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Sans grande surprise, le volet français des frégates multi-missions sera donc finalement réduit à 8 unités seulement, soit moins de 50% du format prévu au départ. En effet, lorsque le programme franco-italien FREMM a été lancé en 2005, 17 frégates devaient être construites pour la Marine nationale et 10 autres pour la Marina militare. Seuls les Italiens se sont donc tenus aux objectifs initiaux, le gouvernement Renzi ayant notifié les deux derniers exemplaires au mois d’avril. La France, elle, n’a cessé de sabrer ce programme, qui avait pour but de remplacer différents types de bâtiments (9 frégates anti-sous-marines des types F67 et F70, ainsi que 9 avisos du type A69) par une classe unique. Grâce à une grande série et une cadence de production très élevée (une FREMM livrée tous les 7 mois), la Marine nationale devait bénéficier à plein des économies d’échelle, mais aussi y gagner sur l’exploitation, la maintenance et la formation. Le tout en remplaçant rapidement ses unités vieillissantes et coûteuses en entretien, par des bateaux polyvalents et homogènes permettant de répondre à la montée en puissance des enjeux maritimes.

2008 : Première grosse coupe et abandon de la version AVT

Dès 2005, toutefois, la marine perdait de facto deux frégates, l’abandon des troisième et quatrième Horizon (prévues pour remplacer les Cassard et Jean Bart) allant être compensé, même si ce n’était pas encore officiellement acté, par une version antiaérienne de la FREMM. Sans pour autant que le nombre de frégates passe de 17 à 19. Mais la première coupe franche est intervenue avec le Livre Blanc de 2008. Ce dernier a en effet réduit le nombre de frégates de premier rang de 24 à 18, en y intégrant pour la première fois les 5 La Fayette, considérées jusque là comme des frégates légères et classées depuis leur mise en service entre 1996 et 2001 en unités de second rang. De là, le nombre de FREMM a été ramené de 17 à seulement 11, la version action vers la terre (AVT), qui devait être réalisées à 9 exemplaires pour succéder aux avisos, étant abandonnée. Le programme a alors été redimensionné, avec 11 FREMM seulement (les trois dernières étant commandées en 2009). A l’époque, le remplacement des avisos par des frégates lourdes avait été jugé dispendieux et, il faut aussi s’en rappeler, le programme FREMM rencontrait de grosses difficultés de financement, le concept de leasing imaginé en 2005 n’ayant pas abouti. Il a donc fallu lever les fonds de manière classique dans un environnement budgétaire extrêmement contraint.

 

108946 tfr Six Fremm anti-sous-marines, dont l'Aquitaine (déjà livrée et ci-contre), seront bien livrées avant 2019.

La FREMM Aquitaine (© LE TELEGRAMME)

 

Nouvelle révision du programme avec la dernière LPM

Le dernier Livre Blanc (2013) a, pour sa part, entériné la réalisation sur cette série de 11 FREMM, de deux bâtiments dotés de capacités antiaériennes renforcées. Les FREMM DA (Défense Aérienne) remplaceront les Cassard et Jean Bart, dont la succession n’a pu être assurée avec les Horizon 3 et 4. Mais, dans le même temps, le nombre de frégates de premier rang a, une nouvelle fois, été revu à la baisse, pour tomber à seulement 15 unités. Avec en juin 2013 les premières annonces de Jean-Yves Le Drian concernant un nouveau projet, les frégates de taille intermédiaire (FTI), destinées à succéder aux La Fayette (FLF). Quant aux FREMM, dont la cadence de production était une nouvelle fois revue à la baisse (une unité tous les 12 mois), le sort des trois dernières devait être officiellement tranché en 2016. Bien entendu, en coulisses, ils étaient bien peu à croire encore à la construction de ces frégates, les plus optimistes estimant que la neuvième, seulement, pourrait au mieux être confirmée. Car, pour que le projet FTI soit viable, il fallait un minimum d’effet de série. Cela sans dépasser le format fixé par le Livre Blanc. Or, pour bénéficier d’économies d’échelle, au moins quatre bateaux étaient nécessaires. Ce sera donc finalement cinq, Jean-Yves Le Drian décidant d’anticiper de deux ans la construction des FTI.

