C’est un chantier titanesque et unique au monde, le fruit du programme en transfert de technologie le plus complet mené jusqu’ici. Nous vous emmenons aujourd’hui à Itaguaí, à 70 kilomètres au sud-ouest de Rio de Janeiro. C’est là que les nouveaux sous-marins brésiliens du type Scorpene voient le jour, au sein d’une infrastructure industrielle flambante neuve et particulièrement impressionnante, sur laquelle nous nous sommes rendus il y a quelques semaines.

Le chantier et la future base navale à Itaguaí (© : NAVAL GROUP)
Tout a commencé en décembre 2008, lorsque les présidents Lula et Sarkozy ont conclu un accord stratégique au travers duquel le Brésil a choisi la France pour l’aider à construire ses nouveaux sous-marins. L’ensemble s’est traduit en septembre 2009 par la signature avec le groupe français DCNS (devenu Naval Group) et son partenaire brésilien Odebrecht d’une série de contrats, pour un montant global de 6.7 milliards d’euros. Ils sont entrés en vigueur en février 2010.
Le programme, baptisé PROSUB, porte sur la réalisation, en transfert de technologie, de quatre sous-marins à propulsion conventionnelle de la famille Scorpene, appelés S-BR, ainsi que l’assistance française pour le développement des parties non nucléaires du premier SNA brésilien, le SN-BR. Naval Group a également apporté son expertise pour la conception et l’équipement du nouveau chantier chargé de construire ces bâtiments, ainsi que la base navale attenante depuis laquelle les sous-marins opèreront et seront entretenus.

Sous-marin du type Scorpene, ici de la marine malaisienne (© : MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE)
Développer une capacité sous-marine souveraine
« Le Brésil souhaite développer sa composante sous-marine car nous avons besoin de moyens modernes et performants pour assurer la protection de notre territoire maritime, qui est très grand. Nous disposons en effet de 8500 kilomètres de côtes et 4.5 millions de km² de zone économique exclusive. La mer représente 90% de nos ressources en hydrocarbures et 95% de notre commerce extérieur. La sécurité de notre espace maritime est donc cruciale, d’autant que ses richesses suscitent beaucoup de convoitises. Or le monde est instable et on ne peut pas savoir ce qui va se passer dans 50 ou 100 ans. Avec PROSUB, le Brésil conduit pour la première fois une politique de défense et d’indépendance nationale en acquérant la technologie nécessaire à la conception et la construction de sous-marins, ainsi qu’en développant des capacités propres dans le domaine de la propulsion nucléaire. Alors que nous avons fabriqué dans les décennies précédente des sous-marins de conception allemande, et que nous construisons maintenant les S-BR, nous réalisons pour la première fois, avec le SNA, notre propre design de sous-marin », souligne l’amiral Gilberto Max Roffé Hirschfeld, coordonnateur général du programme des nouveaux sous-marins brésiliens. Ce dernier rappelle que ces deux types de bâtiments sont complémentaires : « Le SNA dispose d’une grande autonomie, il peut aller vite et loin, est très mobile et offre ainsi une grande capacité de dissuasion, alors que les sous-marins classiques sont employés plus près des côtes, aux alentours notamment des points stratégiques ».

L'amiral Gilberto Max Roffé Hirschfeld (© : MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Un site créé ex nihilo dans la baie de Sepetiba
Menés par Odebrecht, avec lequel Naval Group a créé une société commune, Itaguaí Construções Navais (59% Odebrecht, 41% NG), chargée de la réalisation des futurs sous-marins, les travaux de construction des infrastructures ont débuté en 2010.
Le site retenu, situé au milieu de la magnifique baie de Sepetiba, enserrée par les montagnes, ne comprenait jusque-là qu’un terminal portuaire civil, où des vraquiers viennent charger du charbon et qui sert aussi au trafic conteneurisé. Le seul pôle industriel déjà existant et intégré dans le programme était celui de Nuclep, entreprise publique rattachée au ministère brésilien de la Défense qui avait précédemment réalisé la coque résistante des sous-marins du type allemand 209 construits en transfert de technologie au Brésil et mis en service entre 1994 et 2005. Pour les besoins de PROSUB, la société a été modernisée et notamment équipée d’une presse hydraulique Schuller, la plus puissante d’Amérique latine avec une capacité de 8000 tonnes. Elle sert à courber les plaques d’acier à haute limite élastique.
Jusqu’à 20.000 personnes mobilisées
Pour le reste, il a fallu tout inventer et construire, ce qui a représenté, et représente toujours, une œuvre de génie civil colossale. Ainsi, pas moins de 2000 personnes, et même jusqu’à 20.000 avec les emplois indirects, ont été mobilisées pour édifier les différents sites d’Itaguaí, quelques 600 entreprises brésiliennes étant impliquées. « Les retombées économiques sont extrêmement importantes et ce programme a généré beaucoup d’emplois, notamment pour les habitants de la région, mais aussi au-delà. Il y a d’ailleurs eu un très gros travail d’organisation et de logistique pour accueillir toute cette force de travail. Il a fallu construire des habitations, des écoles et nous avons même développé les capacités agricoles locales afin de nourrir les milliers de