Capturer un chef terroriste repéré grâce aux services de renseignement sur un bateau de commerce transitant très loin des côtes françaises : c’était l’objectif de RHEA, un exercice de haute intensité et encore inédit ayant mobilisé d’importants moyens militaires français le 13 mars en Méditerranée centrale. Il s’agissait de surprendre l’individu ciblé, l’interpeler et l’évacuer suite à un assaut de vive force sur le navire, en l’occurrence le MN Calao, l’un des rouliers de la Compagnie Maritime Nantaise qui assurent habituellement la logistique des armées et a pour l’occasion servi de plastron. Le navire se trouvait alors au large de la Crète, à 2000 kilomètres des côtes hexagonales.
Une grande distance qui a constitué tout l’enjeu de cette manœuvre exceptionnelle par rapport aux habituels exercices de contre-terrorisme maritime organisés près du littoral français et qui sont plutôt dédiés à des scenarii de détournement de bateaux assortis de prises d’otages. Piloté par le Commandement des Opérations Spéciales (COS), RHEA a mobilisé des unités des forces spéciales mais aussi de la Marine nationale, de l’armée de l’Air et de l’armée de Terre, soit plusieurs centaines de militaires.
L’armée de l’Air a engagé deux avions de combat Rafale assistés par un ravitailleur C135, un avion de transport KC-130J gréé pour le ravitaillement en vol d’hélicoptères et un avion radar E-3F Awacs, alors que la Marine nationale alignait un avion de patrouille maritime Atlantique 2, le porte-hélicoptères amphibie (PHA) Mistral, la frégate multi-missions (FREMM) Languedoc avec à son bord un hélicoptère Caïman Marine, ainsi que le bâtiment de soutien et d’assistance métropolitain (BSAM) Loire.
Tous ces moyens ont servi au soutien du déploiement des unités chargées d’investir le MN Calao. Une opération pour laquelle le COS a de son côté déployé deux hélicoptères Caracal, qui ont réalisé un long vol avec ravitaillements depuis la France, ainsi que des commandos marine avec une embarcation ECUME aéro-larguée sur zone par un C-130H. La préparation du matériel, notamment pour la séquence Tarpon (aéro-largage de l’ECUME) a quant à elle été menée par des soldats du 1er régiment du train parachutiste (1er RTP) de l’armée de Terre.
Vidéo de l'exercice RHEA (© EMA)
Cet exercice, présenté comme un succès, se voulait comme une démonstration de la part de la France quant à ses capacités à déployer loin et rapidement un dispositif interarmées puissant, complet et autonome pour résoudre une crise lointaine en mer. Cela, grâce à la complémentarité entre les moyens projetés depuis le territoire national et des unités pré-positionnées, à commencer par celles de la flotte française, qu’il s’agisse de bâtiments de surface ou d’un sous-marin. Des plateformes navales indispensables dans une telle opération pour collecter très tôt, discrètement et au plus près de la cible des renseignements, assurer le suivi de situation et la sécurisation de la zone d’intervention, tout en soutenant les forces spéciales lorsque celles-ci sont sur place. Un PHA comme le Mistral peut ainsi servir d’aérodrome flottant aux hélicoptères et mettre à profit ses importantes installations de commandement, voire ses capacités amphibies, alors qu’une FREMM peut contrôler l’espace aéromaritime alentour et participer aux opérations aériennes des commandos dont les ECUME peuvent être embarquées par ce type de frégate, ce qui est aussi le cas des BSAM.
Mais au-delà de la réussite de cet exercice et d’une belle illustration des capacités militaires françaises, cet exercice comprenait également, à n’en pas douter, un message politique de par sa nature mais aussi le lieu où il s’est déroulé. En Méditerranée centrale et très proche de la Méditerranée orientale, là où les tensions ont été très vives récemment, en particulier avec la Turquie. « La France avec cet exercice démontre sa volonté de participer à la préservation de la sécurité et de la stabilité du bassin méditerranéen », dit-on au ministère des Armées. Et on ne peut s’empêcher de penser qu’un scénario comme celui de RHEA, axé sur du contre-terrorisme maritime, pourrait aussi très bien s’appliquer à la prise de contrôle de vive force d’un navire de commerce détourné ou violant un embargo sur les armes, à l’image de ce qu’ont fait les Turcs en Libye.
Et la démonstration s’est d’ailleurs poursuivie dans les jours qui ont suivi puisque le Mistral est parti suite à RHEA évoluer en Méditerranée orientale en compagnie d’une autre FREMM, l’Auvergne, les deux bâtiments ayant notamment opéré avec deux Rafale stationnés sur la base aérienne projetée du Levant.
© Un article de la rédaction de Mer et Marine. Reproduction interdite sans consentement du ou des auteurs.
L'exercice RHEA en images :

Préparation des ravitailleurs de l'armée de l'Air (© EMA)
Préparation de l'ECUME pour son aéro-largage par le 1er RTP (© EMA)
Préparation de l'ECUME pour son aéro-largage par le 1er RTP (© EMA)
Préparation de l'ECUME pour son aéro-largage par le 1er RTP (© EMA)
Ravitaillement en vol des Rafale (© EMA)
Ravitaillement en vol des Caracal (© EMA)
Ravitaillement en vol des Caracal (© EMA)

A bord du PHA Mistral (© EMA)

A bord du PHA Mistral (© EMA)
Aéro-largage de l'ECUME (© EMA)
Parachutage des commandos marine (© EMA)
Commandos marine sur ECUME (© EMA)
Show of force des Rafale sur le MN Calao (© EMA)
Les Caracal autour du MN Calao, avec au fond le Mistral (© EMA)
Vue du MN Calao derrière un affût de Caracal (© EMA)

L'ECUME approche du MN Calao couverte par les Caracal (© EMA)
Les Caracal autour du MN Calao (© EMA)
Hélitreuillage de commandos depuis un Caracal (© EMA)
Les commandos sur le MN Calao (© EMA)
Les commandos sur le MN Calao (© EMA)
Un chien fait partie de l'équipe des commandos (© EMA)
Capture du militaire jouant le rôle du chef terroriste (© EMA)
Exfiltration du prisonnier (© EMA)

Le PHA Mistral au second plan (© EMA)
L'état-major suit les opérations en direct (© EMA)
La frégate Languedoc, le MN Calao, le Mistral et un avion de patrouille maritime Atlantique 2 (© EMA)