. « Tous les projets qui sont prévus par la loi de programmation militaire en 2015 pourront se concrétiser. Je pense à la commande des 12 avions ravitailleurs MRTT pour l’armée de l’air, au lancement du grand programme Scorpion pour l’armée de terre, à la rénovation de 11 ATL2 et à la commande de bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers pour la marine ainsi que d’une centaine de véhicules pour les forces spéciales ; tout sera exécuté comme il est prévu », a-t-il précisé, après avoir réaffirmé que les moyens financiers alloués à la LPM étaient sanctuarisés. Ces annonces sont évidemment bien accueillies par les militaires, même si ceux-ci, en gens pragmatiques, attendent de voir quelle sera leur traduction concrète. Il est néanmoins à souligner que c’est la première fois depuis bien longtemps que l’on constate une inflexion dans la baisse du nombre de militaires. Une mesure devenue impérative face aux missions toujours plus nombreuses dévolues aux armées, qui doivent paradoxalement les remplir avec des effectifs plus contractés chaque année. Avec aujourd’hui et pour une période indéterminée plus de soldats engagés sur le territoire national qu’en opérations extérieures, réduire le rythme de la déflation ne sera d’ailleurs pas suffisant si la situation doit perdurer…

Le Charles de Gaulle quittant Toulon mardi (© MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE)
Un bel éloge de l’outil politique et militaire que représente le porte-avions
Lors de ses vœux à bord du Charles de Gaulle, François Hollande est, bien évidemment, revenu sur le déploiement que va conduire le groupe aéronaval vers le Moyen-Orient. A cette occasion, le président a largement insisté sur l’intérêt pour la France de posséder un porte-avions, « outil remarquable » tant d’un point de vue politique que militaire. « L’appareillage de notre porte-avions est un acte qui a du sens, c’est un engagement. Charles de Gaulle, c’est un instrument de force et de puissance, c’est le symbole de notre indépendance. Il manifeste la capacité politique, militaire, diplomatique de la France », a-t-il déclaré, estimant que le porte-avions « nous permet d’avoir une influence sur la scène internationale » et rappelant qu’il constitue, au travers de l’aéronautique navale, « une composante majeure » de la dissuasion nucléaire. Le président semble avoir si bien mesuré l’importance de cet outil et en a tellement vanté l’intérêt qu’on a même pu se demander, l’espace d’un instant, s’il n’allait pas annoncer la réactivation du projet de construction d’un second porte-avions, qui permettrait enfin à la France de recouvrer la permanence opérationnelle de son groupe aéronaval. Ce ne fut évidemment pas le cas, la LPM ne pouvant se permettre financièrement cette dépense supplémentaire. En revanche, on peut souhaiter que l’idée fasse son chemin et puisse se concrétiser, au moins pour ce qui concerne les études, dans la prochaine LPM.
Irak : Le Charles de Gaulle « jouera son rôle »
Concernant la mission du groupe aéronaval, le président n’est pas entré dans les détails. Une posture normale puisque le chef de l’Etat laisse ainsi toutes les options ouvertes quant à l’utilisation d’un outil dont l’atout majeur est la souplesse d’emploi et la réactivité, grâce à la liberté de naviguer dans les eaux internationales. Le cas échéant, il pourrait très bien être employé contre les groupes terroristes qui sévissent en Libye, ou encore faire pression sur le régime de Damas, François Hollande ayant regretté hier que la communauté internationale n’ait pas suivi la France, en 2013, lorsque celle-ci appelait à intervenir en Syrie. Toutefois, a déclaré le chef de l’Etat, « la situation au Moyen-Orient justifie la présence de notre porte-avions ». Le groupe aéronaval met donc le cap vers l’océan Indien et sans nul doute le Golfe Persique, qu’il aura atteint, sauf contrordre, au début du mois de février. S’il est resté la plupart du temps relativement vague quant au programme du Charles de Gaulle, François Hollande n’a guère laissé de doute quant à l’engagement de la flotte contre Daech. Un groupe islamiste que l’armée française, au sein d’une coalition internationale, combat en Irak depuis le mois de septembre. « La mission qui commence est aussi une réponse au terrorisme. Nous leur faisons la guerre et nous devons mettre les moyens militaires les plus adaptés face aux menaces », a dit François Hollande, indiquant que « le porte-avions jouera son rôle » dans l’opération Chammal, dont le prolongement a été voté à l’unanimité par le parlement mardi soir.
Embarquant 21 avions de combat, soit 12 Rafale Marine et 9 Super Etendard Modernisés (SEM), un avion de guet aérien Hawkeye et trois hélicoptères (deux Dauphin et une Alouette III), le Charles de Gaulle est escorté par la frégate de défense aérienne Chevalier Paul et la frégate anti-sous-marine Montcalm. Cette dernière accompagnera le porte-avions jusqu’en Méditerranée orientale et sera relevée en mer Rouge par la frégate britannique HMS Kent, qui sera intégrée au groupe aéronaval français. Celui-ci pourra s’appuyer sur le sous-marin nucléaire d’attaque Améthyste, déjà présent en océan Indien, et sera soutenu par le pétrolier-ravitailleur Meuse. Pour cette mission, baptisée Arromanches, pas moins de 2600 marins sont mobilisés.