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Patrick Boissier a officialisé hier matin son départ anticipé du poste de président de DCNS, qu’il occupe depuis janvier 2009. Lors du prochain Conseil d’administration du groupe, qui se déroulera le 23 juillet, il demandera à ce que son mandat, qui s’achevait normalement à la fin de l’année (il ne pouvait en briguer un autre en raison de la limite d'âge statutaire), soit écourté. « L’anticipation de la fin du mandat de Patrick Boissier permettra à son successeur de maîtriser deux processus qui influenceront largement le déroulement de sa mission : les négociations en cours avec des prospects majeurs ainsi que l’élaboration du budget 2015 et du plan 2015-2018. Pour sa part, Patrick Boissier pourra, dans ses nouvelles fonctions de président du GICAN, se consacrer à la préparation d'Euronaval qui revêt cette année une importance considérable pour l'industrie française étant donné l'état du marché mondial », explique DCNS.

Quelques heures après l’annonce officielle de ce départ anticipé, les ministres des Finances, de l’Economie et de la Défense ont confirmé que la nomination d’Hervé Guillou pour succéder à Patrick Boissier serait recommandée au Conseil d’administration. « Composé de trois représentants des actionnaires (l’État et Thales) et d’un administrateur indépendant, le comité des nominations s’est appuyé sur un travail de sélection professionnel et approfondi effectué ces derniers mois. Au cours de ce processus, Hervé Guillou s’est distingué par sa motivation, sa connaissance du secteur naval et son expérience dans l’industrie de défense », indique le communiqué de presse commun des trois ministères.

La candidature d’Hervé Guillou sera donc soumise au Conseil d’administration du 23 juillet. Si elle est retenue, elle sera alors proposée au président de la République, qui nommera par décret du successeur de Patrick Boissier en tant que Président-Directeur général de DCNS. 

 

 

 

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© EURONAVAL

Hervé Guillou (© EURONAVAL)

 

 

Les années Boissier

 

 

Au cours des cinq ans et demi où Patrick Boissier à été à la tête de DCNS, le groupe a poursuivi sa mue, débutée avec son prédécesseur, Jean-Marie Poimboeuf. Alors que les anciens arsenaux de la marine étaient au début des années 2000 au bord du gouffre, ce dernier était parvenu à transformer l’ex-Direction des Constructions Navales en société de droit privé. Ce tournant, intervenu en 2003, avait enfin permis à l’industriel de s’affranchir des contraintes de son statut d’administration, incompatible avec les besoins et le fonctionnement d’une entreprise. La seconde étape majeure de l’évolution de la DCN s’est conclue en 2007 avec sa privatisation partielle, 25% du capital étant cédé à Thales, dont la participation a été portée à 35% fin 2011. Devenu DCNS, le groupe a connu en 10 ans une profonde mutation, industrielle et commerciale, mais aussi culturelle, avec notamment une diminution constante de la part des ouvriers d’Etat au sein de l’entreprise.   

 

 

Réduction des coûts et développement de l’activité

 

 

Dès son arrivée en 2009, Patrick Boissier annonce qu’il veut mettre l’accent sur la productivité et le développement de l’activité. Avec comme objectif une réduction des coûts de 30% en trois ans et une augmentation de 50 à 100% du chiffre d’affaires d’ici 2020. Différents plans destinés à améliorer la compétitivité, avec des mesures d’optimisation et d’économies sont mis en place, entrainant parfois des frictions avec les syndicats, qui dénoncent la pression mise sur les équipes. Dans le même temps, le nouveau patron se lance résolument dans la diversification, avec notamment en ligne de mire les nouvelles technologies liées aux énergies marines. Une stratégie de longue haleine qui commence à porter ses fruits, plus particulièrement dans les domaines de l’hydrolien et de l’énergie thermique des mers.

 

 

Le défi de l’export

 

 

Pour compenser la baisse mécanique (anticipation de la fin des grands programmes de renouvellement de la flotte) et structurelle (crise économique et restrictions budgétaires) des commandes militaires en France, Patrick Boissier cherche aussi à développer la part des contrats à l’international, l’objectif étant que DCNS repose à terme sur trois piliers plus ou moins égaux ; le naval de défense en France, le naval à l’export et les nouvelles activités. De ce point de vue, le bilan peut paraitre décevant, avec seulement deux contrats significatifs signés depuis 2009, ceux des corvettes du type Gowind pour la Malaisie et l’Egypte, et une occasion ratée, celle des sous-marins de Singapour. Mais il faut nuancer. En effet, si aucune commande majeure n’a été enregistrée, de nombreux  marchés de moindre envergure - mais qui en cumul pèse lourds - ont été progressivement engrangés. Et, surtout, de très bonnes bases ont été posées pour permettre l’aboutissement de grands projets. DCNS peut, ainsi, espérer remporter de très gros contrats de frégates ou de sous-marins dans un certain nombre de pays.

 

 

Un chiffre d’affaires en hausse de 40% et des effectifs renforcés

 

 

Au final,  le groupe a vu son chiffre d’affaires progresser de 40% entre 2009 et 2013, en ligne avec les objectifs de Championship. Une croissance qui a non seulement permis de maintenir les effectifs, mais surtout de les renforcer, le groupe comptant désormais 13.600 collaborateurs, contre 12.000 il y a cinq ans. DCNS a continué d’étendre son réseau à l’international, noué de nouveaux partenariats et modernisé son outil industriel, tout en maintenant ses efforts en matière de recherche et de développement.

 

 

Difficultés à surmonter

 

 

Certes, le tableau n’est pas parfait. Le développement dans le nucléaire civil, présenté comme très prometteur, se révèle plus difficile que prévu, alors que dans les énergies marines, le groupe fait face à une concurrence croissante contre laquelle il n’a pas toujours une taille critique. Ses projets dans l’éolien flottant ne se sont, ainsi, pas concrétisés. Dans le domaine militaire, DCNS est par ailleurs confronté aux difficultés inhérentes aux projets les complexes, comme les nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque du type Barracuda. Côté résultats, la marge opérationnelle a baissé et les syndicats redoutent que les actionnaires finissent par donner un tour de vis pour améliorer la rentabilité. Le groupe doit également composer avec les contraintes budgétaires très fortes du ministère de la Défense et la nouvelle loi de programmation militaire, qui se traduit par de nouveaux étalements de programmes. Ce qui ne rend d’ailleurs que plus nécessaires les prises de commandes à l’export.  

 

 

Une succession sur des bases solides

 

 

Malgré tout, nombreuses sont les entreprises françaises qui aimeraient, à l’heure actuelle, avoir le plan de charge et les perspectives de DCNS. C’est donc sur de bonnes bases qu’Hervé Guillou va prendre la relève, avec pour objectif de concrétiser la diversification et d’emporter les grandes batailles à l’export. Ancien de la maison, où il a débuté sa carrière en 1978, le nouveau patron de DCNS, qui vient du groupe Airbus, sera, enfin, peut être celui qui verra s’enclencher la consolidation de l’industrie navale européenne de défense. Concrétiser cette ambition devenue au fil des années un véritable serpent de mer sera peut être le challenge le plus difficile à relever. 

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