Encore six FREMM à produire

La première sortira dès 2023, au lieu de 2025, une anticipation de deux ans du programme obligatoire pour éviter une rupture de charge sur le site DCNS de Lorient, qui réalise les frégates françaises. Après la livraison de la tête de série du programme FREMM, l’Aquitaine, fin 2012, celle de la Provence interviendra ce mois-ci. Suivront ensuite la Languedoc en 2015, l’Auvergne en 2017 et la Bretagne en 2018. Un sixième exemplaire de cette classe est prévu en 2019. Il s’agit d’une nouvelle frégate, construite pour remplacer la Normandie, vendue cette année à l’Egypte. A priori, cette sixième FREMM française devrait reprendre ce nom. Dans la foulée, DCNS produira les deux FREMM DA, que la marine réceptionnera entre 2020 et 2022.

 

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© DCNS

Mise à flot de la Languedoc en juillet 2014 (© DCNS)

 

Les FTI prennent la relève

Dans la chaine de production, les trois premières FTI vont se substituer aux FREMM 9 à 11. Le rythme de production n’est pas encore acté mais il sera probablement, à l’image des FREMM, d’environ une unité livrée tous les ans, ce qui signifierait une fin du programme FTI vers 2028. Toutefois, les programmes d’armement n’échappant que très rarement aux glissements de calendrier, il n’est pas impossible que le planning soit étalé. Sur le plan opérationnel, la marine française a de toute façon un peu de marge de manœuvre - pour une fois -, puisque les La Fayette devaient naviguer 30 ans et que la plus ancienne n’en aura « que » 27  en 2023 et la cinquième le même âge en 2028. En attendant les FTI, les FLF vont d’ailleurs être modernisées et recevront notamment un sonar de coque et de nouveaux senseurs.

Soutenir les industriels sur le marché export

Le lancement si tôt du programme FTI découle avant tout d’une volonté politique destinée à soutenir l’industrie navale française. Malgré deux succès à l’export, avec une frégate vendue au Maroc et une autre à l’Egypte, ainsi que des compétitions en cours dans un certain nombre de pays (Arabie Saoudite, Canada, Brésil), la FREMM ne répondrait pas à l’ensemble des besoins en matière de frégates de premier rang sur le marché international. Certains pays souhaitent en effet des unités plus petites, bien qu'aussi équipées, avec dans certains cas un niveau d’automatisation moindre. Les FTI serviront donc à proposer un nouveau produit dans la gamme de DCNS, entre la FREMM (6000 tonnes) et les corvettes très armées de la famille Gowind (1000 à 2500 tonnes).  Un produit qui sera en outre labellisé par la marine française, ce qui rassure les clients potentiels, toujours réticents à acheter des bâtiments qui n’existent qu’à l’état virtuel.

 

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© DCNS

(© DCNS)

 

Une facture salée pour les finances publiques

Sur le plan industriel, cette décision est logique. Sur le plan économique, la gestion du programme FREMM depuis 10 ans est beaucoup plus contestable. Déjà, en ramenant la cible de 17 à 11 unités et en réduisant la cadence de production, le coût de la commande (annoncée à 6.5 milliards d’euros en 2005) a significativement augmenté. Il était ainsi estimé en 2011, dans un rapport du Sénat, à 8.2 milliards d’euros. S’il faut tenir compte des évolutions de prix au fil des années (notamment l’inflation), qui augmentent mécaniquement les coûts, la note s’avère tout de même très salée. Selon le chef d’Etat-major de la marine, auditionné au Sénat le 17 septembre, « l'ordre de grandeur est qu'en passant de 17 à 11, nous renchérissons le coût de la commande d'environ deux FREMM ». En clair, la France paye plus cher pour un nombre moins important de bateaux.

Et l'addition finale ne prend pas en compte la succession des 9 avisos du type A69. Car, si en 2008 il a été estimé dans les ministères, et notamment à Bercy, que la Marine nationale avait des goûts de luxe en voulant remplacer des bâtiments de 1000 tonnes par des frégates de 6000 tonnes, conduisant à la réduction de 17 à 11 du nombre de FREMM, il va bien falloir renouveler les avisos. Ce sera l’objet d’un nouveau programme, celui des bâtiments d’intervention et de surveillance maritime (BATSIMAR), qui doit voir le jour au début des années 2020 pour succéder aux A69 mais aussi à certains patrouilleurs, comme les P400 et l’Arago. 

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