En plus de l’aviation embarquée du porte-avions USS George H. W. Bush, qui a lancé ses premiers raids contre Daesh dès le 8 août, la marine américaine renforce sa participation dans l’offensive anti-terroriste en Irak avec ses destroyers et croiseurs. Le 23 septembre, les USS Arleigh Burke et USS Philippine Sea, respectivement positionnés en mer Rouge et dans le golfe Persique, ont tiré les 47 premiers Tomahawk de cette opération. L’emploi de ces missiles de croisière, d’une portée de plus de 1500 kilomètres, était coordonné avec une quinzaine d’attaques lancées par des avions de l’US Navy, de l’US Marine Corps et de l’US Air Force, mais aussi des drones. Des appareils des forces aériennes de l’Arabie Saoudite, du Qatar, de Bahreïn, des Emirats Arabes Unis et de Jordanie ont également participé aux raids, qui ont visé Daesh non seulement au nord de l’Irak, mais également en Syrie, où le groupe terroriste sévit et a récemment pris le contrôle de nouveaux territoires, poussant des milliers de civils à fuir vers la Turquie.
Ces différentes frappes ont permis de détruire des véhicules et des positions djihadistes. Alors que du 8 août au 23 septembre, les Etats-Unis annoncent avoir mené quelques 194 attaques contre Daesh en Irak, les opérations se sont poursuivies depuis mardi, visant non seulement des objectifs militaires, mais également des sites de production pétrolière (notamment en Syrie) aux mains des terroristes et qui servent au financement de leur mouvement.

F/A-18 Super Hornet de l'USS George H. W. Bush en partance pour l'Irak (© : US NAVY)
Côté français, les Rafale de l’armée de l’Air, qui avaient réalisé leurs premières frappes samedi dernier dans la région de Mossoul, sont de nouveau passés à l’attaque hier, cette fois dans le secteur de Falloujah, à l’ouest de Bagdad. Partis de la base d’Al Dhafra, à Abu Dhabi, les chasseurs tricolores, épaulés par un avion de patrouille maritime Atlantique 2 de la Marine nationale, étaient en mission de reconnaissance lorsqu’ils ont été dirigés sur une cible d’opportunité, en l'occurence des hangars abritant du matériel militaire. Une nouvelle frappe intervenue au lendemain de l’annonce de l’assassinat en Algérie d’un ressortissant français, enlevé par un groupe terroriste ayant fait allégeance à Daesh, nom employé à Paris depuis la semaine dernière pour désigner l’EIIL, l’Etat islamique en Irak et au Levant (un jeu de langage pour ne pas prononcer les mots « Etat » et ‘ « Islamique », alors que même que DAESH est l’acronyme en Arabe de l’EILL).

Rafale engagés en Irak (© : EMA)
Alors qu’un Conseil de défense s’est déroulé hier autour du président de la République, la France, qui concentre jusqu’ici son intervention en Irak, sera-t-elle amenée à élargir son engagement militaire vers le territoire syrien ? La question est posée, a reconnu hier matin Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense. Mais la décision est complexe, surtout d’un point de vue politique. Car, si la Syrie sert de base arrière à Daesh, intervenir contre les djihadistes au-delà de la frontière irakienne revient à aider Bachar el-Assad. Ce qui pose évidemment problème à la France, qui souhaitait ardemment, l’an dernier, une opération militaire contre le régime de Damas. Paris se trouve donc dans une situation très inconfortable, même si la démonstration a été faite que les actions occidentales pour renverser certains dictateurs, que ce soit en Irak, en Libye et en Syrie, se sont soldées par de véritables désastres favorisant précisément le développement des organisations terroristes (via l’effondrement des Etats mais aussi les livraisons d’armes aux rébellions).

Départ en mission depuis Al Dhafra (© : EMA)
D’un point de vue opérationnel, réaliser des frappes en Syrie ne poserait en tous cas pas de problème pour les Rafale basés à Abu Dhabi. La région visée est en effet proche du nord de l’Irak, où intervient déjà l’aviation française. Concernant le droit international, on rappellera que les frappes sont légales en Irak, le gouvernement de ce pays ayant officiellement demandé l’aide de la communauté internationale, notamment auprès des Etats-Unis et de la France. Quant à la Syrie, Bachar el-Assad lui-même a annoncé qu’il permettait le survol de son pays dans le cadre d'actions contre les djihadistes, à la condition que les autorités syriennes soient prévenues. C’est très probablement ce qui s’est passé mercredi.
Hors de question en tous cas, pour le moment, d’envisager un éventuel déploiement du porte-avions Charles de Gaulle au large de la Syrie. Faute de pouvoir utiliser les bases turques, ce qu’Ankara refuse, ce serait évidemment l’idéal puisque le théâtre d’opération serait bien plus proche par rapport à Al Dhafra. Mais il faudrait survoler la Syrie, dont la partie occidentale est encore bien tenue par les troupes de Bachar el-Assad, solidement équipées en matière de défense aérienne. Pour passer sans risque (et légalement), l’autorisation de Damas serait nécessaire, ce qui constituerait un rapprochement trop « voyant » et de toute façon non souhaité. Ainsi, à l'issue du Conseil de défense qui s'est réuni hier, l'Elysée a indiqué que la France « poursuivra et intensifiera son soutien aux forces de l’opposition syrienne ». La présidence de la République a néanmoins précisé que cette aide s'adressait à ceux « qui combattent aujourd’hui les groupes jihadistes ». Une manière de se prémunir contre les critiques portant sur le risque de voir ces armes tomber à un moment ou à un autre entre les mains des terroristes.