Alors que François Hollande se rend aujourd'hui à Bagdad en vue notamment de préparer la conférence de paix qui se déroulera à Paris le 15 septembre, la France est prête, « si nécessaire », à participer à une opération militaire contre l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL). C’est ce qu’a indiqué hier Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères, qui a évoqué pour la première fois « une action militaire aérienne ». Ces déclarations font suite à l’intervention télévisée du président américain, qui a affirmé mercredi soir, à la veille du 13ème anniversaire des attentats du 11 septembre 2001, sa volonté de « détruire » le terrorisme en général et l’EIIL en particulier. Barack Obama a annoncé que les Etats-Unis allaient intensifier leurs frappes aériennes contre le groupe islamiste en Irak, mais aussi en Syrie, où opèrent également les djihadistes. Pas question, pour autant, de soutenir Bachar el-Assad, bien au contraire même, puisque le président américain a demandé l’approbation du Congrès pour armer et former les rebelles modérés qui luttent contre le régime de Damas.
Pour éradiquer l’EIIL ou, du moins, réduire considérablement sa capacité militaire, les Etats-Unis entendent former une grande coalition internationale comprenant non seulement des Occidentaux, mais également des pays de la région. C’est dans cette perspective que le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, s’est rendu hier à Ryad afin d’obtenir le soutien des monarchies arabes. Une dizaine de pays auraient donné leur accord, dont l'Arabie Saoudite, le Qatar et les Emirats Arabes Unis.
Très peu de pays ont les moyens d’intervenir militairement
Selon la diplomatie américaine, une quarantaine de pays pourraient rejoindre la lutte contre l’Etat islamique, la plupart au travers de livraisons d’armes aux peshmergas kurdes, en première ligne face aux djihadistes dans le nord de l’Irak, mais aussi via de l’aide humanitaire au profit des populations fuyant les atrocités perpétrées par l’EIIL. En dehors des Etats-Unis, il n’y a en revanche pas grand monde pour envisager une action directe, à la fois pour des questions politiques mais aussi opérationnelles. Très peu de pays ont en effet les moyens de participer, à fortiori dans la durée, à une opération aérienne au nord de l’Irak. Car il faut soit disposer de bases relativement proches ou, comme le font les Américains depuis le 8 août avec l’USS George H. W. Bush, recourir à un porte-avions déployé dans le golfe Persique. En la matière, la France est le seul pays à disposer d’un outil équivalent avec le Charles de Gaulle. Or, si Paris se décide à se joindre aux Etats-Unis pour bombarder les djihadistes, ce qui apparait aujourd’hui très probable, il serait logique que la Marine nationale reçoive l’ordre de déployer son groupe aéronaval. Car, si la France dispose d’une base aérienne dans la région, en l’occurrence à Abu Dhabi, ce point d’appui demeure relativement éloigné du théâtre d’opération. Avec le Charles de Gaulle, en revanche, il serait possible de positionner les avions de combat de l’aéronautique navale au plus près tout en conservant une grande liberté d’action.

L'USS Harry S. Truman et le Charles de Gaulle l'hiver dernier (© : US NAVY)
Interopérabilité très forte des marines française et américaine
Cette solution offre aussi l’avantage de proposer aux Américains une force aéronavale dont ils savent qu’elle est totalement interopérable avec leurs propres moyens. On se rappelle en effet que l’hiver dernier, le Charles de Gaulle et son escorte ont œuvré durant cinq semaines avec le groupe aéronaval de l’USS Harry S. Truman. Déployés dans le golfe d’Oman et le golfe Persique, les bâtiments français et américains ont atteint un niveau de coordination et d’interopérabilité sans précédent, se traduisant notamment par l’appontage de F/A-18 sur le Charles de Gaulle et de Rafale Marine sur le Truman. Fortes de ces manœuvres communes, fruits d’une coopération renforcée ces dernières années, les deux marines sont donc en mesure, aujourd’hui, de gérer une opération conjointe de projection depuis la mer.

F/A-18 américain appontant sur le Charles de Gaulle (© : MARINE NATIONALE)

Rafale Marine au catapultage sur l'USS Harry S. Truman (© : US NAVY)
Le porte-avions et son groupe aérien en pleine remontée en puissance
Alors que la France n’a pas encore annoncé les modalités de son éventuelle participation aux raids en Irak, le Charles de Gaulle et son groupe aérien embarqué sont en pleine remontée en puissance. Rentré le 18 février dernier à Toulon après trois mois de déploiement en océan Indien et dans le Golfe, le porte-avions français a bénéficié d’un arrêt technique à Toulon. Puis, après avoir participé le 15 août aux commémorations du 70ème anniversaire du débarquement de Provence, il a regagné la base navale, permettant à son équipage de partir par bordées en permission. De retour à bord, les marins préparent depuis deux semaines leur bateau à reprendre la mer, ce qui devrait être le cas dans les prochains jours pour une phase de mise en condition opérationnelle. Dans le même temps, le groupe aérien embarqué (GAé), constitué de Rafale Marine, de Super Etendard Modernisés et d’Hawkeye, enchaine depuis la semaine dernière les appontages simulés sur piste sur la base de Lann-Bihoué, près de Lorient. Une campagne « ASSP » qui présage du retour prochain du GAé sur le Charles de Gaulle. Avant que le porte-avions et ses appareils soient prêts à être déployés, il faudra requalifier l’ensemble des pilotes, ce qui est pour le moment prévu début octobre. Néanmoins, si la situation l’exige et que le président de la République souhaite le départ du groupe aéronaval, les choses pourraient bien entendu aller un peu plus vite que le calendrier fixé jusqu’ici.

Le Charles de Gaulle (© : MARINE NATIONALE)